1 Mustapha Benfodil Dilem Président Biographie d’un émeutier INAS EDITIONS 2 A
1 Mustapha Benfodil Dilem Président Biographie d’un émeutier INAS EDITIONS 2 A la mémoire des martyrs d’Octobre 88 et du Printemps Noir « Dilem met de la métaphysique dans ses dessins et les bourre de sens et de contre-sens. De dérision, de passion du monde. Dilem est de cette trempe là, de ce génie là. Il souffre en rigolant, comme un chérubin inénarrable. Il nous fait souffrir aussi, jusqu’à mourir de rire. » Rachid Boudjedra « Je pense que Dilem ne peut intéresser que parce qu’il est ce Harrachi, cet émeutier, celui sur qui ont été exercés, comme sur une bête de laboratoire, tous les échecs de l’Algérie, tout ce qu’on a connu depuis l’Indépendance. » Ali Dilem 3 Chronique d’un délicieux interrogatoire Dans la petite famille des caricaturistes, un nom a raflé tous les suffrages. J’ai nommé : Ali Dilem. Ce livre s’attache à raconter son histoire. A la clé : une compile des moments forts de la vie de notre croqueur croquignolet, avec ce qu’elle a de tendre, de drôle, de cruel, de pathétique, de dérangeant, de passionnant et de passionnel. Je tiens d’emblée à souligner que ce livre est moins une hagiographie au goût de panégyrique qu’une biographie aux airs d’album de famille. Comme on le verra, la vie de Ali Dilem, si singulière soit-elle, ne se conjugue pas toujours à la première personne du singulier. Car la vie de Dilem est une histoire collective à elle seule, et à ce titre, le parcours de notre trublion fétiche mérite d’être médité comme la photographie d’une époque, d’un moment collectif, tant sa vie se confond avec celle de tout un pays, de toute une génération. Une génération qui l’acclame et le proclame comme une idole, un symbole, voire carrément un leader, au point de l’embarrasser par tant de sollicitation et de sollicitude. Que de fois, en effet, ne s’est-il défendu, tout au long de nos entretiens, d’être le porte-parole d’une quelconque jeunesse insurgée. Il me disait : « Je ne veux pas m’improviser porte- parole d’une génération. Ce serait malheureux qu’un misérable dessinateur de Mickeys le fasse. Soyons sérieux ya l’ khawa ! » L’on ne peut s’empêcher en tout cas de voir dans l’œuvre de l’éditorialiste graphique du quotidien Liberté quelque chose qui est de l’ordre de l’engagement ; un engagement rageur confinant au sacerdoce, loin de toute désinvolture, lui qui a fait de la « démystification de ce pouvoir » comme il dit, son dada, pour ne pas dire sa raison d’être. Mohamed Benchicou, son maître à penser, résume parfaitement cet état d’esprit lorsqu’il écrit : «Dilem a une âme de justicier. Il ne dessine pas pour passer le temps mais pour faire mal, pour écorcher les crapules et les puissants. » (Le Matin du 31 janvier 2002). Ainsi, la vie de Ali Dilem est, en elle-même, un pamphlet, lui, l’émeutier-né qui a porté la révolte sourde de tout un peuple, et qu’un peuple entier a porté. Rendons-lui à tout le moins grâce d’avoir hissé le dessin de presse au rang d’un art populaire. Il tombe sous le sens que l’héritage des aînés n’est pas pour autant balayé, à Dieu ne plaise. Il serait, au demeurant, ingrat et injuste d’occulter le travail des « pères fondateurs » dont je salue ici le mérite, eux qui ont grandement contribué à populariser la caricature (mais aussi la BD et le dessin de manière générale) même si avec moins de bonheur, vu l’éventail réduit des titres de la presse nationale avant 1990. Je pense aux Slim, Maz, Rachid Kaci, Haroun, Fathi Bourayou, Tenani, Aïder et autre Amouri, avec un hommage particulier à l’immense Sid-Ali Melouah qui nous a quittés le 4 juin 2007. A cette constellation de croqueurs lumineux est venue s’arrimer une brochette de jeunes talents qui assurent brillamment la continuité : les Ayoub, Gyps, Le Hic, Djamel Noun, Abi Mounir, Dahmani, Elho (Hocine Boukella), Islam, sans oublier cet autre monstre sacré qu’est Chawki Amari, premier dessinateur, dois-je le rappeler, à avoir goûté aux geôles du régime pour une simple « saute d’humour », et qui, à l’heure même 4 où j’écris ces lignes, risque d’y retourner, cette fois, sous la casquette du chroniqueur. C’est donc à eux tous, les pionniers aussi bien que leurs « épigones » étoilés, que je pense aussi, en faisant ce livre. En dernière analyse, c’est toute la saga de cet art qui est rendue ici. Au reste, il me brûle d’apporter cette précision de taille: Dilem n’a jamais « commandé » ce livre. Même si la vanité est humaine, force m’est de témoigner que je n’ai pas vu en Ali un collectionneur de compliments, encore moins un outrecuidant freluquet s’échinant à quémander la flatterie et arroser sa fleur de Narcisse aux paroles sirupeuses de son entourage. J’ai trouvé plutôt un jeune homme doté de beaucoup de discernement, d’une haute exigence morale et intransigeance politique ; un jeune homme profondément inquiet, constamment sur le qui-vive, d’une touchante fragilité, habité par une angoisse perpétuelle. Il est surprenant de voir combien il est désabusé, lui qui promène un regard plein de désenchantement sur les choses de ce monde, et qui observe, avec un étonnement mâtiné à la fois de dédain et de désolation, la façon avec laquelle courtisans et parvenus se jettent petitement sur le superficiel et le mondain. Je me dois donc de rendre justice à sa lucidité, à son humilité et à sa grande sensibilité. Ali Dilem n’a jamais demandé à être immortalisé dans un quelconque opuscule. S’il y a un mot qui résume ce garçon, si démesuré soit-il dans son trait et dans son imagination, ce mot serait « pudeur ». « Ya errab ! Au lieu de faire un bouquin sur un géant comme El Badji, on s’intéresse à la vie d’un misérable caricaturiste ! » martelait-il avec agacement. S’il a accepté de jouer le jeu, c’est dans l’esprit du « service minimum », juste de quoi témoigner d’une époque et rendre hommage, à l’occasion, à une flopée d’artistes – et non des moindres – qu’il a eu la chance de croiser sur son chemin : Mekbel, Matoub, les Asselah, Djaout, Martinez, Alloula, Allalou, Boudjedra, Idir, Fellag, Yasmina Khadra, et une légion d’autres grands noms de la culture algérienne. J’ai eu beau le prier de me gratifier d’un autoportrait, il n’a pas cédé à mes instances. Pas plus qu’il n’acceptera de poser pour une séance-photos. C’est dire tout le scrupule qu’il avait à passer pour la « star » qui dicterait sa biographie à un « nègre ». Il me disait d’un ton péremptoire, lors de nos apartés : « C’est ton bouquin, je ne suis qu’un sujet. » * Pour la petite histoire, l’idée de consacrer un livre à cet enfant terrible de la presse algérienne, je la dois à Abrous Outoudert, l’ancien directeur de Liberté. Le déclencheur du livre c’était, pour tout dire, la première convocation de Ali Dilem par la police et les démêlés qu’il avait eus, plus tard, avec la justice. Au-delà de l’émotion et de l’indignation que commandaient l’urgence de la situation, ces circonstances avaient exacerbé mon sentiment que le plus attendrissant de nos empêcheurs de tourner en rond méritait un peu plus qu’un ou deux articles scandalisés. Le soutien bienveillant de Abrous Outoudert ou…« Monsieur le Directeur » comme je me plaisais à l’appeler, y a fortement pourvu en me suggérant de faire carrément un livre, et en mettant tous les moyens de mon côté, à cet effet. Il est vrai que les tracasseries judiciaires de Ali Dilem ne constituent pas un précédent, Chawki Amari l’ayant devancé sous ce chapitre, comme je l’avais 5 signalé précédemment. Qu’on se souvienne, en effet, de ce fameux été 96 où le non moins décapant caricaturiste et chroniqueur du quotidien La Tribune à l’époque avait été incarcéré un mois durant, à Serkadji, pour un dessin jugé attentatoire à l’emblème national. Si Dilem n’avait pas été inquiété jusqu’à cette date, ses dessins n’en étaient pas moins honnis et maudits par les gardiens du Temple et les défenseurs attitrés des Tawabit al-wataniya, les sacro-saintes constantes nationales. « Je touche du bois » me dira-t-il, lui qui avait flirté plus d’une fois avec les foudres des Ponce Pilate de la tentation liberticide, en incorrigible iconoclaste qu’il a toujours été. Le 26 janvier 2002, Dilem est convoqué donc par la police pour répondre d’un dessin paru le 29 novembre 2001, et brocardant, une fois de plus, le haut gratin de la hiérarchie militaire. L’info circule comme une traînée de poudre dans les rédactions et jette l’opinion en émoi. Et pour cause. C’est la première fois que Ali Dilem est esté en justice pour un dessin de presse. C’était un fait inédit dans la mesure où c’était bien la première fois que l’auguste MDN, le bien distingué Ministère de la défense nationale, réagissait d’une manière, pour ainsi dire, officielle, à une caricature, alors que Dilem n’en était pas à son premier coup de patte « anti-généraux ». Le 16 juin 2001, soit quelques mois uploads/s3/ dilempresident 1 .pdf
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- Publié le Dec 17, 2022
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