Théo Guarniero-Muller Droit public - Mercredi 21 septembre 2011 Exposé : La Con
Théo Guarniero-Muller Droit public - Mercredi 21 septembre 2011 Exposé : La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sa portée en droit interne Introduction : La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou Convention européenne des droits de l'homme a été signée à Rome le 4 novembre 1950 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Elle a été complétée ensuite par 13 Protocoles qui ont notamment ajouté des droits à ceux consacrés par la Convention. Afin de donner une valeur juridique contraignante aux droits contenus dans la Convention, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a été mise en place en 1959. Elle est chargée de veiller au respect de la Convention par les États qui l'ont ratifiée. Véritable intrument constitutionnel de l'ordre public européen (CEDH, 1995, Loizidou c/ Turquie), elle fournit aujourd'hui le modèle le plus perfectionné de garantie effective des Droits de l'Homme. Quelle est l'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit interne français ? Pour répondre à cette question, nous verrons dans une première partie les mécanismes de protection des droits énoncés par la Convention (I), avant d'étudier dans une seconde partie l'évolution du corpus juridique français qui en découle (II). I. Les droits issus de la Convention Européenne des droits de l'homme sont garantis et protégés par la Cour A. Le droit conventionnel et la Cour Européenne des Droits de l'Homme La Convention est un instrument juridique obligatoire pour les Etats parties. Bien qu'adoptée en 1950 par la France, il aura fallu attendre 1974 pour que la Convention soit ratifiée et donc rendue effective. L'originalité de cette Convention réside en effet moins dans la liste des droits énumérés que dans le mécanisme institutionnel de protection mis en place, et qui a son siège à Strasbourg. A l'origine, 3 organes se chargeaient de l'application de la Convention : la Commission en jouant un rôle d'enquête et de conciliation, le Conseil des Ministres (du Conseil Européen) organe politique de décision et enfin la Cour Européenne des Droits de l'Homme, organe judiciaire de décision. Depuis l'entrée en vigueur du Protocole 11 en novembre 1998, le mécanisme de contrôle a été restructuré. La Cour EDH se substitue aux trois organes existants. Riche de milliers d'arrêts la jurisprudence de la Cour a enrichi et vivifié la Convention en donnant plein effet aux droits proclamés par celle-ci. B. La portée générale des arrêts de la Cours a. La portée générale du caractère déclaratoire Le caractère déclaratoire des arrêts de la Cour signifie que cette dernière se borne, dans chaque affaire, à dire s'il y a eu ou non violation de la Convention. Elle ne se reconnaît pas compétente pour abroger la loi, annuler l'acte ou casser une décision d'où procèderait une violation. Cela implique deux choses : Pour le passé, cela implique que les violations constatées durent depuis le jour où l'Etat en cause est lié par la Convention ou le protocole applicable ; Pour le futur, cela implique que l'Etat est livré à lui même pour définir le contenu des réformes à mettre en oeuvre pour être en conformité avec les exigences de la CEDH. C'est la raison pour laquelle la Cour atténue parfois le caractère déclaratoire de son arrêt en précisant que le principe de sécurité juridique (En France voir CE, 24 mars 2006, KPMG) dispense l'Etat de remettre en cause des actes ou des situations juridiques antérieures au prononcé de l'arrêt. Ce fut le cas dans l'affaire Marckx c/ Belgique (CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique), dans laquelle une condamnation de la Belgique pour violation de l'article 8 aurait exposé le pays à un tremblement de terre juridique (droit de la filiation jugé discriminatoire. Famille naturelle = famille légitime). Résultat, l'arrêt n'eut pas de portée rétroactive. Deuxième point (futur), la Cour n'a pas à indiquer à l'Etat défendeur quels seraient les moyens les mieux appropriés pour mettre son droit interne en conformité avec les exigences de la Convention. Elle le fait parfois pour éviter à l'Etat défendeur d'être à nouveau condamner pour violation de la Convention. C'est ce que l'on appelle des arrêts pilote, qui règlent en réalité des problèmes structurels affectant un grand nombre de personnes. Ex : CEDH, 22 juin 2004, Broniowski c/ Pologne Arrêt Broniowski du 22 juin 2004 relatif à l'indemnisation des propriétaires de terrains abandonnés après la Seconde Guerre Mondiale lors du déplacement des frontières de la Pologne. Q° : La Cour doit-elle orienter ? Ces orientations ont-elles un caractère obligatoire ? Normalement non ! b. La portée générale du caractère obligatoire En vertu de l'article 46 de la Convention, les Etats s'engagent à se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties et ont donc l'obligation de prendre des mesures individuelles propres à corriger la violation constatée dans le cas d'espèce. Formellement l'Etat n'est pas tenu de prendre des mesures générales débordant le cas d'espèce ! Si il y a une réforme générale de la règle interne d'où procède la violation, c'est à la discrétion des Etats. On peut signaler toutefois que, dans les faits, l'écho des condamnations étant fortement amplifiées par les médias, l'Etat a beaucoup d'intérêt à procéder aux réformes qui s'imposent s'il ne veut pas provoquer de nouvelles requêtes humiliantes diplomatiquement et politiquement. Qu'en est-il en France? II. La Convention et l'évolution du corpus juridique français L'autorité réelle des arrêts de la Cour est beaucoup plus large que la stricte portée juridique des jugements déclaratoires. Les arrêts de violation ont une incontestable efficacité collective, soit ils provoquent une normalisation des législations internes, soit ils favorisent un ajustement des jurisprudences nationales à la jurisprudence européenne A. La "normalisation" de la législation interne en France On observe que la France dans certains cas prend des mesures générales débordant le cas d'espèce. En témoignent les modifications législatives consécutivement à une condamnation par la Cour de Strasbourg : CEDH, 24 avril 1990, Huvig et Kruslin Loi du 10 juillet 1991 relative aux écoutes téléphoniques Arrêt Huvig et Kruslin (droit substantiel) du 24 avril 1990 sanctionnant la violation de l'article 8 du fait d'écoutes téléphoniques judiciaires. Directement à l'origine de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications. CEDH, 12 juin 2007, Frérot c/ France Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 Arrêt Frérot c/ France (droit substantiel) du 12 juin 2007. Dans cet arrêt rendu à l'unanimité, la Cour européenne a estimé que les fouilles intégrales imposées à un détenu représentaient une violation de son droit à ne pas subir de traitement dégradant, garanti par l'article 3 de la Convention, dans la mesure où elles avaient été imposées dans des conditions aléatoires qui ne pouvaient que lui laisser un sentiment d'arbitraire et d'atteinte à sa dignité. D'atteinte à sa dignité, on s'en doute (il s'agit d'inspections anales), d'arbitraire parce que les méthodes de fouilles pouvaient varier d'une établissement à l'autre. Cet arrêt particulièrement humiliant pour la France amènera le législateur à modifier la loi pénitentiaire le 24 novembre 2009, afin de limiter très strictement les fouilles corporelles. CEDH, 12 avril 2006, Martinie c/ France Décret du 1er août 2006 Arrêt Martinie c/France du 12 avril 2006 (droit procédural) précise l'arrêt Kress de 2001 interdisant la participation du Commissaire du gouvernement (membre de la juridiction intervenant à l'audience pour analyser le litige et proposer une solution - Ajd rapporteur public depuis 2009) au délibéré des juridictions administratives. La France prend acte de cet arrêt par la signature d'un décret le 1er août 2006 refusant aux commissaires du gouvernement d'assister aux délibérations (sauf pour le Conseil d'Etat) On assiste donc à une "normalisation" de la législation interne française, des dispositions législatives qui accompagnent des arrêts de violation "en l'espèce", et ce dans le domaine du droit public, mais aussi du droit privé : CEDH, 1er février 2000, Mazurek c/ France Loi du 3 décembre 2001 abrogeant les discriminations successorales Arrêt Mazurek c/France du 1er fevrier 2000 qui pointait une discrimination légale à l’égard des enfants adultérins quant à l’accès à la succession. L’affaire concernait la réduction de moitié des droits de Claude Mazurek dans la succession de sa mère, par rapport à un enfant légitime, du fait de son statut d’enfant adultérin. La Cour a estimé qu’un enfant adultérin ne saurait se voir reprocher des faits qui ne lui sont pas imputables. La loi du 3 décembre 2001 abroge l'ensemble des articles du Code civil établissant une discrimination successorale à l'encontre de l'enfant naturel adultérin. B. L'ajustement de la jurisprudence nationale à la jurisprudence européenne Les arrêts de la CEDH favorisent aussi les revirements jurisprudentiels, dont on citera pour exemple : CEDH, septembre 1995, Diennet c/ France CE Ass., 14 février 1996, Maubleu CE Ass., 14 février 1996, Maubleu. Il s'agissait initialement d'une réticence du Conseil d'Etat à appliquer la jurisprudence de la CEDH, réticence fondée sur une conception traditionnelle de la procédure ordinale (des ordres : professions libérales qui présentent à la fois des uploads/S4/ expose-cedh-et-portee-en-droit-interne.pdf
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- Publié le Mai 06, 2021
- Catégorie Law / Droit
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