Intitulé du cours : DROIT ET GESTION DU FONCIER Introduction Dans le cadre de c

Intitulé du cours : DROIT ET GESTION DU FONCIER Introduction Dans le cadre de cette étude, par droits fonciers on entendra ensemble de règles socialement construites (résultat d’un processus de confrontation et de négociation) réglementant l’accès, le contrôle, l’usage et la gestion des terres. La notion de droits fonciers est ici mobilisée au sens de faisceau de droits et de devoirs: -le droit d’usage; le droit de tirer un revenu de l’usage ; le droit d’investir, d’apporter des améliorations à la ressource foncière ; - le droit de transfert : le droit de transférer l’usage de la terre à titre provisoire ou sans terme spécifique, à titre marchand (location, métayage, rente en travail) ou non marchand (prêt ; héritage ; mise en gage) ; La question de la formalisation des droits coutumiers, de manière à unifier le droit officiel et les pratiques foncières réelles, fait en effet partie de l’histoire ancienne. Notamment la tentative avortée du Code foncier et domanial du 20 mars 1963 de “ réaliser un équilibre entre les détenteurs coutumiers et l’État .Le législateur colonial comme le législateur ivoirien s’y sont essayés, sans succès. Au-delà de ses aspects novateurs, la nouvelle législation s’affronte au même problème, d’ordre sociologique plus que juridique : assurer l’effectivité de la loi et maîtriser les inévitables effets non intentionnels de son application. Le présent cours développe surtout les principaux points de la loi foncière. Il précise l’esprit de la loi. Il s’efforce de donner une vision complète et nuancée des différents scénarios possibles des effets de l’application de la loi sur l’ancien “ domaine coutumier ”, reconnu de manière ambiguë par les coutumes ” (décret du 25 mai 1925) et de reconnaître les droits coutumiers et leur aliénabilité sous condition d’immatriculation par l’acquéreur (décret du 5 mai 1955). . Ce cours vise deux objectifs : • Mieux faire connaître les dispositions concrètes de la loi. Il ne s’agit pas de discuter du bien-fondé de la politique foncière choisie par le Gouvernement ivoirien, en relation tant avec sa propre appréciation du contexte et de l’intérêt du pays, qu’avec les recommandations émanant de ses partenaires internationaux. La loi sur le domaine rural du 23 décembre 1998 et ses décrets d’applications publiés aux J.O. le 14 janvier 1999 et réadaptée en 2014 est considérée comme donnés. • Prendre la mesure des conditions et impacts prévisibles immédiats du nouveau dispositif au regard des réalités socio-politiques concrètes et incontournables qui prévalent en milieu rural ivoirien. Il s’agit donc d’apprécier les chances réelles d’effectivité de la loi et, tout aussi important, de repérer, pour anticiper sur les risques qu’ils peuvent présenter, les effets non intentionnels de la loi. Nous considèrerons dans ce cours les seuls droits dits coutumiers ou acquis selon des pratiques coutumières. D’abord, du fait de leur importance quantitative : on estime (très approximativement) que 98 % des droits actuels qui régissent de fait les 25 millions d’hectares du domaine rural sont fondés sur les pratiques locales, 2 % seulement se trouvant sous le régime de l’immatriculation ou de la concession définitive ou provisoire (sous réserve des droits des tiers). Ensuite, parce que les dispositions de la loi à l’égard des “domaine coutumier ” constituent une véritable révolution dans les mœurs et les pratiques. Formaliser les droits coutumiers ne concerne pas seulement l’accès à la terre et à son usage, mais concerne aussi des aspects qui relèvent des équilibres socio-politiques locaux ainsi que des rapports entre les pouvoirs publics et les sociétés locales. Pour mener à bien cette révolution, le délai prévu apparaît en définitive extrêmement court. I. La réglementation foncière avant 1998 Une brève présentation de cette évolution est faite ici sur la base du texte synthétique de LEY (1982). Pour une lecture plus complète se référer aux travaux de Ley, 1972 & 1982, 1996 ; Bonnecase, 2001. La question du contrôle des terres relevant du territoire ivoirien est très ancienne, elle remonte à la fin des années 1800. Après la phase de conquête, l’administration voulant se constituer un domaine privé, a adopté un texte le 20 juillet 1900, dans lequel il était précisé que « les terres vacantes et sans maîtres appartenaient à l’Etat. En cas de revendication, le revendiquant devait fournir des preuves attestant que la terre lui appartenait effectivement ». Cette dernière disposition a profité à l’administration coloniale dans la mesure où les populations ne disposaient pas de moyens d'apporter une preuve écrite. Ayant compris que l’Etat tentait de les exproprier d’une partie de leurs terres, les populations vont entrer dans une phase longue de lutte avec l’administration. Dans le souci d’apaiser les populations, une nouvelle réforme va voir le jour le 15 novembre 1935, où l’Etat va désormais considérer comme relevant de son domaine, les terres non revendiquées depuis dix ans. Bien entendu, cette nouvelle législation n’a pas été approuvée par les populations parce qu’elle entrait en contradiction avec des pratiques agricoles locales, en occurrence celle des longues jachères des paysans ou des réserves forestières dans une logique d’extension des superficies des agriculteurs. L’administration prenant conscience du fait qu’elle privilégiait les sociétés étrangères, va en 1938 décider de n’accorder à ces sociétés que des baux emphytéotiques sur une période de 25 ans renouvelables. L’Etat restait ainsi le propriétaire des terres pendant toute la durée du bail. L’opposition entre l’administration et les détenteurs coutumiers persistait parce que ces dispositions foncières ne cadraient pas avec la gestion effective des terres dans les systèmes coutumiers. Comme les détenteurs coutumiers n’étaient toujours pas satisfaits, l’administration s’est vue contrainte de prendre le 20 mai 1955, un décret qui continuait à considérer comme « propriété de l’Etat les terres vacantes et sans maîtres ». Toutefois, contrairement au texte de 1900, il revenait à l’Etat d’apporter la preuve de la propriété. Bien évidemment l’Etat n’était pas à mesure d’apporter une telle preuve, ce qui constituait une victoire pour les détenteurs coutumiers. Face à cet échec, le décret de 1955 n’a jamais été appliqué. Après l’indépendance, le nouvel Etat ivoirien hérite d’une situation foncière tendue à laquelle il doit faire face, avec comme seul cadre juridique de référence, les décrets de 1935 et de 1938 sur le bail emphytéotique. C’est ainsi que le 20 mars 1963 un projet de code foncier est entrepris. Le contenu de ce code tournait autour de l’idée « de biens mis en valeur immatriculés au nom de l’auteur de la mise en valeur » et « de biens non mis en valeur immatriculés au nom de l’Etat ». L’échec de ce code, a orienté les responsables ivoiriens vers la recherche de solutions pragmatiques plutôt que vers les tentatives de codification (enregistrement des droits par une procédure d’immatriculation), à la différence de beaucoup de pays africains. C’est ainsi que les autorités administratives, dans un souci de promouvoir le développement économique du pays, ont appliqué à partir des années 1965-1970 le principe : « la terre appartient à celui qui la met en valeur », adopté et diffusé par le Président Félix Houphouët Boigny, mais non inscrit dans les textes juridiques. L’application de ce principe a été large et durable, intervenant dans le règlement des litiges fonciers mais surtout facilitant largement l’installation de nombreux migrants en zone forestière et la mise en valeur rapide de ces zones1. Ainsi, Avant l'adoption de la loi n° 98-750 du 23-12-98 relative au domaine foncier rural, il n'existait pas de véritable législation foncière rurale en Côte d'Ivoire. La plupart des textes étaient hérités de l'époque coloniale. Un projet de loi soumis à l'Assemblée Nationale en 1963 avait été voté mais cette loi n'a pas été promulguée. Au plan juridique, il existait en 1998, une propriété à deux vitesses dans le milieu rural : la propriété au sens moderne du terme et les domaines fonciers coutumiers. Les terres placées sous le régime de la propriété moderne représentaient 23.000.000 hectares, soit moins de 2% des terres2. Les domaines coutumiers, reconnus par le décret n° 71-74 du 16- 02-71, bénéficiaient de droits de propriété limités, l'Etat se réservant la possibilité de faire valoir ses droits de préhension. Au plan sociologique, beaucoup de détenteurs coutumiers n'ont pas observé les limites de leurs droits et ont cédé ou vendu illégalement leurs parcelles. Il en a résulté de nombreux conflits entre individus, familles et communautés. Au plan économique, il n'existait pas de propriété réelle et de garantie pouvant favoriser l'émergence d'un marché foncier. De plus dans le système coutumier, la terre n'avait de la valeur que par rapport à sa mise en valeur. Au plan technique, le système foncier n'a pas permis l'émergence d'un cadastre qui pouvait servir d'outil indispensable de développement, d'aménagement du territoire et de recette fiscale. Ainsi, le contexte précédant le vote de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 peut se résumer de la manière suivante : Le foncier rural est une source de conflits, situation peu propice à la paix sociale et au développement durable de l'agriculture. Les exploitants agricoles détenteurs du droit coutumier ne peuvent valoriser de manière officielle et transparente leur capital foncier. 1CHAUVEAU. J.-P., 1994 : Jeu uploads/S4/ cours-foncier-agro-peleforo.pdf

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  • Publié le Oct 31, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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