CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR

CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS AFFAIRE K.-H.W. c. ALLEMAGNE (Requête n° 37201/97) ARRÊT STRASBOURG 22 mars 2001 [Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d’arrêts et de décisions de la Cour.] ARRÊT K.-H.W. c. ALLEMAGNE 1 En l’affaire K.-H.W. c. Allemagne, La Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit : M. L. WILDHABER, Président, Mme E. PALM, M. C.L. ROZAKIS, M. G. RESS, M. J.-P. COSTA, M. L. FERRARI BRAVO, M. L. CAFLISCH, M. L. LOUCAIDES, M. I. CABRAL BARRETO, M. K. JUNGWIERT, Sir Nicolas BRATZA, M. B. ZUPANCIC, Mme N. VAJIC, M. M. PELLONPÄÄ, Mme M. TSATSA-NIKOLOVSKA, M. E. LEVITS, M. A. KOVLER, juges, et de M. M. DE SALVIA, greffier, Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 8 novembre 2000 et 14 février 2001, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date : PROCÉDURE 1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 37201/97) dirigée contre la République fédérale d’Allemagne et dont un ressortissant de cet Etat, M. K.-H.W. (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 5 mai 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le requérant a demandé à la Cour de ne pas divulguer son identité et le Président a fait droit à sa demande conformément à l’article 47 § 3 du règlement. 2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représenté par Me Piers Gardner, avocat au barreau de Londres (Royaume- Uni) et par Me Dirk Lammer, avocat au barreau de Berlin (Allemagne). Le gouvernement allemand (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Klaus Stoltenberg, Ministerialdirigent. 3. Le requérant alléguait que l’action qui lui a été reprochée ne constituait pas, au moment où elle avait été commise, une infraction d’après 2 ARRÊT K.-H.W. c. ALLEMAGNE le droit national ou d’après le droit international, et que sa condamnation par les juridictions allemandes constituait donc une violation de l’article 7 § 1 de la Convention. Il invoquait également les articles 1 et 2 § 2 de la Convention. 4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11). 5. La requête a été attribuée à la quatrième section de la Cour, en même temps que les requêtes (nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98) de MM. Fritz Streletz, Heinz Kessler et Egon Krenz, également dirigées contre la République fédérale d’Allemagne (article 52 § 1 du règlement). Le 9 décembre 1999, une chambre de cette section, composée des juges dont le nom suit : M. M. Pellonpää, Président, M. G. Ress, M. A. Pastor Ridruejo, M. L. Caflisch, M. J. Makarczyk, M. I. Cabral Barreto et Mme N. Vajić, ainsi que de M. V. Berger, greffier de section, s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, aucune des parties ne s’y étant opposée (articles 30 de la Convention et 72 du règlement). 6. La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 27 §§ 2 et 3 de la Convention et 24 du règlement (ancienne version). Le président de la Grande Chambre a décidé que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice la requête, ainsi que celles de MM. Streletz, Kessler et Krenz, devaient être attribuées à la même Grande Chambre (articles 24, 43 § 2 et 71 du règlement). 7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur la recevabilité et le fond de l’affaire. 8. Une audience portant sur la présente requête, ainsi que sur celles de MM. Streletz, Kessler et Krenz, et dédiée à la fois aux questions de recevabilité et de fond, s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 8 novembre 2000 (article 54 § 4 du règlement). Ont comparu : – pour le Gouvernement MM. K. STOLTENBERG, Ministerialdirigent, agent, C. TOMUSCHAT, Professeur de droit international public, K.-H. STÖR, Ministerialrat, conseillers ; – pour le requérant Mes P. GARDNER, avocat au barreau de Londres, D. LAMMER, avocat au barreau de Berlin, conseils ; ARRÊT K.-H.W. c. ALLEMAGNE 3 – pour MM. Streletz, Kessler et Krenz Mes F. WOLFF, H.-P. MILDEBRATH, R. UNGER, avocats au barreau de Berlin conseils. La Cour les a entendu en leurs déclarations. 9. Par des décisions du 8 novembre 2000, la Grande Chambre a déclaré recevables la présente requête ainsi que celles de MM. Streletz, Kessler et Krenz. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 10. Le requérant est un ressortissant allemand, né en 1952 et résidant à Berlin (Allemagne). A. Le contexte général 11. De 1949 à 1961 environ deux millions et demi d’Allemands ont fui la République démocratique allemande (RDA) pour se rendre en République fédérale d’Allemagne (RFA). Pour contenir le flux incessant des fugitifs, la RDA érigea le mur de Berlin le 13 août 1961 et renforça tous les dispositifs de sécurité le long de la frontière entre les deux Etats allemands, en y installant notamment des mines antipersonnel et des systèmes de tir automatiques (Selbstschussanlagen). De nombreuses personnes ayant tenté de franchir la frontière pour se rendre à l’Ouest ont par la suite trouvé la mort, soit en déclenchant des mines antipersonnel ou des systèmes de tir automatiques, soit en succombant aux tirs des gardes-frontière est- allemands. D’après le parquet de la RFA, le nombre de morts s’élève officiellement à 264 ; d’autres sources avancent des chiffres plus élevés, comme « le groupe de travail du 13 août » (Arbeitsgemeinschaft 13. August), qui parle de 938 morts. En tout état de cause, le nombre exact de personnes tuées est très difficile à déterminer, car les incidents à la frontière étaient tenus secrets par les autorités de la RDA. 12. Le Conseil d’Etat (Staatsrat) de la RDA rendait les décisions de principe pour les question de défense et de sécurité du pays et organisait la défense du pays avec l’aide du Conseil national de la défense (Nationaler Verteidigungsrat - NVR) de la RDA (article 73 de la Constitution de la RDA – paragraphe 22 ci-dessous). 4 ARRÊT K.-H.W. c. ALLEMAGNE La présidence de ces deux organes ainsi que du Parlement de la RDA (Volkskammer) était assurée par des membres du Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands - SED) de la RDA. Le Bureau politique (Politbüro) du Comité central du Parti était l’organe décisionnel du Parti socialiste unifié et l’instance la plus puissante de la RDA. Toute décision politique de principe et toute décision relative à la nomination des cadres dirigeants du pays étaient prises en son sein. Le nombre de ses membres était variable : à compter du XIe et dernier congrès du Parti socialiste unifié du mois d’avril 1986, il comptait vingt-deux membres et cinq candidats. Le Secrétaire général du Comité central du Parti présidait le Conseil national de la défense et tous les membres de ce Conseil étaient des fonctionnaires du Parti. Le Conseil national de la défense se réunissait en général deux fois par an et rendait des décisions importantes relatives à la mise en place et à la consolidation du régime de surveillance de la frontière (Grenzregime) ou portant sur les ordres de tirer (Schiessbefehle). 13. Les gardes-frontière de la RDA (Grenztruppen der DDR), issus de l’Armée nationale du peuple (Nationale Volksarmee), dépendaient directement du Ministère de la défense nationale (Ministerium für nationale Verteidigung). Les ordres annuels du Ministre de la défense nationale reposaient eux-mêmes sur des décisions du Conseil national de la défense. Ainsi, dans une décision du 14 septembre 1962, le Conseil national de la défense précisa que les ordres (Befehle) et instructions de service (Dienstvorschriften) édictés par le Ministre de la défense devaient montrer aux gardes-frontière qu’ils « [étaient] pleinement responsables de la préservation de l’inviolabilité de la frontière étatique dans leur secteur et que ‘ceux qui [violaient] la frontière’ (Grenzverletzer) [devaient] être dans tous les cas arrêtés en tant qu’adversaires (Gegner) et, si nécessaire, anéantis (vernichtet) ». De même, une instruction de service du 1er février 1967 précisa que « la pose ciblée et serrée des mines sur le terrain (...) doit empêcher la mobilité de ‘ceux qui violent la frontière’ et (...) aboutir à leur arrestation ou anéantissement ». Depuis 1961, et surtout dans la période allant de 1971 à 1989, les réunions du Conseil national de la défense portaient régulièrement sur la consolidation et l’amélioration des installations de protection de la frontière (Grenzsicherungsanlagen) et sur l’utilisation des armes à feu. Les ordres édictés par le Ministre de la défense sur cette base insistaient également sur la nécessité de protéger la frontière étatique de la RDA à tout prix et indiquaient que « ceux qui violaient uploads/S4/ affaire-k-h-w-c-allemagne.pdf

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  • Publié le Dec 30, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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