R E V U E B E L G E D E CONSTITUTIONNEL 1 9 9 7 1 Comité de rédaction Directeur
R E V U E B E L G E D E CONSTITUTIONNEL 1 9 9 7 1 Comité de rédaction Directeur : Francis Delpérée. Secrétaire de rédaction : Marc V erdussen. Membres du comité de rédaction : Robert Andersen, Emmanuel Colla, Gilles de Kerchove, Xavier Del- grange, Rusen Ergec, Pierre Nihoul, Anne Rasson-Roland, Jean-Claude Scholsem, Henri Simonart et François Tulkens. Secrétaire administrative : Dominique Boigelot. BRUYLANT BRUXELLES SOMMAIRE Pages ÉTUDES DOCTRINALES << Les messages du Roi >>, par Pascal Boucquey. 3 << Leonardo Sciascia, la peine de mort et la Constitution >>, par Marc V erdussen. 23 CHRONIQUES ÉTRANGÈRES << Etats-Unis : évaluation de la session 1995-1996 de la Cour suprême à travers l'évolution des tensions entre le fédéralisme et le droit d'égalité >>, par Michel Rosenfeld . 31 << République d' Afrique du Sud : de la Constitution intérimaire à la Constitution définitive •>, par Xavier Philippe 45 JURISPRUDENCE COMMENTÉE Cour d'arbitrage, arrêt n° 70/96 du 11 décembre 1996 (obs. par Elisabeth Willemart : << La Cour d'arbitrage et l'égalité entre les contribuables >>) DOCUMENTS << Une comm1ss10n parlementaire peut-elle interroger des 61 membres du cabinet du Roi ? >>, par André Alen . 79 << Une comm1ss10n parlementaire peut-elle interroger des membres du cabinet du Roi ? •>, par Jean-Claude Scholsem 83 << Peut-on convoquer les collaborateurs du Roi à une commission d'enquête parlementaire ? >>, par le Service des affaires juridi- ques et de documentation du Sénat 89 ACTUALITÉS CONSTITUTIONNELLES Recensions bibliographiques Informations scientifiques . 97 106 ÉTUDES DOCTRINALES LES MESSAGES DU ROi PAR PASCAL BOUCQUEY 1. - Le 10 septembre 1996, le Roi publie un communiqué dans lequel il s'engage notamment à mettre tout en ceuvre pour << combattre la pédophi- lie et la traite des êtres humains >>. Le 18 octobre, lors de l' ouverture d'une table ronde consacrée à la maltraitance des enfants, il prononce un discours oû il réaffirme sa volonté que toute la clarté soit faite sur le drame des enfants disparus. Le 24 décembre, Albert II adresse à la population son message de Noël, dans lequel il insiste pour que chacun, à la lumière des tragiques événements de l'été, développe une << citoyenneté responsable >>. Le 28 janvier 1997, le Roi plaide, devant les corps constitués, pour l'établisse- ment d'un controle de la qualité du service rendu par chaque autorité. Ces prises de parole sont exceptionnelles (1), tant par leur fréquence que par leur contenu, et placent le Roi dans le röle d'un véritable acteur politi- que. Elles invitent à examiner les questions que les messages du Roi - entendus ici comme les prises de position publiques du Chef de l'Etat (2) - soulèvent en droit constitutionnel. Dans une première perspective, il s'agit de s'interroger, d'une part, sur les rapports qui se nouent entre le Roi, ses ministres et les chambres légis- latives à l' occasion de tels discours et, d' autre part, sur les propos que peut tenir le Roi à l'égard du pouvoir judiciaire. Dans une seconde perspective, il faut s'interroger sur les thèmes que le Roi, chef du pouvoir exécutif fédé- ral, peut aborder dans ses messages. Les matières qui ont été transférées aux collectivités fédérées n'échappent-elles pas aux opinions que peut déve- lopper le Chef de l'Etat dans ses messages à la population ? Pascal BoucQUEY est assistant à l'Université Catholique de Louvain. (1) Le Soir, 26 décembre 1996. Dans Ie même sens, voy. F. DELPÉRÉE, intervention dans La Libre Belgiqne, 11 septembre 1996. (2) Nous examinerons ici indistinctement les discours royaux - publics, télévisés ou radio- phoniques -, les lettres du Roi rendues publiques et les communiqués dans lesquels Ie Roi exprime une opinion. 4 PASCAL BOUCQUEY 1. - LES MESSAGES DU Rol ET LES INSTITUTIONS FÉDÉRALES 2. - L' action du Roi est regie par un certain nombre de principes constitutionnels : l'inviolabilité du Roi, son irresponsabilité politique et l'in- terdiction de découvrir la Couronne. Ces principes sont rappelés dans un premier point (A). Ils sont, dans un second point, appliqués à la matière des messages du Roi (B). A. - Le régime constitutionnel de l'exercice des pouvoirs du Rai 3. - << La personne du Roi est inviolable >>, prescrit l'article 88 de la Constitution. En ce sens, Ie Chef de l'Etat n' est justiciable d' aucune juridic- tion beige; il est << à l'abri de toute action en justice >> (3), qu'elle soit civile ou pénale. Selon l'adage, the King can do no wrong (4). Le principe trouve sa justification : dès Ie moment ou Ie Congrès national a choisi de donner à la Belgique la forme de la monarchie constitution- nelle - système dans lequel Ie Chef de l'Etat est choisi selon Ie principe d'hérédité, par un système de dévolution de la Couronne constitutionnelle- ment organisé -, il se devait d'offrir au Chef de l'Etat un statut particulier qui lui permette de régner dans la durée (5). Or, << frapper un monarque d'une condamnation, c'est Ie discréditer, l'amoindrir, c'est presque Ie détró- ner. C' est aussi atteindre la dynastie dans Ie prestige qui doit la maintenir ; c'est saper par la base la forme de gouvernement établie >> (6). 4. - La Chambre des représentants - pas plus que les cours et tribu- naux - n'a de prise sur l'institution monarchique. Si les juges ne peuvent condamner Ie Roi, les parlementaires, de leur cóté, ne sont pas habilités à mettre en cause la responsabilité politique du Chef de l'Etat. La règle se comprend : << La Belgique s'est dotée d'un régime monarchique. Celui-ci soustrait la fonction royale à des remises en cause périodiques ; il confère à son titulaire - pour la durée du règne - Ie bénéfice de la stabilité ; il Ie (3) Commission chargée d'émettre un avis motivé sur l'application des principes constitution- nels relatifs à l'exercice des prérogatives du Roi et aux rapports des grands pouvoirs constitu- tionnels entre eux (commission dite, Soenens ,,), Mon. b., 6 août 1949, spéc. p. 7591. (4) Voy. R. FUSILLER, Les monarchies parlementaires, Paris, Les Éditions ouvrières, 1959, p. 391 : , Le Roi ne peut mal faire ( ... ) ne signifie pas que tout ce qu'il fera sera bien et juste, mais qu'il n' est justiciable tl' aucune juridiction. » Sur la responsabilité pénale du Roi, voy. M. VERDUSSEX, Contour8 et enje·ax du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 503 et s. (5) Voy. A. VAXWELKEXHUYZEN, v 0 «Chef de l'Etat», R.P.D.B., compl., t. V, n°" ll ets. (6) W.,J. GANSHOF VAX DER MEERSC:H, << Le commandement de l'armée et la responsabilité ministérielle en droit constitutionnel beige,,, Revue de l'Université de Bruxelles, 1949, p. ll. LES MESSAGES DU ROi 5 fait échapper au contróle direct des assemblées politiques >> (7). Ce sont les ministres du Roi qui assument seuls la responsabilité politique des actes royaux. Cependant, il y aurait injustice à instaurer une responsabilité ministé- rielle absolue, c'est-à-dire une responsabilité qui couvrirait tous les actes du Roi, qu'ils aient - ou non - été accomplis avec l'accord des ministres. Henri Rolin a clairement exprimé cette idée : les ministres << ne peuvent être responsables d'une attitude royale qu'ils n'approuvent pas>> (8). Ainsi donc, pour que les ministres endossent la responsabilité des actes du Roi, << il faut - de toute évidence - qu'ils participent à leur accomplissement. Cette participation se manifeste par Ie contreseing >> (9). L'article 106 de la Constitution exprime cette idée fondamentale. Mais il y ajoute aussitót un corollaire essentie! : les actes du Roi doivent toujours être contresignés par ses ministres; en d'autres termes, dans l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels, le Roi ne peut agir seul ( 10). En cas de divergence entre Ie Roi et ses ministres, qui doit l'emporter ? En 1949, la Commission chargée d'émettre un avis motivé sur l'exercice des prérogatives constitutionnelles du Roi estimait que, si les ministres main- tiennent leur position à l'encontre de celle du Chef de l'Etat, << ils n'auront, en règle générale - après avoir attiré l' attention du Roi sur la gravité de la situation et les risques qu' elle comporte ( 11) - d' autre ressource que d'offrir leur démission >> (12). En cas de conflit persistant entre Ie Roi et ses ministres, Ie gouvernement ne pourrait donc adopter que deux attitudes : se soumettre ou se démettre. Cette conception n'a plus cours aujourd'hui. Bien sûr, Ie Roi a toujours la possibilité de faire pression sur les ministres afin de les convaincre de (7) F. DELPÉRÉE, Droit constitutionnel, t. II, Le système constitutionnel, Bruxelles, Larcier, 1986, p. 106. (8) H. RoLIN, discours prononcé à la Chambre Ie 19 juillet 1950, Ann. parl., Ch., s.o. 1949- 1950, p. 2267. (9) R.P.D.B., v 0 « Chef de I'Etat ,,, t. I"', 1949, n° 29. (10) 0. ÜRBAN, Le droit constitutionnel de la Belgique, t. II, Les pouvoirs de l'Etat, Liège et Paris, Dessain et Giard et Brière, 1908, p. 204; P. ERRERA, Traité de droit public belge, 2" éd., Paris, Giard et Brière, 1918, p. uploads/S4/ constitutionnel-r-e-v-u-e.pdf
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- Publié le Aoû 28, 2021
- Catégorie Law / Droit
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