Opposabilité de la cession de créance au débiteur cede : l’article 1690 du Code

Opposabilité de la cession de créance au débiteur cede : l’article 1690 du Code civil se porte bien Publié le : 10 avril 2012 Adresse de l’article original : http://www.village-­‐justice.com/articles/Opposabilite-­‐ cession-­‐creance-­‐debiteur,12013.html Cass. 1ère civ., 22 mars 2012, n° 11-15.151, F-P+B+I Le 22 mars 2012, la Cour de cassation a jugé qu’à défaut de respect des formalités de l’article 1690 du Code civil, la simple connaissance de la cession de créance par le débiteur cédé ne suffit pas à la lui rendre opposable. Les rapports du débiteur cédé et du cessionnaire dans le cadre d’une cession de créance prêtent parfois à contentieux. C’est le cas lorsque le cédé paie au cédant en méconnaissance du transfert de créancier intervenu plus tôt. L’arrêt du 22 mars 2012, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, en offre une parfaite illustration. En l’espèce, un carrossier (le cessionnaire) avait fait signer à des particuliers (les cédants) qui lui avaient confié la réparation de leurs véhicules assurés auprès d’un assureur (le débiteur cédé) une cession de créance accessoire à un ordre de réparation. Ces cessions de créance avaient été communiquées à l’assureur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’assureur a ensuite réglé le coût des réparations directement entre les mains de ses sociétaires au motif que les créances ne lui avaient pas été signifiées conformément aux formalités prévues par l’article 1690 du Code civil. Après avoir saisi, sans succès, le juge des référés d’une demande de provision, le carrossier a fait assigner l’assureur afin d’obtenir sa condamnation au paiement du prix devant le tribunal d’instance de Bordeaux qui, le 30 janvier 2009, a estimé que le prix devait être versé entre les mains du cessionnaire au motif que la simple connaissance de l’existence du transfert suffit à rendre la cession opposable au débiteur cédé. L’assureur a alors interjeté appel en soutenant que le carrossier, en sa qualité de cessionnaire, se devait de porter solennellement à la connaissance du débiteur cédé, tiers à la cession de créance, la convention signée conformément aux formalités de l’article 1690 du Code civil. Faute de quoi, la cession était inopposable. La cour d’appel de Bordeaux, le 27 janvier 2011, a alors fait droit à l’assureur, déboutant le carrossier, aux motifs qu’il résulte de ce texte que le débiteur cédé ne peut se voir opposer les cessions de créance notifiées par lettre recommandée puisque pour être efficace à son égard la cession doit avoir été effectuée par acte d'huissier ou dans un acte authentique. Un pourvoi en cassation fut formé. D’une part, le cessionnaire fit valoir qu’il était frauduleux que le débiteur cédé paye entre les mains du cédant alors qu’un courrier lui avait été adressé antérieurement l’informant de l’existence de la cession de créance. D’autre part, il avança que le paiement fait de mauvaise foi n’était pas libératoire tout en énonçant que le paiement est fait de mauvaise foi lorsque le solvens cherche à se libérer entre les mains du cédant en dépit de la connaissance de la cession de créance survenue. La Cour de cassation écarta du revers de la main le moyen tiré de la fraude pour affirmer aussitôt qu’à défaut de respect des formalités de l’article 1690 du Code civil, la simple connaissance de la cession de créance par le débiteur cédé ne suffit pas à la lui rendre opposable. Les hauts magistrats ajoutèrent que la cour d’appel, qui a constaté que les cessions litigieuses n’avaient pas été acceptées de façon certaine et non équivoque par l’assureur, qui s’était acquitté de ses obligations entre les mains de ses assurés avant la délivrance de l’assignation en référé, en avait exactement déduit que les cessions de créance lui étaient inopposables. Si l’article 1690 du Code civil permet de rendre traditionnellement la cession de créance opposable au débiteur cédé (1), la jurisprudence permet, dans certaines hypothèses limitativement définies, d’y substituer d’autres formalités pour aboutir au même résultat (2). 1. L’article 1690 du Code civil et l’opposabilité au débiteur cédé de la cession de créance D’emblée, il faut rappeler que, conformément aux articles 1689 et suivants du Code civil, la cession de créance est un acte juridique par lequel le créancier (le cédant) transmet la créance qu’il détenait contre son débiteur (le cédé) à un acquéreur qui va devenir le nouveau créancier (le cessionnaire). L’opposabilité aux tiers de la cession de créance est soumise aux formalités de l’article 1690 du Code civil qui dispose d’une part que « le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur » (alinéa 1er) et d’autre part que « le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique » (alinéa 2). En effet, les formalités de ce texte doivent être respectées non pour permettre la validité de la cession mais bien son opposabilité aux tiers dont le débiteur cédé fait partie. Cette disposition du Code civil a un double objet : d’abord, informer le débiteur cédé du changement de créancier qui connaîtra ainsi les nouvelles conditions pour effectuer un paiement libératoire. Ensuite, informer les autres tiers intéressés par la cession de créance afin qu’ils sachent dans quel patrimoine la créance est intégrée. Surtout, tant que la signification par exploit d’huissier ou l’acceptation par acte authentique n’a pas été effectuée, le débiteur cédé reste lié au cédant et ne peut donc se libérer qu’en le payant ou en respectant à son endroit l’une des causes d’extinction de l’article 1234 du Code civil. En effet, en vertu de l’effet relatif des conventions de l’article 1165 du Code civil, le débiteur cédé est un tiers au contrat de cession de créance. Par conséquent, si aucune des formalités prévues par l’article 1690 du Code civil n’a été accomplie, il est impossible pour le cessionnaire de lui réclamer le paiement : la cession de créance est alors inopposable au débiteur cédé. C’est l’enseignement de l’arrêt Époux Ferrare de 19381. 2. L’alternative jurisprudentielle et l’opposabilité au débiteur cédé de la cession de créance Un courant jurisprudentiel a considéré que d’autres formalités que celles prévues par l’article 1690 du Code civil pouvaient lui être substituées. Cette jurisprudence avait été initiée dès 1931 avec l’arrêt Dame Lehmann qui admettait que le débiteur cédé avait pu valablement être informé de la cession de créance grâce à un exploit d’ajournement dans lequel il était fait allusion au changement de créancier2. Aujourd’hui, les tribunaux n’exigent plus que les prescriptions de l’article 1690 soient systématiquement respectées à l’égard du débiteur cédé puisqu’ils se contentent d’une prise de connaissance de l’existence de la cession de créance au moyen d’une assignation3, voire de conclusions4. L’arrêt du 22 mars 2012 conforte cette solution puisque les hauts magistrats ont pris le soin de rappeler que les juges du fond avaient bien vérifié que le paiement entre les mains du cédant avait été réalisé avant l’envoi de la première assignation en justice. Cependant, en l’absence de signification par exploit d’huissier, il ne suffit pas de porter à la connaissance du débiteur cédé l’existence de la cession de créance, encore faut-­‐il que le débiteur cédé ait accepté le transfert de manière non équivoque, ce qui n’est jamais le 1 Cass. civ., 20 juin 1938, Epoux Ferrare c. Coulon et veuve Carles : GAJC, 11e éd., n° 241-­‐ 242 ; DP 1939, 1, 26, note A. Weill ; Gaz. Pal. 1938, 2, 435. Voir aussi : Cass. civ. 3e, 12 juin 1985 : Bull. civ. III, n° 95 ; RTD Civ. 1986, p. 350, obs. J. Mestre 2 Cass. civ., 4 mars 1931, Dame Lehmann et autres c. Schwob : GAJC, 11e éd., n° 241-­‐242 ; DP 1933, 1, 73, note Radouant 3 Cass. civ. 1e, 21 févr. 1951 : Bull. civ. I, n° 71 ; Com., 18 févr. 1969 : D. 1969, p. 354 ; 1er déc. 1987 : Bull. civ. IV, n° 251 4 Cass. com., 26 janv. 1977 : Bull. civ. IV, n° 27 ; Civ. 1e, 8 oct. 1980 : Bull. civ. I, n° 249 ; RTD Civ. 1981, p. 852, obs. Chabas cas dans l’hypothèse d’un silence gardé5. Il faut donc que l’acceptation intervienne expressément. En 2007, la Cour de cassation avait pu juger que le débiteur cédé qui a su et accepté la cession de créance de façon certaine et non équivoque ne peut se prévaloir du défaut des formalités prévues par l’article 1690 du Code civil6. Mais si cette solution visait avant tout à sanctionner la mauvaise foi du débiteur cédé, elle n’aurait jamais du être interprétée comme l’affirmation par la Cour de cassation de la désuétude des formalités de l’article 1690. Cette erreur d’appréciation, qui est parfois commise par les praticiens, recèle aujourd’hui un fort risque juridique quant à la sécurisation des cessions conclues et dont la créance n’a pas encore été éteinte. Précisément, les formalités de l’article 1690 du Code civil ont été conçues par le législateur de 1804 afin de garantir la sécurité juridique du contrat : imposer la signification du transport de uploads/S4/ cession-de-creance-commentaire-de-civ-1e-22-mars-2012-n0-11-15-151-par-jonathan-quiroga-galdo 1 .pdf

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  • Publié le Jui 06, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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