46> Chasse & droit N° 290 \1er trimestre 2011 Le maire et la chasse sur sa com

46> Chasse & droit N° 290 \1er trimestre 2011 Le maire et la chasse sur sa commune : quelques aspects juridiques ANNIE CHARLEZ ONCFS, Chef de la Mission Conseil Juridique, Paris. De nombreux élus locaux – notamment les maires – pensent qu’ils ont un rôle important à jouer pour réglementer la chasse sur le territoire de la commune qu’ils administrent ou dans le fonctionnement de la société de chasse locale. Or, le droit cynégétique tel qu’il est circonscrit dans le livre IV du Code de l’environnement laisse une faible place au maire de la commune où se situe une association de chasse, comme nous allons le voir… Chasse & droit © ONCFS E n ce qui concerne le Code géné- ral des collectivités territoriales, ancien Code des communes, cette place est également limitée. En fait, actuellement, le rôle du maire en matière de chasse et de destruction des animaux nuisibles est clairement régle- menté dans trois domaines principaux : s l’exploitation de la chasse sur les biens communaux ; s la création d’une ACCA sur la commune et lors de l’enquête publique qui la précède ; s la destruction des nuisibles par le biais, notamment, de battues communales ; s la sécurité publique et particulièrement l’usage des armes à feu sur le territoire communal. Le territoire de chasse communal L’exploitation de la chasse sur les biens communaux Cette exploitation peut se faire gratuite- ment au profit des habitants de la com- mune, sous plusieurs formes. Tout d’abord, le conseil municipal peut décider de laisser les habitants de la com- mune chasser librement sur l’ensemble des propriétés communales, sans autre limitation que celle du respect de la régle- mentation applicable dans le départe- ment. Il s’agit là de l’application la plus simple de l’article 542 du Code civil, qui prévoit que les habitants de la commune peuvent bénéficier de l’usage des biens communaux1. Cette disposition est plus particulièrement mise en œuvre dans les départements où règne encore la chasse dite « banale ». Cependant, le maire et son conseil peuvent souhaiter que la chasse soit gérée correctement et non pas laissée sans contrôle. C’est pourquoi, le plus souvent, le droit de chasse sur les biens commu- naux peut être apporté à titre gratuit ou à un prix modique à l’association de chasse communale. Mais dans ce cas, le maire n’est pas libre de louer sans respecter les conditions fixées par le Code civil. En cas de litige, c’est le juge administratif qui est compétent pour traiter le dossier, ainsi que le rappelle le Tribunal des conflits par décision en date du 4 novembre 1991, dès lors que la décision attaquée est celle prise par délibération du conseil munici- pal exécutée par le maire de la commune. Par ailleurs, le Conseil d’État rappelle, dans une décision en date du 14 sep- tembre 1994, que : « S’il est loisible à l’autorité compétente, pour déterminer les conditions d’utilisation des biens commu- naux ou sectionnaux, de donner à bail le droit de chasse sur ces biens, elle ne saurait, sans méconnaître l’égale vocation de l’ensemble des habitants de la com- mune ou des ayants droit de la section à bénéficier de ces biens, réserver l’usage gratuit du droit de chasse à une personne physique ou morale déterminée, en l’ab- sence de toute justification tirée de l’inté- rêt public. » La commune peut également décider d’apporter son droit de chasse à l’ACCA avec ou sans contrepartie, en fonction généralement de la superficie des biens communaux ou des traditions locales applicables en la matière. L’exploitation de la chasse à titre onéreux Pour autant, la commune peut décider de louer le droit de chasse sur ses biens et pour cela faire par exemple opposition à l’apport de son droit de chasse à l’ACCA créée sur la commune. Dans ce cas, le Conseil d’État précise que : « Les dispositions de l’article 4 de la loi du 10 juillet 19642 ne s’opposent pas à ce qu’un conseil municipal invite le maire à formuler une demande de retrait des terrains faisant partie du domaine privé de la commune du territoire de chasse d’une 1 Code civil – Biens communaux – Droits des habitants – Article 542 créé par Loi 1804-01-25 promulguée le 4 février 1804 : « Les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs communes ont un droit acquis. » 2 Devenu l’article L.422-13 du Code de l’environnement. 47 Chasse & droit > N° 290 \1er trimestre 2011 association communale de chasse agréée auprès du président de l’association, puis décide de louer ces terrains à une société de chasse de droit privé. » Il est clair que, dans ces circonstances, le prix fixé doit être celui du marché puisque les habitants de la commune bénéficieront du produit de la location demandée ; à moins qu’ils ne soient tous admissibles dans l’association sans restric- tion. En revanche, cette possibilité ne concerne pas les propriétaires n’habitant pas la commune, qui ne sont pas cités par l’article du Code civil. La commune peut, soit louer ses biens par adjudication aux enchères publiques, soit louer à l’amiable le droit de chasse sur ses biens (par amodiation), et passer dans les deux cas un bail de chasse de droit commun avec l’adjudicataire ou le locataire. Elle n’est pas tenue de passer par un cahier des charges tel qu’il en existe un en droit local d’Alsace-Moselle, et peut donc se contenter de prendre le modèle proposé par l’ONCFS dans sa brochure sur le bail de chasse. La création d’une ACCA La décision de création selon la procédure B La loi prévoit deux procédures de créa- tion d’une ACCA sur une commune : s soit le département est inscrit par arrêté ministériel sur la liste des départe- ments à ACCA obligatoires dans toutes les communes (procédure A) ; s soit l’ACCA est créée à l’initiative des habitants de la commune selon la procé- dure B dite aussi « au coup par coup ». C’est dans ce second cas que le maire va avoir un rôle important dans le déclen- chement de la procédure de création. En effet, le lancement de la procédure est réalisé par une demande formée par 60 % des propriétaires de la commune représentant 60 % du territoire rural de la commune. Cette demande est remise au maire de la commune qui la transmet au préfet, avec son avis sur ce projet. Dans ce cas, le maire à ce que l’on appelle une « compétence liée » et a donc l’obligation de transmettre le dossier au préfet. Il n’a pas le droit de bloquer l’initiative à son niveau de responsabilité et, s’il ne trans- met pas le dossier, commet ce que l’on appelle un excès de pouvoir qui sera sanctionné par le tribunal administratif. Le préfet peut donner une suite favo- rable ou non à la demande qui lui est présentée. Il tiendra compte, bien entendu, de l’avis donné par le maire dans sa transmission du dossier. Dans le cas d’un avis favorable, le préfet prend un arrêté qui est affiché pendant un mois L’arrêté préfectoral fixant la période annuelle de chasse doit être affiché en mairie et rester consultable librement durant toute cette période. © R. Rouxel/ONCFS dans la commune intéressée et le maire certifie l’accomplissement de cette mesure de publicité (articles R.222-14 et 1 5 du Code de l’environnement). Si l’avis est défavorable, le préfet n’est pas tenu de le suivre et a toute légitimité pour mener à bien les formalités de création. La procédure de création Le maire intervient également dans la constitution de l’ACCA quelle que soit la procédure utilisée (A ou B). Tout d’abord, il est chargé de certifier l’accomplissement des mesures de publicité relatives au lancement de l’enquête publique (article R.222-19) en vue de la création de l’ACCA. Puis, une fois que le dossier d’enquête est rempli par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, il est déposé à la mairie de la commune pour être communiqué à tous les intéressés, en même temps qu’un registre côté et para- phé est ouvert pour recevoir les observa- tions et réclamations des propriétaires et détenteurs de droit de chasse. L’avis du dépôt du dossier d’enquête fait l’objet de nouvelles mesures de publi- cité, par affichage notamment, certifiées par le maire. Le dépôt du dossier en mai- rie a lieu pendant dix jours durant lesquels les habitants peuvent formuler leurs observations, notamment en ce qui concerne leur désir de s’opposer à l’apport de leur droit de chasse à l’ACCA ou signaler le regroupement de leurs terres avec d’autres propriétaires sous forme d’un bail ou d’une association. C’est également sous le contrôle du maire et sa certification qu’est réalisé l’affi- chage de la convocation de l’assemblée constitutive de l’ACCA, ainsi que celui qui fait part de la liste des terrains qui sont soumis à l’action de l’ACCA et l’arrêté du préfet qui prononce l’agrément de l’ACCA. Toute cette procédure, nécessaire puisqu’il s’agit de réglementer l’usage du droit de propriété, implique de uploads/S4/ chasse-et-maire-droit.pdf

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  • Publié le Mar 12, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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