Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage international EMMANUEL GAILLARD

Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage international EMMANUEL GAILLARD LES LIVRES DE POCHE DE L’ACADEMIE DE DROIT INTERNATIONAL DE LA HAYE Aspects philosophiques du droit de l'arbitrage international EMMANUEL GAILLARD 13 T A B L E D E S M A T I È R E S Introduction 17 Chapitre I. Les représentations de l'arbitrage interna- tional 32 A. L'arbitrage international réduit à une compo- sante d'un ordre juridique étatique donné . . . 34 1. Les justifications avancées 35 a) Le courant objectiviste 35 b) Le courant subjectiviste 39 2. Les postulats philosophiques 41 a) Le positivisme étatique 42 b) La recherche de l'ordre 43 B. L'arbitrage international fondé sur une pluralité d'ordres juridiques étatiques 46 1. Les postulats philosophiques 48 a) Le positivisme étatique 48 b) Le modèle westphalien: l'indifférence éri- gée en vertu 50 2. Analyse critique 55 a) Les titres respectifs du droit du siège et du droit du ou des lieux d'exécution à régir la juridicité de l'arbitrage 56 b) L'écueil du lex executionnisme 58 C. L'ordre juridique arbitral 60 1. Les postulats philosophiques 66 a) Le courant jusnaturaliste 66 b) Le courant positiviste transnational.... 74 i) Le dépassement du thème de l'inadé- quation des ordres juridiques étatiques 75 ii) La valorisation du principe majori- taire 77 iii) Le caractère dynamique de la mé- thode des règles transnationales . . . 80 2. La reconnaissance de l'existence d'un ordre juridique arbitral 83 a) La reconnaissance de l'existence d'un 14 Table des matières ordre juridique arbitral dans la jurispru- dence arbitrale 83 b) Reconnaissance de l'existence d'un ordre juridique arbitral par les ordres juridiques étatiques 92 Chapitre II. Les conséquences des représentations de l'arbitrage international 101 A. L'incidence des représentations de l'arbitrage sur le pouvoir de juger des arbitres 101 1. Le traitement des anti-suit injunctions . . . . 106 a) Les anti-suit injunctions prononcées par les juridictions d'un Etat autre que celui du siège de l'arbitrage 107 b) Les anti-suit injunctions prononcées par les juridictions de l'Etat du siège de l'ar- bitrage 116 2. La question de la litispendance entre juri- dictions étatiques et juridictions arbitrales . . 126 B. L'incidence des représentations de l'arbitrage sur la décision des arbitres 133 1. L'incidence des représentations de l'arbitrage sur l'utilisation par les arbitres de la liberté qui leur est reconnue dans la conduite de la procédure arbitrale et dans l'identification des règles de droit régissant le fond du litige 135 a) La conduite de la procédure arbitrale. . . 135 i) L'évolution des sources 136 ii) La persistance des enjeux 142 iii) L'observation des tendances 150 b) Les règles applicables au fond du litige . 152 i) L'évolution des sources 153 ii) La persistance des enjeux 159 iii) L'observation des tendances 160 2. L'incidence des représentations de l'arbitrage sur les limites assignées à la liberté des par- ties de choisir les règles de droit appli- cables au fond du litige 162 a) L'approche monolocalisatrice 163 b) L'approche westphalienne 166 c) L'approche transnationale 176 Table des matières 15 C. L'incidence des représentations de l'arbitrage sur le sort réservé à la sentence 188 1. Le sort de la sentence annulée dans l'ordre juridique de l'Etat du siège 188 2. Le sort de la décision de refus d'annulation intervenue dans l'ordre juridique de l'Etat du siège 199 Conclusion 207 A propos de l'auteur 210 Notice biographique 210 Principales publications 211 Bibliographie 219 Index 233 17 INTRODUCTION 1. Evoquer les «aspects philosophiques du droit de l'arbitrage», c'est rendre hommage à Henri Batiffol qui a consacré un ouvrage devenu classique aux «aspects philosophiques du droit international privé» L'hommage est en réalité paradoxal dans la mesure où, s'il faut rechercher une filiation de la pensée, c'est à Berthold Goldman que l'on songe en premier lieu. On se souvient en effet du cours fondamental donné dans cette Académie en 1963, dans lequel, à l'occasion d'une étude sur les conflits de lois dans l'arbitrage international, l'auteur a posé les bases d'une réflexion qui devait renouveler la vision de l'arbitrage internatio- nal. C'est tout particulièrement dans ce cours qu'en rupture avec la pensée encore dominante à l'époque 2 il émet l'idée féconde selon laquelle «les arbitres n'ont pas de for» ou que, si l'on devait leur en prêter un, il s'agirait du monde 3. C'était ouvrir une interrogation, qui relève de la philosophie de l'arbitrage, sur les rela- tions qu'entretient cette institution avec les ordres juri- diques nationaux. Au titre des hommages, on évoquera encore l'analyse que Phocion Francescakis a pu 1 H. Batiffol, Aspects philosophiques du droit interna- tional privé, Paris, Dalloz, 1956. 2 C'est en 1957 que l'Institut de droit international adoptait la résolution d'Amsterdam, au rapport de G. Sauser-Hall, suggérant l'application par les arbitres des règles de conflit du siège «en tant que lex fori» (Annuaire IDI, 1952, I, p. 469, spéc. p. 571). Sur l'évolution de la pensée juridique en la matière, voir infra n o s 89 ss. 3 B. Goldman, «Les conflits de lois dans l'arbitrage international de droit privé», Recueil des cours, tome 109 (1963), p. 347, spéc. p. 374. Adde Comité français de droit international privé, séance du 23 novembre 1985, Travaux du Comité français de droit international privé, Journée du cinquantenaire, 1988, p. 117. 18 Emmanuel Gaillard conduire, en 1960, avec la finesse qu'on lui connais- sait, sur les rapports du droit naturel et du droit inter- national privé 4. Comme Henri Batiffol, l'auteur s'atta- chait à montrer en quoi une discipline aussi technique que le droit international privé pouvait trouver à s'enri- chir, sur des questions telles que la qualification ou l'ordre public international, d'emprunts à des concep- tions universalistes qu'il reliait au droit naturel. 2. Le droit de l'arbitrage, plus encore que le droit international privé, se prête à une réflexion de philoso- phie du droit. Les notions, essentiellement philoso- phiques, de volonté et de liberté sont au cœur de la matière. La liberté des parties de préférer aux juridic- tions étatiques une forme privée de règlement des dif- férends, de choisir leur juge, de forger la procédure qui leur paraît la plus appropriée, de déterminer les règles de droit applicables au différend, quitte à ce qu'il s'agisse de normes autres que celles d'un système juri- dique donné, la liberté des arbitres de se prononcer sur leur propre compétence, de fixer le déroulement de la procédure et, dans le silence des parties, de choisir les normes applicables au fond du litige, soulèvent autant de questions de légitimité. Plus fondamentalement encore, le fait que l'arbitre rende une décision privée sur le fondement d'une volonté des parties qui l'est tout autant soulève la question de la source de ce pou- voir et de la juridicité de la décision qui en résulte. La question des sources — sinon de la source, «norme fondamentale» pour les uns 5, «règle de reconnais- sance» chez d'autres 6 — étant sans doute l'une des 4 Ph. Francescakis, « Droit naturel et droit international privé», Mélanges offerts à Jacques Maury, t. I, Paris, Dalloz, 1960, p. 113. 5 H. Kelsen, Théorie pure du droit, 2 e éd., trad. Ch. Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, pp. 255 ss. 6 H. L. A. Hart, Le concept de droit, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1976, spec. p. 120. Aspects philosophiques 19 plus difficiles de la philosophie du droit, l'arbitrage de- vrait être considéré comme un terrain privilégié de cette réflexion. S'il est vrai que «c'est à sa plus ou moins grande capacité de résoudre la question des sources du droit positif que l'on juge de la fécondité ou de l'im- puissance de toute théorie du droit» 7, l'arbitrage ne devrait pas laisser indifférents les philosophes du droit. 3. Pourtant, les échanges entre les disciplines du droit de l'arbitrage et de la philosophie du droit sont restés limités. A l'exception notable de Bruno Oppetit, qui a con- sacré une étude importante à la Théorie de l'arbi- trage 8, et des jeunes auteurs qui semblent manifester un intérêt accru pour cette discipline 9, les spécialistes du droit de l'arbitrage se sont essentiellement attachés à l'exposé et à l'appréciation critique des solutions du droit positif. Ce n'est guère qu'à l'occasion de la que- relle de la lex mercatoria, qui a occupé une large par- tie du débat théorique dans la seconde moitié du X X e siècle 1 0, que certains échanges entre spécialistes de l'arbitrage et philosophes du droit ont eu lieu. Les 7 G. Gurvitch, L'expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Paris, Pedone, 1935, p. 138. Sur la dis- tinction entre philosophie du droit et théorie générale du droit, voir par exemple F. Rigaux, Introduction à la science du droit, Bruxelles, Ed. Vie ouvrière, 1974, p. 137. 8 B. Oppetit, Théorie de l'arbitrage, Paris, PUF, 1998 et, du même auteur, «Philosophie de l'arbitrage commer- cial international», JD1, 1993, p. 811. 9 Voir par exemple S. Bollée, Les méthodes du droit international privé à l'épreuve des sentences arbitrales, Paris, Economica, 2004; H. Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de la mondialisation, 2 e éd., uploads/S4/ gaillard-emmanuel-aspects-philosophiques-du-droit-de-l-x27-arbitrage-international-2007.pdf

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  • Publié le Nov 27, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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