CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR
CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS PREMIÈRE SECTION AFFAIRE WAGNER ET J.M.W.L. c. LUXEMBOURG (Requête no 76240/01) ARRÊT STRASBOURG 28 juin 2007 DÉFINITIF 28/09/2007 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT WAGNER ET J.M.W.L. c. LUXEMBOURG 1 En l'affaire Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de : MM. C.L. ROZAKIS, président, L. LOUCAIDES, Mme F. TULKENS, MM. A. KOVLER, K. HAJIYEV, D. SPIELMANN, S.E. JEBENS, juges, et de M. S. NIELSEN, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 18 janvier et 7 juin 2007, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date : PROCÉDURE 1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 76240/01) dirigée contre le Grand-Duché de Luxembourg et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Jeanne Wagner, et son enfant, J.M.W.L., de nationalité péruvienne, (« les requérantes »), ont saisi la Cour le 15 novembre 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Les requérantes se plaignaient, au titre des articles 8 et 14 de la Convention, d'une atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale et d'un traitement discriminatoire, en raison de la non-reconnaissance au Luxembourg de la décision péruvienne prononçant l'adoption plénière de la deuxième requérante au profit de la première requérante. Elles alléguaient en outre être privées du droit à un procès équitable, au titre de l'article 6 de la Convention. 3. Par une décision du 5 octobre 2006, la chambre a déclaré la requête recevable. 4. Une audience s'est déroulée en public au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 18 janvier 2007 (article 59 § 3 du règlement). Ont comparu : – pour le Gouvernement Me L. Schaack, avocat, Me F. Moyse, avocat, conseils ; – pour les requérantes Me J.-P. Noesen, avocat, conseil. 2 ARRÊT WAGNER ET J.M.W.L. c. LUXEMBOURG La Cour les a entendus en leurs déclarations ainsi qu'en leurs réponses aux questions de certains juges. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE 5. Les requérantes sont nées respectivement en 1967 et 1993 et résident à Luxembourg. 6. Le 6 novembre 1996, le tribunal de la famille de la province de Huamanga (Pérou) prononça l'adoption de la deuxième requérante, âgée alors de trois ans et antérieurement déclarée abandonnée, au profit de la première requérante. Le juge énuméra les différentes étapes de la procédure d'adoption qui avaient été réalisées dans le respect des conditions légales. En vertu du jugement, l'enfant acquit la qualité de fille de la première requérante, cessa d'appartenir à sa famille consanguine et porta dorénavant les prénoms et noms de J.M.W.L. Conformément aux dispositions légales et à la convention établie entre le secrétariat technique des adoptions du Pérou et l'association Luxembourg-Pérou, celle-ci fut déclarée responsable de la surveillance de l'état de l'enfant et, le cas échéant, de la légalisation de l'adoption au Luxembourg. 7. Le jugement du tribunal de la famille de la province de Huamanga fut déclaré exécutoire – selon l'attestation dudit tribunal en date du 14 décembre 1996 – et transcrit au registre de l'état civil d'Ayacucho-Huamanga. 8. En mai 1997, la première requérante, qui vivait seule au Luxembourg avec l'enfant adoptée, donna naissance à une fille. Le 13 novembre 2006, l'avocat de l'intéressée indiqua qu'elle était désormais mère de quatre enfants scolarisés et habitait toujours au Luxembourg. A. Procédure déclenchée devant les juridictions civiles aux fins de voir déclarer exécutoire au Luxembourg le jugement péruvien prononçant l'adoption plénière 9. Le 10 avril 1997, les requérantes assignèrent le ministère public devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Elles demandèrent que la décision péruvienne soit déclarée exécutoire au Grand-Duché comme s'il s'agissait d'un jugement d'adoption plénière rendu par la juridiction luxembourgeoise compétente ; elles précisèrent que le but de la demande d'exequatur était que l'enfant puisse être inscrite sur les registres de l'état civil au Grand-Duché, qu'elle puisse acquérir la nationalité de sa mère ARRÊT WAGNER ET J.M.W.L. c. LUXEMBOURG 3 adoptive et bénéficier d'une autorisation de séjour définitive au Luxembourg. 1. Jugement du tribunal d'arrondissement du 11 février 1998 10. Le 11 février 1998, le tribunal d'arrondissement déclara la demande en exequatur recevable pour avoir été régulièrement introduite par assignation. A cet égard, il précisa notamment ce qui suit : « La demande en exequatur d'un jugement étranger constitue une demande principale en justice qui est de nature différente de la demande ayant conduit au jugement étranger. Le juge saisi de la demande en exequatur n'apprécie pas le fond de la demande qui était soumise au juge étranger, mais se limite à vérifier les conditions de la régularité internationale de la décision. La demande en exequatur d'un jugement d'adoption, de nature différente de la demande en adoption, n'est pas soumise à la procédure d'exception de l'article [pertinent] du code de procédure civile, qui permet d'introduire les demandes d'adoption par voie de requête (...) » 11. Les juges décidèrent que le tribunal saisi d'une demande en exequatur d'un jugement d'adoption prononcé par un tribunal étranger devait tout d'abord vérifier si ce dernier était compétent au regard de ses règles de compétences. A ce sujet, ils conclurent que l'adoption avait été prononcée par la juridiction compétente suivant l'article 370 du code civil luxembourgeois. 12. Quant à la loi applicable au fond, les juges rappelèrent d'abord les positions adoptées par les parties au litige. Ainsi, le ministère public soutenait que le tribunal devait vérifier si le juge étranger avait appliqué la loi désignée par le système luxembourgeois de droit international privé. L'adoptante étant de nationalité luxembourgeoise, les conditions pour adopter seraient régies par la loi luxembourgeoise ; or l'article 367 du code civil luxembourgeois ne permettrait pas l'adoption plénière par une personne célibataire. Le parquet en conclut que le juge péruvien, en prononçant une adoption plénière au profit de la première requérante en tant que célibataire, avait méconnu la loi luxembourgeoise. Les requérantes étaient d'avis que le tribunal devait se limiter à examiner si l'adoption prononcée au Pérou avait été rendue selon les formes prescrites par les lois du Pérou. Elles arguaient notamment que le dernier alinéa de l'article 370 du code civil luxembourgeois était à interpréter en ce sens que « la règle de conflit internationale luxembourgeoise reconnaît ... expressément comme valable une adoption conclue à l'étranger par une autorité compétente en vertu de la législation de ce pays, ..., pourvu que la procédure locale et les dispositions locales aient été respectées ». Le tribunal décida que le dernier alinéa de l'article 370 du code civil introduisait une règle de compétence juridictionnelle et maintenait par ailleurs ses règles de conflits de lois. Il ajouta qu'aux termes de l'article 370 du code civil l'adoption par la première requérante, de nationalité 4 ARRÊT WAGNER ET J.M.W.L. c. LUXEMBOURG luxembourgeoise, était régie par la loi luxembourgeoise en ce qui concerne les conditions requises pour adopter. Il conclut que le tribunal saisi de la demande en exequatur de la décision devait vérifier si l'adoption avait été prononcée en conformité avec la loi luxembourgeoise en ce qui concerne lesdites conditions. 13. Les juges rappelèrent ensuite qu'ils avaient prononcé la rupture du délibéré, le 11 novembre 1997, pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur les questions préjudicielles suivantes, qu'ils entendaient soumettre à la Cour constitutionnelle : « 1. La législation relative à l'adoption, plus particulièrement l'article 367 du Code civil permet à un couple marié d'adopter plénièrement un enfant et interdit l'adoption plénière par une personne célibataire. Cette loi est-elle conforme à l'article 11 (3) de la Constitution qui dispose que « l'Etat garantit les droits naturels de la personne humaine et de la famille » et à l'article 11 (2) de la Constitution qui prescrit que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi » ? 2. Le droit de fonder une famille constitue-t-il un droit naturel de la personne humaine et de la famille ? 3. Le droit de fonder une famille adoptive constitue-t-il un droit naturel de la personne humaine et de la famille ? 4. Le droit de fonder une famille comporte-t-il le droit de fonder une famille monoparentale ? 5. Le droit de fonder une famille constitue-t-il seulement un droit de la personne humaine mariée ? 6. Le principe d'égalité devant la loi permet-il d'autoriser l'adoption plénière à des mariés à l'exclusion d'une personne célibataire ? 7. Les articles 11(2) et (3) de la Constitution consacrent-ils des droits d'une personne célibataire à une adoption plénière aux mêmes conditions auxquelles sont soumis des époux ? » 14. Ils confirmèrent qu'ils devaient examiner l'application correcte de l'article 367 du code civil et sa conformité à la Constitution avant de statuer sur la demande en exequatur. Pour ce faire, ils demandèrent aux requérantes de clarifier leur situation familiale effective, aux motifs suivants : « uploads/S4/ 32-wagner-et-j-m-w-l-c-luxembourg.pdf
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- Publié le Apv 16, 2022
- Catégorie Law / Droit
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