LA QPC ET LA PHASE JUDICIAIRE DE L’EXPROPRIATION Simon Gilbert GRIDAUH | « Cahi
LA QPC ET LA PHASE JUDICIAIRE DE L’EXPROPRIATION Simon Gilbert GRIDAUH | « Cahiers du GRIDAUH » 2011/3 N° 22 | pages 141 à 161 ISSN 1291-9527 ISBN 9782913457218 DOI 10.3917/cdg.022.0141 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-gridauh-2011-3-page-141.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour GRIDAUH. © GRIDAUH. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) La QPC et la phase judiciaire de l’expropriation Simon Gilbert Maître de conférences en droit public Faculté de droit de Paris Est-Créteil Alors que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a permis de revisiter certains traits du droit de l’expropriation – les affaires « Motais de Narbonne c/ France »(1) et, plus encore, « Yvon c/ France »(2), étant à cet égard emblématiques –, l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en droit français, par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la cinquième République, fait naître aujourd’hui des attentes, car elle pourrait à son tour conduire à reconfigurer le droit de l’expropriation dont certains traits caractéristiques sont peut-être non conformes aux droits et libertés de rang constitutionnel. Ces attentes sont-elles ou risquent-elles d’être déçues ? C’est ce que nous voudrions analyser en étudiant la phase judiciaire de l’expropriation, Mme Gaté ayant préalablement analysé l’influence de la QPC sur la phase administrative de cette procédure. Depuis l’entrée en vigueur de la QPC, en mars 2010, l’article 61-1 de la Constitution – dont nous ne retracerons pas les traits caractéristiques de la mise en œuvre, celle-ci ayant fait l’objet d’un très grand nombre de commentaires – a constitué le fondement de plusieurs QPC relatives à l’expropriation. Toutes n’ont pas donné lieu à une saisine du Conseil constitutionnel dans la mesure où le « filtre » que constitue le passage obligé devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat (cf. la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, articles 23-4 et 23-5) n’a pas toujours permis que le Conseil constitutionnel puisse être saisi de ces interrogations. Le Conseil constitutionnel, de son côté, a jusqu’à présent toujours validé les dispositions afférentes à l’expropriation qui étaient soumises à son examen dans le cadre d’une QPC. Cependant, de nombreux aspects de la phase judiciaire, déclarés valides ou qui n’ont pas encore soumis au Conseil constitutionnel, semblent difficilement conciliables avec (1) CEDH, 2 juillet 2002, Motais de Narbonne c/ France, AJDA 2002, p. 1126, note R. Hostiou. (2) CEDH, 23 avril 2003, Yvon c/France, D. 2003, Jurispr. p. 2456, note R. Hostiou. © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) 142 / la question prioritaire de constitutionnalité et l’aménagement du territoire certains droits ou libertés constitutionnels. S’il convient de recenser les dispositions validées par le Conseil constitutionnel ou préservées d’un examen du Conseil constitutionnel par la Cour de cassation, on peut aussi examiner sur quel fondement certaines dispositions du droit de l’expropriation dont la conciliation avec les droits et libertés constitutionnels semble problématique, pourraient être un jour abrogées ou, au contraire, validées, le cas échéant assorties d’une réserve d’interprétation. Le Conseil constitutionnel n’est pas seulement en mesure d’examiner la constitutionnalité de dispositions législatives dans le cadre d’une QPC car, ainsi qu’il l’a décidé, « en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition » (v. notamment la décision n° 2010-96 QPC du 4 février 2011), mais il reste plus délicat d’identifier, sur ce fondement juridique, des interprétations jurisprudentielles constantes dont la conciliation avec le bloc de constitutionnalité serait problématique. Cette étude nous conduira donc à examiner principalement trois types de questions : quels éléments du droit de l’expropriation pourraient être examinés dans le cadre d’une QPC – quand ils ne l’ont pas déjà été –, quelle solution le Conseil constitutionnel est susceptible d’adopter s’agissant de la constitutionnalité des dispositions soumises à son examen, s’il demeure fidèle à sa jurisprudence, et quels sont les éléments du droit de l’expropriation qui, au regard du bloc de constitutionnalité, devraient être analysés comme étant inconstitutionnels. Elle aura pour fil d’Ariane le transfert de propriété et l’indemnisation dans la mesure où les garanties des expropriés tel que le droit de rétrocession ne semblent pas, de manière évidente, se prêter à des QPC. Dans ce cadre intellectuel et juridique, on examinera successivement le transfert de propriété et, plus précisément, en son sein, l’absence de caractère contradictoire du prononcé de l’ordonnance d’expropriation (I), ainsi que les principes directeurs de l’indemnisation dont les caractéristiques sont indéniablement de nature à susciter un nombre significatif de QPC (II). I - L’absence de soumission de l’ordonnance d’expropriation au principe du contradictoire L’article L. 12-2 du code de l’expropriation dispose que « l’ordonnance d’expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés », et l’article L. 12-1 dudit code, que ce transfert est opéré sans contradiction dans la mesure où il s’exerce « en l’absence des parties et sans débats » puisque « l’ordonnance est rendue, sur le vu des pièces constatant les formalités » de la phase administrative(3). Les propriétaires en passe d’être expropriés ne peuvent ainsi ni être entendus, ni présenter leur défense et apprennent qu’ils ont été dépossédés lorsque l’ordonnance d’expropriation leur a été notifiée par lettre recommandée, avec avis de réception. La règle posée par l’article 16 (3) Voir, à propos des actes visés par le juge de l’expropriation, l’article R. 12-1 dudit code. © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) © GRIDAUH | Téléchargé le 25/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.159.124.1) La QPC et la phase judiciaire de l’expropriation / 143 du code de procédure civile aux termes de laquelle « le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction » ne s’applique donc pas au juge de l’expropriation transférant la propriété. Les expropriés ne découvrent certes pas, à ce stade de la procédure, l’existence de la procédure d’expropriation, car ils ont été informés préalablement au transfert de propriété que leur bien était d’abord susceptible d’être exproprié (lors de l’enquête publique) puis, ultérieurement, qu’il était en passe de l’être (à travers les dispositions de l’arrêté de cessibilité faisant suite à la déclaration d’utilité publique [DUP]). Mais c’est bel et bien par un simple courrier qu’ils apprennent qu’ils ont déjà été privés de leur propriété. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, saisie d’une QPC visant les articles L. 12-1 et L. 12-2 du code de l’expropriation(4), a été récemment saisie de deux questions afférant à l’absence de prononcé contradictoire de l’ordonnance d’expropriation(5). Dans un arrêt du 26 mai 2011, « M. Dreux et autres »(6), celle-ci a répondu que ces deux questions ne présentaient pas de « caractère sérieux » car, « d’une part, […] le juge de l’expropriation ne peut prononcer l’ordonnance portant transfert de propriété qu’au vu d’un arrêté portant déclaration d’utilité publique et d’un arrêté de cessibilité exécutoires et donc après qu’une utilité publique ait été légalement constatée et, d’autre part, […] parce que le juge doit seulement constater à ce stade, par une ordonnance susceptible d’un pourvoi en cassation, la régularité formelle de la procédure administrative contradictoire qui précède son intervention ». En dépit de cette décision, cette question laisse de nombreuses interrogations en suspens s’agissant de l’appréciation portée par la Cour de cassation sur le caractère sérieux de la QPC qui lui était posée (A). On s’interroge aussi sur ce que pourrait décider à cet égard le Conseil constitutionnel si, de manière improbable, il était saisi de cette question – en présence d’un changement de circonstances (B) ? A - Des interrogations en suspens s’agissant du caractère non sérieux de la QPC relative aux articles L. 12-1 et L. 12-2 du code de l’expropriation Jugée dépourvue de caractère « sérieux » par la Cour de cassation – cette exigence étant nécessaire pour que la QPC soit transmise au Conseil constitutionnel(7) –, la question de (4) Dossier J-1025-923, Cour de cassation. (5) 1° : les articles L. 12-1 et L. 12-2 du code de l’expropriation sont-ils conformes à la garantie du droit de propriété résultant de l’article 17 de la DDHC de 1789 dans la mesure où le transfert immédiat de propriété des immeubles uploads/S4/ cdg-022-0141 1 .pdf
Documents similaires










-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 12, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 1.2909MB