Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis DROIT FISCAL «

Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis DROIT FISCAL « La théorie générale de l’Impôt » Cours à l'attention des étudiants de : 3e Année – Licence en droit public (LMD) Assuré par Leïla CHIKHAOUI-MAHDAOUI Professeure agrégée en droit public Droit Fiscal / 3e année LMD Droit public Année Universitaire 2021-2022 UNIVERSITE DE CARTHAGE Leïla CHIKHAOUI-MAHDAOUI Professeure agrégée en droit public / FSJPS, Tunis 2 Droit Fiscal / 3e année LMD Droit public INTRODUCTION L’impôt est un phénomène social à multiples facettes dont la complexité n'est plus à démontrer. Il fait partie intégrante de la vie publique et rythme également la vie quotidienne des individus. Présenté comme une technique libérale de financement des dépenses publiques, l'impôt, dont le caractère obligatoire et inéluctable est associé à la spoliation (« l’impôt c’est le vol ») est souvent ressenti comme une intrusion inique dans la vie des individus1. En vérité, l’impôt constitue l'aspect le plus visible du droit fiscal, concrètement perceptible par les citoyens. Il existe au quotidien pour chacun(e) d’entre nous et l’on peut prendre des exemples très simples : allumer la lumière contribue au paiement de l'impôt, puisque l'électricité est soumise à la T.V.A. , acheter des cigarettes est soumis à l’impôt, l’État ayant le monopole de la fabrication et de la distribution du tabac et des allumettes etc. Concernant la plupart de ces exemples, toute personne qui supporte l'impôt n'est pas consciente de la part concrète que représente celui-ci dans le coût d’un produit ou d’un service. Il est alors plus ou moins indolore et acquitté inconsciemment, ce qui le cas de la plupart des impôts indirects sur la dépense (T.V.A, droits de consommation) qui frappent les achats (également les droits de douane, qui sont inclus dans les prix des produits mis en vente dans les grandes surfaces). En revanche, l’impôt direct sur les revenus (le travail des contribuable) ou sur le patrimoine (droits de succession et/ou d’enregistrement) est très souvent mal ressenti et mal perçu par les contribuables. D’ailleurs, selon le courant de pensée libéral : « Le prélèvement de l’impôt au-delà du strict nécessaire constitue un vol légalisé »2. Pourtant si l’on souhaite vivre dans une société solidaire, l’impôt est un mal nécessaire car c’est lui qui permet de financer les services publics qui profitent au plus grand nombre (écoles, hôpitaux, etc.). C’est là tout le paradoxe de la notion d’obligation fiscale, aussi connue sous le nom de devoir fiscal ou de principe de la nécessité de l’impôt 1 Pour une réflexion sur cette ambiguïté, voir Gérard TOURNIÉ, « L’obligation fiscale entre objectivité et subjectivité », In Mélanges Joël MOLINIER, Paris, LGDJ, 2012, p. 647 à 664. 2 Déclaration du Président États-unis Calvin Coolidge en 1923. Leïla CHIKHAOUI-MAHDAOUI Professeure agrégée en droit public / FSJPS, Tunis 3 Droit Fiscal / 3e année LMD Droit public En effet, l’impôt occupe une place prépondérante non seulement dans la vie de ceux qui l'acquittent, mais permet à l'État et aux collectivités locales de disposer de ressources afin de réaliser leurs activités et il est donc fondamental de prévoir des règles qui encadrent le prélèvement des impôts de manière à préserver les droits des deux parties en présence : les particuliers d'une part et l'État d'autre part. Ainsi, l'objet du droit fiscal est de prévoir les règles d'assiette, de taux, de recouvrement, de contrôle et de contentieux des prélèvements fiscaux. Quelques citations pour commencer : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés » Article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789 Cet article pose le principe de la nécessité de l’impôt et du devoir fiscal. En effet, il institue un droit pour l’État de percevoir l’impôt ; tout en faisant du paiement de l’impôt une obligation et un devoir pour chaque membre de la communauté nationale3. Cependant, si l’article 13 de la déclaration de 1789 dispose qu’une contribution commune est indispensable ; il ajoute également que «elle doit être également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés» (on constate que le terme «citoyen» est employé ici) ; càd selon les capacités financières de chacun, ce qui évoque la justice dans la répartition de la charge fiscale. Cette formulation se retrouve avec plus ou moins de variantes dans la plupart des constitutions contemporaines, y compris en Tunisie où l’article 16 de la Constitution du 1er juin 1959 disposait ce qui suit : « Le paiement de l’impôt et la contribution aux charges publiques, sur la base de l’équité, constituent un devoir pour chaque personne » Article 16 de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959 (suspendue en 2011) On retrouve une formule similaire à l’article 10 de la Constitution du 27 janvier 2014, selon lequel : 3 Sur le droit fiscal général et la théorie de l’impôt, consulter Michel BOUVIER, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, Paris, L.G.D.J, collection Systèmes, 14e édition, Paris, 2020 ; Jacques GROCLAUDE et Philippe MARCHESSOU, Droit fiscal général, 10e édition, Paris, Dalloz, 2021. Voir aussi Habib AYADI, Droit fiscal, Tunis, CERP, 1989, Ahmed ESSOUSI, Précis de Fiscalité, Sfax, éditions Clé, 1998, Néji BACCOUCHE, Droit Fiscal général, Novaprint, Sfax, 2008. Leïla CHIKHAOUI-MAHDAOUI Professeure agrégée en droit public / FSJPS, Tunis 4 Droit Fiscal / 3e année LMD Droit public « Le paiement de l’impôt et la contribution aux charges publiques constituent un devoir, conformément à un système juste et équitable ». Ainsi, le paiement de l'impôt par les personnes résidant sur le territoire tunisien (on note à ce niveau l’utilisation du terme «personne» et non «citoyen» au niveau de l’article 16 de la Constitution de 1959, d’où l’inclusion des personnes morales et de celles de nationalité étrangère) a été institué comme une obligation fondamentale, au même titre que la « défense de la patrie », inscrite elle aussi en tant que « devoir sacré pour chaque citoyen » dans la Constitution elle-même (article 15 de la Constitution de 1959 et article 9 de la Constitution de 2014), qui constitue le texte juridique suprême, selon le principe de la hiérarchie des normes4. Il convient de noter que l’accomplissement du devoir fiscal s’accompagne de la référence à un principe de justice dans la répartition de la charge fiscale, qui doit se faire «sur la base de l’équité» 5. En fait, le paiement de l’impôt a été érigé en un DEVOIR essentiel et fondamental prévu par la Constitution elle-même (principe de la nécessité de l’impôt) parce que l'impôt constitue la recette principale du budget de l'État : sans impôt il n'y aurait pas de dépenses publiques, et sans dépenses publiques, il n'y aurait pas d'État [sauf les États très riches, comme les États pétroliers, par ex]. Les recettes fiscales constituent en effet des ressources essentielles pour le budget de l'État ; car si celles-ci venaient à diminuer, il faudrait alors :  soit diminuer les dépenses publiques dans les mêmes proportions, ce qui est socialement et politiquement dangereux ; 4 La référence aux « personnes » et non aux « citoyens » par l’article 16 de la Constitution de 1959 mérite quelques éclaircissements, car si tous les citoyens sont bien des personnes, l’inverse n’est pas vrai : les personnes morales ne sont pas des citoyens et les étrangers ne sont pas des nationaux. En revanche, toutes les personnes imposables (physiques et morales, nationales et étrangères) sont des contribuables (elles « contribuent » aux charges publiques). Selon le lexique fiscal Dalloz (édition 1992), le Contribuable est : «toute personne astreinte au paiement des contributions, impôts, droits ou taxes dont le recouvrement est autorisé par la loi». A l’origine, le terme s’appliquait à toute personne tenue de verser une contribution directe, càd au sens large à toute personne contrainte (obligée = devoir fiscal) au paiement d’une contribution obligatoire créée par la loi et dont le recouvrement a été autorisé par le législateur. Aujourd’hui, le terme «contribuable» sert à désigner principalement les personnes soumises au paiement des contributions directes [IRPP/IS notamment ; ou encore lorsque l’impôt est perçu par voie de rôle] et plus largement les personnes qui supportent directement et définitivement le paiement des divers prélèvements obligatoires. Parmi les contribuables, certains sont en même temps redevables de l’impôt pour le compte d’autrui. Selon le lexique fiscal, le Redevable est : «toute personne légalement tenue au paiement d’un impôt, d’une taxe, d’un droit, d’une redevance, et il ne s’agit pas nécessairement de la personne qui supporte en définitive le poids de l’impôt». Ainsi, par exemple, en matière de taxes sur le chiffre d’affaires (TCA ou plus précisément aujourd’hui TVA) ou de droits indirects, l’entreprise qui collecte les taxes ou acquitte les droits indirects sera le redevable pour le compte du fisc, càd le collecteur des prélèvements qu’il doit ensuite reverser au Trésor Public, tandis que le consommateur final en assume véritablement la charge fiscale, ce qui fait qu’il est le contribuable, mais de manière indirecte uploads/S4/ cours-fiscalmmechikhaouiencoursnov2021.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 24, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.4086MB