Georges Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », Études

Georges Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », Études et documents du Conseil d'État, 1954, en miroir avec Charles Eisenmann, « La théorie des bases constitutionnelles du droit administratif », Revue de droit public, 1972 (Xavier Magnon) La controverse entre Georges Vedel et Charles Eisenmann sur les bases constitutionnelles du droit administratif ne relève-t-elle pas « de la petite histoire (…) de l’anecdote juridique », n’est- elle pas « dépassée. Ces bases constitutionnelles (ont émergé) de plus en plus dans notre droit positif : (est)-t-il possible d’écrire un simple précis de droit administratif sans intégrer les textes et la jurisprudence constitutionnelle à propos de la décentralisation, du secteur public, de la police, etc. ? » (G. Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », in La pensée de Charles Eisenmann, Economica-PUAM, 1986, pp. 133-145, ci-après BCDA 86. Respectivement p. 144 et p. 145). Ces interrogations, formulées par le premier en 1986 à l’occasion d’un hommage au second, renvoient au choix des auteurs de cet ouvrage qui ont inséré cette controverse dans les Grands discours de la culture juridique. Aussi la pertinence de ce choix est-elle peut-être moins à rechercher dans le fond de la controverse que dans le cadre d’analyse de celle-ci. Beaucoup a déjà été écrit sur cette controverse (voir bibliographie), y compris par l’un des deux protagonistes, qui a consacré deux textes à répondre à la critique dont il a fait l’objet. Avant de revenir sur ce point, deux questions sont encore à résoudre au préalable : le domaine (et le volume) de la controverse et la question du choix du ou des textes pour l’illustrer. Celle-ci trouve son origine dans la publication de l’article éponyme, d’une trentaine de pages, de Georges Vedel en 1954, aux Etudes et documents du Conseil d’Etat (G. Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, 1954, n° 8, pp. 21-53, ci-après BCDA 54). Cette théorie première sera reformulée en partie dans le Précis Thémis de Droit administratif et, en particulier, dans les éditions de 1958 et de 1968 (les 1ère édition et 4ème édition du précis sont précisément visées par Charles Eisenmann dans son article à la RDP, voir référence ci-dessous, p. 1346, comme exposant cette théorie). La controverse naîtra avec l’article de Charles Eisenmann, « La théorie des « bases constitutionnelles du droit administratif » », de près de 100 pages, à la Revue de droit public en 1972 (C. Einsenmann, « La théorie des « bases constitutionnelles du droit administratif » », RDP, 1972, pp. 1345-1441, ci-après TBCDA). Elle se prolongera par une réponse de Georges Vedel dans la préface de la 7ème édition de son Manuel de Droit administratif (G. Vedel, avec la collaboration de P. Delvolvé, Droit administratif, PUF, Thémis, 1980, 7ème édition, pp. 19-38, ci-après BCDA 80) en 1980 et sans doute d’un bilan de celle-là par celui-ci dans La pensée de Charles Eisenmann (BCDA 86, pp. 133-145) en 1986. Derrière la théorie des bases constitutionnelles, il y a donc en réalité deux formulations successives de cette théorie, une discussion de Charles Eisenmann qui porte principalement sur cette seconde formulation et une dilution conclusive de cette théorie par son auteur qui en réduit la portée : « s’il existe des bases constitutionnelles du droit administratif, c’est au sens faible du terme, comme il existe des bases constitutionnelles de toute branche du droit » (BCDA 86, p. 143). 2 Cette relative complexité de « la » théorie se double d’un volume de pages consacrées à son exposé et à la controverse insusceptibles d’être totalement retranscrites dans le cadre de cet ouvrage ; d’où la question et la justification du choix du ou des textes et, plus justement, des extraits de ceux-ci pour exposer cette controverse. Le choix pourra apparaître radical, notamment en ce qu’il exclut tout extrait du texte de Charles Eisenmman, mais il se justifie. La préface de la 7ème édition du manuel de Droit administratif paraît exposer de la manière la plus claire qui soit, à la fois les deux formulations de la théorie, le cœur de l’attaque portée par Charles Eisenmann et « l’examen de conscience » de Georges Vedel (ce sont ses termes même, BCDA 80, p. 36). Il synthétise le mieux l’exposé de la théorie et de la controverse alors que l’on pourra trouver le texte de 1954 et celui de 1972 comme excessivement longs au regard des idées qui sont finalement défendues et l’exposé général des éditions de 1958 et de 1968, trop dilué pour pouvoir être repris. L’article de 1986 est sans doute trop tardif, Georges Vedel, on l’a vu, ne croit déjà plus véritablement ni à sa théorie ni à l’intérêt de la controverse. De manière synthétique, il convient de retenir, qu’en 1954, Georges Vedel entend trouver dans la Constitution le fondement du droit administratif et toute la question consistera précisément à savoir ce qu’il faut entendre par fondement. Il considère que le critère du droit administratif est un critère organique et formel et qu’il repose sur l’exécutif : « l’ordre positif, celui qui découle à la fois des principes constitutionnels et du droit administratif, c’est qu’il n’y a ni compétence du juge administratif ni application du droit administratif là où il n’y a pas d’exercice du pouvoir exécutif » (BCDA 54, p. 33). Ce critère n’est toutefois pas reconnu comme étant suffisant car il se prolonge par « une condition complémentaire », Georges Vedel considère en effet de manière explicite que sa théorie ne fait pas appel « à deux critères mais à un seul » (Loc. cit., p. 46), tiré de la notion de puissance publique : « caractériser l’administration comme une activité du pouvoir exécutif serait insuffisant si l’on ajoutait que toutes activité des organes participant au pouvoir exécutif doit, pour avoir le caractère administratif, pour relever du juge administratif et du droit administratif, s’exercer par des procédés de puissance publique » (Loc. cit., pp. 41-42) ; « le droit administratif est le corps de règles spéciales applicables à l’activité du pouvoir exécutif en tant qu’il use de la puissance publique » (Loc. cit., pp. 45-46). Ainsi défini, le droit administratif trouve un fondement constitutionnel en ce que le pouvoir exécutif est consacré par la Constitution, au « sens organique et formel qui est celui que lui donnent traditionnellement nos constitutions, notamment l’article 3 de la loi du 25 février 1875 et l’article 47 de la Constitution du 27 octobre 1946 » (BCDA 54, p. 39. Voir respectivement : « Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre » ; « Article 47. - Le président du Conseil des ministres assure l'exécution des lois. Il nomme à tous les emplois civils et militaires, 3 sauf ceux prévus par les articles 30, 46 et 84. Le président du Conseil assure la direction des forces armées et coordonne la mise en œuvre de la défense nationale. Les actes du président du Conseil des ministres prévus au présent article sont contresignés par les ministres intéressés »). En vertu de cette dernière disposition, seuls les actes du gouvernement se rattachant à « l’exécution des lois » ont un caractère administratif (BCDA 54, p. 40). Le « critère de la puissance publique » est également rattaché à la Constitution dans la mesure où « les différents organes de l’Etat ne tiennent leur autorité que du souverain (…). Mais ils lui empruntent l’un de ses attributs essentiels : le pouvoir de commander, c’est-à-dire de prendre des décisions qui s’imposent aux individus sans le consentement de ceux-ci et, en certains cas, de ramener ces décisions à exécution par la contrainte » (Loc. cit., p. 42). Dans sa seconde formulation, Georges Vedel prend en compte la Constitution du 4 octobre 1958 et la nouvelle définition du domaine réglementaire, celui-ci n’étant plus seulement un pouvoir d’exécution des lois, mais également un pouvoir autonome, ce qui impose d’adapter son explication première. Le rattachement organique à l’article 20 de la Constitution, équivalent de l’article 47 de la Constitution de 1946, est maintenu, mais l’article 37 de la Constitution est lu comme permettant de « caractériser l’activité étatique de droit commun », en ce qu’il « consacre ce qui est par excellence la prérogative de puissance publique : le pouvoir de poser unilatéralement des normes juridiques » (BCDA 80, p. 46). Il en résulterait une présomption de domaine administratif. La critique de Charles Eisenmann porte essentiellement sur la seconde formulation de la uploads/S4/ 94-discours-bases-constitutionnelles-du-da.pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 31, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2896MB