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Tous droits réservés © Société québécoise de droit international, 2019 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 29 mai 2021 20:27 Revue québécoise de droit international Quebec Journal of International Law Revista quebequense de derecho internacional Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme? : Multinationales et perversion du droit, Montréal, Ecosociété, 2017 Gabrielle Comtois Volume 30, numéro 2, 2017 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1064686ar DOI : https://doi.org/10.7202/1064686ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société québécoise de droit international ISSN 0828-9999 (imprimé) 2561-6994 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Comtois, G. (2017). Compte rendu de [Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme? : Multinationales et perversion du droit, Montréal, Ecosociété, 2017]. Revue québécoise de droit international / Quebec Journal of International Law / Revista quebequense de derecho internacional, 30(2), 251–254. https://doi.org/10.7202/1064686ar ALAIN DENEAULT, DE QUOI TOTAL EST-ELLE LA SOMME? : MULTINATIONALES ET PERVERSION DU DROIT, MONTRÉAL, ECOSOCIÉTÉ, 2017 Gabrielle Comtois* L’avènement de la mondialisation entraîne la montée en puissance d’une myriade d’acteurs non-étatiques, dont les activités s’étendent partout à travers le globe. Cette nouvelle réalité vient défier la vision traditionnellement stato-centré des relations internationales et les intellectuels développent le concept de « relations transnationales » afin de mieux rendre compte de la multiplicité des acteurs agissant désormais sur la scène internationale. Parallèlement, le droit national et international encadrant les activités de ces nouveaux acteurs peine à s’adapter à la rapidité croissante avec laquelle évoluent les interactions transfrontalières. Dans son ouvrage, De quoi Total est-elle la somme?, Alain Denault, docteur en philosophie de l'université Paris-VIII et directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris, se penche sur la façon dont certaines multinationales instrumentalisent les failles du droit afin d’orchestrer des activités criminelles à l’échelle mondiale, en toute impunité. Au cours de sa carrière, Alain Denault enseigne à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’à l’Université de Montréal. Il publie également plusieurs ouvrages, qui sèment la controverse : « En 2008, Barrick Gold poursuit Écosociété et les auteurs de Noir Canada, Alain Deneault et ses collaborateurs Delphine Abadie et Wiliam Sacher, pour 6 millions de dollars, soit 5 millions de dollars à titre de dommages moraux et compensatoires, plus 1 million de dollars à titre de dommages punitifs1 ». Cette poursuite-bâillon représente un exemple frappant des risques auxquels s’exposent les auteurs qui, comme Alain Denault, persistent à dénoncer les actions frauduleuses des multinationales. Alors que le réchauffement climatique causé par pollution et la surexploitation des ressources naturelles exercent des pressions plus marquées que jamais sur les populations, entraînant migrations forcées et catastrophes naturelles, Alain Denault insiste sur l’importance de contraindre les multinationales à assumer leurs responsabilités en matière environnementale et sociale. Dans De quoi Total est-elle la somme?, l’auteur s’emploie à décortiquer, dans une perspective critique, le motus operandi de la multinationale pétrolière et gazière française Total. Pour Alain Deneault, l’impunité de Total passe principalement par la corruption des États dans lesquels elle et ses filiales sont établies. Il expose la façon dont ces liens de connivence permettent à la multinationale d’influencer les législateurs nationaux et de développer des « enveloppes juridiques » sur-mesure afin d’entreprendre des activités telles que le trafic d’armes ou encore l’évitement fiscal, en toute légalité. À la manière d’un livre d’instruction, l’auteur * Candidate au Baccalauréat en droit international et relations internationales, UQAM. 1 Radio-Canada, « Noir Canada : Écosociété demande le rejet de la poursuite de Barrick Gold », Radio- Canada (28 juin 2011) en ligne : Radio-Canada <https://ici.radio-canada.ca>. 252 30.2 (2017) Revue québécoise de droit international présente, à chacun des chapitres de son ouvrage, un aspect différent de la stratégie déployée par Total afin d’assurer sa mainmise sur les marchés mondiaux : comploter, coloniser, collaborer, corrompre, conquérir, délocaliser, pressurer, polluer, vassaliser, nier, asservir et régir. L’ampleur des données colligées, que ce soit en termes de témoignages, de documents d’archives, d’articles de presse, de films documentaires ou encore de jurisprudences, donne d’autant plus de poids au sombre portrait dressé par l’auteur. Au fil de son ouvrage, l’auteur expose les différentes façons dont Total est parvenue à passer entre les mailles du filet juridique. Dans un premier temps, Deneault retrace l’histoire de la multinationale française et explique la manière dont celle-ci est parvenue à établir son vaste empire pétrolier. Dans un deuxième temps, l’auteur se base sur la situation d’États tels que le Nigéria afin d’illustrer la façon dont la multinationale française exploite les failles du droit afin de mener librement des activités causant la destruction d’écosystèmes entiers. Finalement, à travers plusieurs cas dont celui des travailleurs birmans, l’auteur dénonce les violations massives et systématiques des droits humains perpétré par Total dans les pays où opèrent ses filiales. Créée par la France au lendemain de la Première Guerre mondiale dans le but d’assurer son approvisionnement en pétrole, la multinationale sort rapidement du joug de l’État, lorsque que les grandes sociétés pétrolières de l’époque décident de se réunir au sein d’un cartel : « Les pouvoirs publics français perdent toute forme de contrôle sur leur créature, du fait de l’avoir fondée en l’intégrant à un consortium d’entreprises internationales qui édictent leurs propres règles2 ». Selon l’auteur, Total profite largement de l’établissement de ce marché oligopolistique et ne recule devant rien pour étendre son vaste réseau d’influence aux quatre coins du globe : Pots-de-vin, tripotage d’urnes, évasion fiscale, trafic d’armes et même déclenchement de guerres civiles font parties des tactiques communément employées par la pétrolière française. Deneault explique comment l’empire colonial établit par la France en Afrique participe à faciliter l’implantation de Total et de ses filiales dans ces régions riches en ressources naturelles. Même après le retrait officiel de la France, la multinationale continue à exploiter la fragilité des régimes nouvellement indépendants en corrompant l’élite politique locale et en participant à l’éclatement de la violence dans plusieurs États africains. En effet, Deneault décrit la façon dont Total instaure un climat d’instabilité politique en vendant des armes et en finançant des groupes rivaux. La multinationale est gagnante sur tous les plans. En conclusion, bien que la multinationale française se soit affranchit rapidement du pouvoir de son créateur, elle profite néanmoins de sa présence au sein de nombreux pays colonisés pour étendre son empire pétrolier. L’exploitation des énergies fossiles représente une activité extrêmement dommageable pour l’environnement et les activités de Total ne font pas exception à la règle. Afin d’illustrer cette réalité, Deneault dresse un portrait alarmant de la situation nigérienne : « L’équivalent d’une grande marée noire par années s’y déverse depuis 2 Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme? : Multinationales et perversion du droit, Montréal, Écosociété, 2017 à la p 25. De quoi Total est-elle la somme ? 253 plus de cinquante ans. Deux millions de tonnes de brut contribuent ainsi à la contamination des terres jadis arables3 ». De surcroit, cette exploitation est loin de bénéficier aux populations locales. Au contraire, plusieurs sont expropriés de leurs terres et le Nigéria demeure l’un des pays les plus pauvres du continent africain4. Tel que souligné par l’auteur, la loi nigérienne ne confère aucun droit à la population en ce qui concerne l’exploitation pétrolière et gazière. Cela est loin d’être une coïncidence si l’on considère les sommes faramineuses versées par la multinationale française dans le but d’inciter les autorités nigériennes à maintenir un contexte juridique national favorable à leurs opérations. En ce sens, Deneault met en lumière certaines des tactiques employées par les multinationales dans le but d’échapper aux poursuites en matière environnementale. Il se penche notamment sur le cas de la Shell petroleum development company of Nigeria, poursuivie devant la Haye pour actes de pollution et atteinte à la santé publique par des agriculteurs et des pêcheurs nigériens, soutenus par l’ONG les Amis de la Terre. À travers ce cas, l’auteur dénonce la pratique de certaines multinationales, consistant à exploiter la démarcation juridique établie entre les sociétés mères et leurs filiales installées au Nigéria. Ce principe est réaffirmé de manière systématique dans les communiqués de presse émis par Total : « Les entités dans lesquelles Total SA détient directement ou indirectement une participation sont des personnes morales distinctes et autonomes. […] TOTAL SA, sise à La Défense, ne saurait voir sa responsabilité juridique engagée du fait des actes ou omissions émanant desdites sociétés5 ». En somme, Deneault soutient que les multinationales profitent de la corruption des gouvernements afin de mettre en place des systèmes de normes leurs permettant de continuer à mener des activités nocives pour la santé des populations et des écosystèmes, sans avoir à répondre de leurs actes devant la loi. Finalement, selon l’auteur, l’implantation de Total et de ses filiales au uploads/S4/ alain-deneault-de-quoi-total-est-elle-la-somme-multinationales-et-perversion-du-droit-montreal-ecosociete-2017.pdf
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- Publié le Aoû 04, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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