La conception du proc` es civil dans le Code de proc´ edure de 1806 Serge Dauch
La conception du proc` es civil dans le Code de proc´ edure de 1806 Serge Dauchy To cite this version: Serge Dauchy. La conception du proc` es civil dans le Code de proc´ edure de 1806. L. Cadiet et G. Canivet. 1806 - 1976 - 2006. De la comm´ emoration d’un code ` a l’autre: 200 ans de proc´ edure civile en France, Nov 2006, Paris, France. Litec, pp.77-89, 2006, 1806 - 1976 - 2006. De la comm´ emoration d’un code ` a l’autre: 200 ans de proc´ edure civile en France. <hal-01135224> HAL Id: hal-01135224 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01135224 Submitted on 25 Mar 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. 1 La conception du procès civil dans le Code de procédure de 1806* Serge DAUCHY Directeur du Centre d’Histoire Judiciaire (CNRS – Université de Lille 2) Le Code de procédure civile de 1806, à l’inverse du Code civil de 1804, n’a pas laissé le souvenir d’un monument de la codification napoléonienne. Pourtant, les cahiers de doléances rédigés en 1789 pour les élections aux États généraux avaient massivement et expressément appelé – selon l’expression consacrée sous l’Ancien Régime – à une « réformation » des ordonnances de 1667 et de 1670 sur la procédure civile et criminelle. S’ils s’exprimaient également clairement en faveur de la mise en œuvre rapide d’un Code civil, celui-ci devait principalement s’attacher à rendre la procédure plus simple afin d’abréger les procès et de les rendre moins coûteux1. Une réforme de la procédure apparaissait donc comme une urgence aux yeux des hommes de 1789, bien davantage que la codification du droit civil proprement dit. Comment dès lors expliquer que depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier 1807, le Code de procédure civile ait toujours traîné derrière lui une réputation de médiocrité2. On a souvent avancé le désintérêt de l’empereur pour les questions de pure forme avec, pour corollaire, un travail législatif « au rabais » ayant conduit à une œuvre purement descriptive qui expose, en 1042 articles, la marche de l’instance devant les tribunaux ainsi que des « procédures diverses »3. Mais peut-on encore se contenter d’une explication aussi lapidaire ? Les cours d’appel, invitées en 1804 et 1805 à formuler leurs observations sur le projet de Code de procédure civile, ont unanimement déploré un travail purement descriptif qui ne contenait aucune présentation théorique et qui n’exposait pas davantage les principales règles * Je tiens à remercier chaleureusement Philippe Duval, qui prépare à l’Université de Montpellier I une thèse de doctorat consacrée à la comparaison entre l’ordonnance de 1667 et le Code de procédure civile de 1806, d’avoir accepté de nous faire part de ses premières conclusions sur la question. 1 J.-L. Halpérin, L’impossible Code civil, Paris, coll. Histoires, 1992, p. 46-47. 2 A titre d’exemple : A. Tissier, « Le centenaire du Code de procédure civile et les projets de réforme », dans Revue trimestrielle de droit civil, 1906, p. 625 qui parle d’une œuvre « aussi imparfaite, aussi hâtivement élaborée et qui était déjà vieille en naissant » et J.-L. Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, coll. Droit fondamental, 1996, p. 35 qui qualifie le Code de procédure civile « d’œuvre assez médiocre ». 3 La première partie, intitulée « Procédures devant les tribunaux », comprend cinq livres : De la justice de paix (I), Des tribunaux inférieurs (II), Des tribunaux d’appel (III), Des voies extraordinaires pour attaquer les jugements (IV) et De l’exécution des jugements (V). La seconde partie, qui a pour rubrique « Procédures diverses », se compose de trois livres : Procédures particulières à diverses matières (I), Procédures relatives à l’ouverture d’une succession (II) et Des arbitrages (III). 2 de l’organisation judiciaire4. La cour d’appel de Douai regrettait ainsi, comme bien d’autres, que le législateur n’ait pas jugé utile de placer en tête du Code une loi réunissant toutes les dispositions touchant aux attributions et aux limites des différents degrés de la hiérarchie judiciaire. Quant à la Cour de cassation, également conviée à formuler ses remarques et observations, elle affirmait avoir acquis par l’expérience la certitude qu’on ne pouvait espérer mettre fin aux nombreuses questions de droit que la chicane et quelquefois la bonne foi soulèvent dans l’instruction des procès, à moins d’exposer dans le Code la partie théorique avant d’en venir à sa pratique. Cette partie théorique devait constituer le passage du Code civil au Code judiciaire, un passage d’autant plus souhaitable – pour reprendre les propos de la haute juridiction – que la nouvelle procédure civile s’appliquerait également aux peuples des départements réunis qui, sur plusieurs matières, connaissent des principes opposés à ceux adoptés depuis des siècles par les barreaux français. Si elles estimaient que la présentation générale laissait à désirer, les cours n’ont en revanche jamais contesté le principe d’un Code largement inspiré de l’ordonnance de 1667, une filiation que les auteurs du projet revendiquaient par ailleurs haut et fort. Dans leur ensemble, les magistrats jugeaient que l’ordonnance de 1667, qui avait autrefois débrouillé le chaos d’une forme de procédure alors en vigueur, offrait les meilleures garanties contre les abus en tout genre. Il suffisait donc de la reconduire en rectifiant les quelques imperfections que la pratique de plus d’un siècle y a fait remarquer. Nombre de cours d’appel déploraient même qu’on ait cherché à simplifier les dispositions de la célèbre ordonnance pour la réformation de la justice ; le nouveau Code leur apparaissait de ce fait souvent moins clair et moins précis5. Dès son entrée en vigueur, en revanche, et tout au long du XIXe siècle, la doctrine n’a cessé de dénoncer ce retour à la procédure d’Ancien Régime. Eugène Garsonnet écrit ainsi que le Code de 1806 est une copie trop servile de l’ordonnance de 1667 et de la pratique du Châtelet de Paris. Ses rédacteurs n’auraient pas pris la mesure des changements qui étaient intervenus depuis la seconde moitié du XVIIe siècle et la procédure qu’ils avaient fini par imposer se caractérisait à nouveau par l’excès de ses précautions, la lenteur de sa marche, la 4 Voir, à ce sujet S. Dauchy, « Les formes sont à la justice de la République ce que le pendule est à l’horloge. Les observation des cours d’appel sur le projet de Code de procédure civile de l’an XIII », dans R. Martinage et J.-P. Royer (dir.), Justice & République(s), Actes du colloque tenu à Lille en septembre 1992, Lille, 1993, p. 289-297. Une version numérisée de ces observations est consultable sur http://polib.poleuniv-lille-npdc.fr (site internet de la Bibliothèque patrimoniale virtuelle du Pôle universitaire européen Lille, Nord – Pas-de-Calais). 5 Ainsi, la cour d’appel d’Agen reconnaît que « les matières sont mieux classées dans ce Code que dans l’ordonnance de 1667 ; il y a plus d’ordre, plus de liaison et plus de suite ». Mais, ajoute le rapport, « souvent les articles sont rédigés avec moins de clarté, en général même ils n’ont jamais autant de précision et par-là ils offrent plus de ressources à la chicane et mettent plus d’entraves à l’administration de la justice ». 3 profusion de ses écritures ; en un mot cette justice lente et coûteuse qui n’est pas celle que l’Etat doit aux citoyens6. On peut se demander si cette parenté de forme et de fond entre le Code de procédure civile et l’ordonnance de 1667 résulte uniquement, comme l’affirme traditionnellement la doctrine, d’un travail législatif médiocre et hâtivement réalisé par la commission gouvernementale présidée par Treilhard. Pour les anciens avocats et procureurs, majoritaires au sein de cette commission, la codification en matière de procédure civile se serait résumée à l’art de dépoussiérer de l’ancien pour faire du neuf, une solution de facilité qui n’était peut- être pas dénuée de quelque intérêt personnel7. On peut non seulement en douter, mais ce serait en outre occulter – selon l’aveu même d’Albert Tissier qui réclamait pourtant, à l’occasion du centenaire du Code, une « révision en profondeur »8 – les modifications et nouveautés somme toute substantielles introduites en 1806. Il suffit de parcourir le sommaire pour constater que le législateur a tenu compte de l’expérience des justices de paix, de l’arbitrage ou encore des tribunaux de famille. La question se pose dès lors de savoir si, outre un héritage historique commun qui plonge ses racines dans la procédure romano-canonique adoptée et adaptée aux XIIIe et XIVe siècles par le parlement de Paris, l’Ordonnance de Louis XIV et le Code napoléonien ne partageraient pas une même conception du procès civil. La commission gouvernementale présidée par Treilhard n’aurait-t-elle pas sciemment poursuivi l’œuvre uploads/S4/ code-de-procedure-civile-1806.pdf
Documents similaires










-
48
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 12, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.6359MB