Archives de sciences sociales des religions 156 | octobre-décembre 2011 Bulleti

Archives de sciences sociales des religions 156 | octobre-décembre 2011 Bulletin Bibliographique Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme Postface de Florian Michel. Paris, Desclée de Brouwer, coll. « Pages d'Histoire-Document », 2010, 479 p.Paris, Presses universitaires de France, coll. « Proche Orient », 2011, 208 p. Catherine Le Thomas Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/assr/23443 DOI : 10.4000/assr.23443 ISSN : 1777-5825 Éditeur Éditions de l’EHESS Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2011 ISBN : 9782713223273 ISSN : 0335-5985 Référence électronique Catherine Le Thomas, « Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 156 | octobre-décembre 2011, mis en ligne le 03 décembre 2013, consulté le 21 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/assr/ 23443 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.23443 Ce document a été généré automatiquement le 21 septembre 2020. © Archives de sciences sociales des religions Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme Postface de Florian Michel. Paris, Desclée de Brouwer, coll. « Pages d'Histoire-Document », 2010, 479 p.Paris, Presses universitaires de France, coll. « Proche Orient », 2011, 208 p. Catherine Le Thomas RÉFÉRENCE Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Proche Orient », 2011, 208 p. 156-16 1 Au sein des ouvrages consacrés à la question de l'islam et de la démocratie, celui de Yadh Ben Achour se démarque par son caractère très critique et sans complaisance pour les sociétés arabo-musulmanes contemporaines. 2 L'auteur, tunisien, professeur en droit public et philosophie du droit, est un spécialiste des idées politiques de l'islam. Consécutivement à la chute de Zine al-Abidine Ben Ali en janvier 2011, il est nommé président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique et joue un rôle de premier plan dans l'élaboration d'un nouveau régime en Tunisie. La parution de cet ouvrage intervient donc à point nommé, au moment où la Tunisie tente de tourner la page de l'autoritarisme ; Ben Achour y voit d'ailleurs une cassure définitive et un acte inaugural pour la région entière, après une longue période caractérisée par le sous- développement socio-économique et politique. 3 Toutefois, l'ouvrage se montre relativement pessimiste sur la possibilité de concilier droits de l'homme et pensée islamique, en l'état actuel des sociétés à majorité musulmane et malgré la diversité qui prévaut au sein du champ intellectuel que l'on Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme Archives de sciences sociales des religions, 156 | octobre-décembre 2011 1 qualifiera de « musulman ». Mais difficulté ne signifie pas impossibilité. L'auteur, qui se livre à un plaidoyer humaniste en faveur des droits de l'homme, montre la voie d'un dépassement possible des contradictions auxquelles est en proie le monde musulman contemporain. 4 Yadh Ben Achour établit d'emblée sa préférence pour une conception sécularisée, et même laïque, des droits ; il assume son positionnement non sceptique au sujet des droits de l'homme, qui ne se fondent pas selon lui sur une théorie préalable, ni une expérience religieuse et politique « occidentale », mais sur une révolte élémentaire face à l'oppression. Respect de l'intégrité physique, de l'égalité, des libertés individuelles, forment les trois « vérités-droits » qui sont la matière de ces droits, et ouvrent au débat, à la responsabilité et à l'autonomie personnelle. Ils débouchent logiquement sur l'État de droit, la démocratie délibérative et un régime de laïcité (entendue comme séparation entre l'ordre religieux et l'ordre politique et garantie de la liberté de conscience). Ben Achour voit dans la force croissante de ces principes (au moins au niveau des déclarations internationales) le signe d'un lent et sinueux progrès historique. 5 Si ce progrès est difficile, c'est que le projet des droits de l'homme doit surmonter trois obstacles qui tendraient à en souligner le caractère relatif ou erroné : l'historicisme (vision selon laquelle les normes et les valeurs, au premier rang desquelles les droits de l'homme, sont historiques et non universelles ; l'islam doit quant à lui revenir aux fondements de sa propre histoire), le culturalisme (la culture est le socle des valeurs et normes, qui sont donc relatives) le naturalisme (la vie biologique, y compris dans ce qu'elle a d'inégalitaire, serait au fondement du droit et de la morale). 6 Surtout, par leur prétention universelle et législatrice, les droits de l'homme sont nécessairement en rupture avec l'« arc référentiel » de la croyance islamique. Car ils supposent de penser en dehors du cadre qui constitue l'horizon de pensée indépassable de tout croyant véritable : l'ordre du monde ici-bas comme subordonné à l'ordre de l'au-delà, les droits de Dieu supérieurs aux droits de l'homme, le Coran et les hadiths envisagés comme un code juridique. Emblématique de ce verrou, le crime d'apostasie représente la négation de l'État de droit au sens où il contredit la liberté de conscience, pilier central des libertés individuelles. Ben Achour voit ainsi la pensée dominante islamique contemporaine comme en « état de glaciation », figée dans un culte rendu au passé, aux ancêtres et aux textes religieux. 7 Bloquée dans cette dépendance ontologique aux textes, la législation coranique ou prophétique des droits, et surtout celle des interprètes, ne peut se concilier avec la philosophie moderne des droits. Survalorisant les sciences linguistiques au nom du caractère divin de l'arabe coranique, elle ne peut être qu'interprétative et scripturale, n'aboutissant à rien moins qu'un « éthos de l'esclavage ». 8 À partir de cette configuration majoritaire, la réflexion des auteurs de culture musulmane sur l'articulation entre islam et droits de l'Homme a pris différentes directions, que l'on peut appréhender à travers trois attitudes. D'abord, ceux qui, jugeant incomptibles les textes sacrés et les droits modernes, abandonnent la Charia pour se placer sur le terrain des droits de l'homme, et se livrent à une critique de la religion au nom de cette dernière (on peut songer ici à des personnalités comme Wafa Sultan). Ensuite, les « révélationistes radicaux », qui s'agrippent à l'intégralité de la loi de Dieu, sans vouloir la soumettre à la pression du monde qu'ils estiment décadent. Cette négation de toute évolution peut prendre, comme chez Qutb et Mawdudi, qui Yadh BEN ACHOUR, La deuxième Fâtiha ; l'islam et la pensée des droits de l'homme Archives de sciences sociales des religions, 156 | octobre-décembre 2011 2 inspirent nombre d'islamistes radicaux, la forme de ce que Yadh Ben Achour appelle un « recours délirant à l'origine ». Enfin, les concordistes, qui tentent d'accorder les textes sacrés avec les droits de l'homme. Cette position souffre cependant d'un manque de profondeur, du fait de ses fins « militantes » et de son incapacité à penser hors de l'arc référentiel. Le concordisme est nécessairement imparfait : en témoignent les silences, ambiguïtés ou contradictions qui émanent des textes et chartes des organisations islamiques adhérant officiellement aux droits de l'homme. Des auteurs comme Jamal al- Banna ou Mohamad Talbi, qui prônent une approche ouverte, renouvelée et rationaliste de l'Islam, tombent pour Ben Achour dans ce travers. 9 Il faut toutefois nuancer les échecs de la position concordiste : de tout temps, des oulémas et intellectuels ont mis en avant l'esprit de la loi religieuse au détriment de la lettre, au nom du mouvement nécessaire de la vie. Des personnalités comme Iqabal, Taha ou Arkoun ont prôné une nouvelle herméneutique du texte coranique, abordé dans une perspective ouverte, non « légiférante » et compatible avec les droits de l'homme. Ce faisant, ils font sauter – explicitement ou non – les verrous de l'arc référentiel et ouvrent la voie à une véritable liberté de conscience. 10 Ben Achour ne nie pas la grandeur de certaines interprétations des textes sacrés, et il s'appuie lui-même sur le Coran ou sur des interprétations mutazilites sur certaines questions comme celle de l'animal dans l'Islam. Ce qu'il rejette, c'est l'interprétation incapable de sortir de l'arc référentiel, du dogme établi par l'histoire. Pour lui, la religion ne peut être autoréférentielle, se justifier à elle seule : elle doit se soumettre à la raison universelle pour convaincre ceux qui ne sont pas ses adeptes. Il propose de s'appuyer sur ce qu'il nomme la « 2e fâtiha » (versets 23 à 37 de la sourate al-`isrâ) à titre de guide éthique à valeur universelle. Le croyant doit renoncer à cette prétention de sa religion, devenir un « musulman du for intérieur », adopter un « islam sans soumission (Bidar, Abdennour, L'islam sans soumission ; pour un existentialisme musulman, Paris, Albin Michel, 2008) » pour accepter l'humanisme des droits de l'homme. 11 Mais il ne s'agit là que d'un horizon : car, ce qui est frappant au terme de ce tour d'horizon intellectuel et religieux, c'est que l'islam des intégristes ou salafistes et l'islam de « tout le monde » ne s'opposent pas, que leur contradiction n'est qu'apparente. Le décalage uploads/S4/ catherine-le-thomas-yadh-ben-achour-la-deuxieme-fatiha-l-x27-islam-et-la-pensee-des-droits-de-l-x27-homme.pdf

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  • Publié le Nov 03, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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