1 La réforme du droit des contrats en pratique Journée d’étude du C.E.R.D.P. Ve

1 La réforme du droit des contrats en pratique Journée d’étude du C.E.R.D.P. Vendredi 23 septembre 2016 Faculté de Droit et Science Politique de NICE SOPHIA ANTIPOLIS I. La physionomie de la réforme du droit des contrats Sous l’impulsion de la législation européenne deux avants-projets de réformes ont précédé l’ordonnance du 11 février 2016 : le projet « Catala » en 2005 et le projet « Terré » en 2008. Cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er octobre 2016. Se pose donc aujourd’hui la question délicate de l’application dans le temps des nouveaux textes. Certes le principe est clair : les anciens textes sont applicables aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 mais également aux actions en justice introduites avant cette date ; la loi nouvelle n’est pas rétroactive. Toutefois, il convient de tenir compte des dérogations et aménagements suivants : − Les actions interrogatoires des nouveaux articles 1123 alinéas 3 et 4, 1158 et 1183 du Code Civil sont d’application immédiate à tous les contrats en cours. − Il faut également s’attendre à ce que les Juges fassent converger l’ancienne jurisprudence vers les nouvelles règles applicables, par souci d’harmonisation des régimes contractuels coexistants. − Il faut aussi s’interroger sur le régime des avenants contractuels : s’ils sont substantiels, le contrat risque de « nover » et sera soumis au droit nouveau par l’effet de cette novation (article 1271 ancien et 1329 nouveau du Code Civil). − Par ailleurs, qu’en sera-t-il en cas de prorogation des contrats en cours : celle-ci sera soumise aux anciennes règles, à condition qu’elle ne soit pas constitutive d’une reconduction ou d’un renouvellement, tels que définis aux articles 1213 à 1215 nouveaux du Code Civil. Les reconductions et renouvellement opérés dans les conditions des nouvelles dispositions, postérieurement au 1er octobre 2016, entraîneront la soumission du contrat aux règles nouvelles. 2 Il apparaît par ailleurs que les lignes directrices suivies par le législateur s’articulent autour d’un axe mixte libéral et social. L’article 1102 nouveau consacre la liberté contractuelle, le nouvel article 1103 pose le principe de la force obligatoire des contrats et le nouvel article 1104 consacre le principe de la bonne foi en lieu et place de l’ancien article 1134. Une nouvelle notion a été rattachée par le nouvel article 1143 au vice de violence, il s’agit de « l’abus de dépendance » dont on peut s’interroger sur les contours et la portée : s’agit-il d’une dépendance économique, physiologique, psychologique… ? Cette notion illustre le caractère flou des contours des nouvelles notions ainsi consacrées par la réforme. Une autre illustration en est la notion de « révision judiciaire » prévue au nouvel article 1195 pour le cas où « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ». Il convient toutefois d’observer que l’on peut mettre en échec cette révision judiciaire par le biais d’une clause insérée par les parties à cet effet dans leur contrat. De telles clauses vont elles se multiplier et vider de sa substance le pouvoir judiciaire de révision pour imprévision ? D’autres notions ont été supprimées : c’est le cas de la Cause, prévue à l’ancien article 1108 du Code Civil, qui réapparaît toutefois sous la forme de la nécessité d’une contrepartie prévue dans le nouvel article 1169 du Code Civil. De même l’Objet prévu à l’ancien article 1108 n’est pas repris dans le nouvel article équivalent numéroté 1128. Il convient d’observer cependant qu’au terme de l’article 1171 ce terme réapparaît : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. » 3 Par « objet du contrat » le texte désigne ici l’obligation qui peut et doit être tenue pour essentielle. Une autre disparition formelle est celle de « l’Enrichissement sans cause », qui réapparaît néanmoins sous l’intitulé « Enrichissement injustifié » ; cf. nouvel article 1300 du Code Civil : « Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui. Les quasi-contrats régis par le présent sous-titre [sous-titre 3 – Autres sources d’obligations] sont la gestion d'affaire, le paiement de l'indu et l'enrichissement injustifié. » II. Négociations et avant-contrats La question se pose ici de savoir si les négociations précontractuelles ont été sécurisées. Elles sont traitées sous les articles 1112 à 1124 nouveaux du Code Civil. Les textes énoncent deux types d’avant-contrats : − La promesse unilatérale, − Le pacte de préférence. Le principe demeure celui de la liberté des négociations, lesquelles sont cependant soumises au principe de la bonne foi. De fait, le législateur a laissé non résolu le point essentiel qui est celui du moment exact de la formation du contrat. Bien sûr, les comportements grossièrement déloyaux seront sanctionnés et le contrevenant engagera sa responsabilité, notamment à la lumière du nouveau principe expressément posé par les textes : la confidentialité des négociations. Ce nouveau principe sera cependant difficile à faire respecter en pratique, car les parties se heurteront à un problème de preuve… Il sera peut-être possible, pour contourner ces carences et difficultés, de conclure des « contrats de négociations » pour encadrer et jalonner ces dernières. 4 Ces conventions existent déjà ; y sont notamment insérées des clauses de confidentialité mais également des clauses d’exclusivités, au terme desquelles les parties s’engagent à ne pas négocier avec un tiers. Sont également prévues dans ces conventions des clauses pénales ou encore des clauses par lesquelles les parties s’interdisent de renégocier les points sur lesquels elles sont déjà tombées d’accord. Le flou demeure donc sur le moment de la formation du contrat : − Qu’en est-il en ce cas de la portée d’un accord lacunaire1 ? − Quelles seront les conséquences d’un désaccord minime2 ? Au final, il apparaît que tant que les négociations perdurent, le contrat ne peut pas se former. III. L’obligation d’information et la réticence dolosive Les manquements simples à l’obligation d’information sont à distinguer des manquements intentionnels qui eux sont dolosifs et donc sanctionnés. La réticence dolosive, sanctionnée de longue date par la jurisprudence, est aujourd’hui codifiée. L’obligation générale d’information est posée au nouvel article 1112-13 du Code Civil ; elle n’exclut cependant pas l’obligation, pour le cocontractant, de se renseigner ! Par ailleurs, le nouvel article 1139 prévoit désormais que « L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ». Cet article reprend une jurisprudence de 2001 confirmant que l’erreur provoquée est toujours excusable. La difficulté ici sera d’articuler l’article 1112-1 nouveau du Code Civil induisant la possibilité de se taire dans certaines situations, avec l’article 11374 nouveau dudit Code, 1 = Les parties sont d’accord sur tous les points essentiels mais il leur reste une ou plusieurs questions non-encore résolues. 2 Sans doute aucune n’en pratique… 3 « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. » 5 qui implique un devoir d’information dans d’autres où, au contraire, le cocontractant « doit parler ». En d’autres termes le simple fait de « savoir » oblige-t-il le cocontractant à divulguer toutes les informations qu’il possède, sous peine de se rendre coupable de réticence dolosive ? … Que conseiller à nos clients à ce stade ?? a. La prudence - Prudence du côté du créancier de l’obligation d’information : le devoir de se renseigner n’a pas disparu (cf. la notion anglo-saxonne de « due diligence »). Il faut donc informer l’autre partie de faits déterminants susceptibles de correspondre à ses attentes informatives. - Du côté du débiteur de l’obligation d’information : la prudence impliquera de maximiser les informations données, en ce comprises sur la valeur et l’ensemble des éléments estimés déterminants… b. L’audace Si le cocontractant débiteur de l’obligation d’information se tait sur des éléments dont la divulgation n’est pas obligatoire (p. ex. sur la valeur, sur des éléments visibles/apparents…), le créancier de l’obligation devra alors démontrer que le débiteur connaissait cette ou ces informations, et savait que celle(s)-ci étai(en)t déterminante(s). En ce cas, l’audace consisterait à appliquer l’adage selon lequel « mieux vaux ignorer ce qui n’est pas nécessaire », comme alternative au « principe de précaution » ! IV. L’abus de dépendance et clauses abusives L’équilibre contractuel et la protection de uploads/S4/ compte-rendu-la-reforme-du-droit-des-contrats-en-pratique-pdf.pdf

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  • Publié le Jul 26, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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