Séance 10 – Le régime de Vichy, la IVe République et la naissance de la Ve I. L
Séance 10 – Le régime de Vichy, la IVe République et la naissance de la Ve I. Le régime de Vichy Après la démission le 16 juin 1940 du Gouvernement de Paul Reynaud, le président de la République, Albert Lebrun, nomme le maréchal Pétain à la présidence du Conseil. Le lendemain, le 17 juin 1940, le maréchal Pétain demande aux Allemands l’armistice. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé à Rethondes dans le même wagon que celui où a eu lieu la signature de l’armistice du 11 novembre 1918. Conformément aux stipulations de l’article 2 de la convention d’armistice, la France est divisée en deux zones : La zone libre, représentant en gros la moitié sud de la France, est sous l’autorité du Gouvernement de Pétain qui décide de s’installer à Vichy ; La zone occupée ou zone nord, est sous l’autorité du Reich allemand qui y exerce tous les droits de la puissance occupante. Dès son installation à Vichy, le Gouvernement du maréchal Pétain entreprend de réformer les institutions de la IIIe République. En vertu des lois constitutionnelles de 1875, le Sénat et la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale, sont seuls qualifiés pour procéder à cette révision. Le maréchal Pétain décide de convoquer les chambres et soumet à leur vote un projet de révision dont l’objet est de « restaurer l’État dans sa souveraineté et le pouvoir gouvernemental dans son indépendance ». Ce projet comporte un article unique, en vertu duquel « l’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous la signature et l’autorité du maréchal Pétain, président du Conseil, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes la nouvelle Constitution de l’État français. Cette Constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par les Assemblées qu’elle aura créées. » Il est adopté le 10 juillet 1940 par 569 voix contre 80 et 17 abstentions. Entre le 11 juillet 1940 et le 13 novembre 1943, le régime de Vichy a édicté une dizaine d’actes constitutionnels sans les soumettre à l’approbation populaire. Ces actes constitutionnels substituent au terme de République celui d’État français et instituent un régime autoritaire qui méconnait les principes de souveraineté nationale (I) et de séparation des pouvoirs (II). Pour aller plus loin : Par ailleurs, on relèvera qu’un projet de Constitution, rédigé en application de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 et signé par le maréchal Pétain le 30 janvier 1944, n’a jamais été promulgué. Ce projet tranchait nettement avec la pratique et la cruauté policière du régime de Vichy. A) La négation de la souveraineté nationale L’acte constitutionnel n° 1 du 11 juillet 1940 prévoit que le maréchal Pétain assume les fonctions de chef de l’État et abroge l’article 2 de la loi du 25 février 1875, résultant de l’amendement Wallon et relatif à l’élection du président de la République. A retenir : Les actes constitutionnels ultérieurs font du chef de l’État la pierre angulaire du régime vichyste et écartent la souveraineté nationale au profit d’une légitimité de type monarchique. Ce rejet est exprimé clairement par le procès-verbal de la séance du 17 novembre 1942 du Conseil des ministres qui indique que le maréchal Pétain « continue, comme chef de l’État, à incarner la souveraineté française et la permanence de la patrie ». Dans cette logique, le maréchal Pétain est irresponsable politiquement et pénalement. Il ne peut être ni poursuivi ni jugé, pas même pour haute trahison. B) La confusion des pouvoirs au profit du Maréchal Pétain A retenir : Les actes constitutionnels prévoient une confusion des pouvoirs au profit du maréchal Pétain. D’une part, en vertu de l’acte constitutionnel n° 2 du 11 juillet 1940, le maréchal Pétain exerce l’intégralité du pouvoir exécutif en ce qu’il est à la fois chef de l’État et chef du gouvernement. À ce titre, le maréchal Pétain : Est investi du pouvoir réglementaire et décide seul, ses actes n’étant pas soumis à la nécessité du contreseing et ne requérant que l’avis simple du conseil des ministres ; Nomme et révoque les ministres et secrétaires d’État, qui ne sont responsables que devant lui ; Nomme à tous les emplois civils et militaires pour lesquels la loi n’a pas prévu d’autres modes de désignation ; Dispose de la force armée ; Négocie et ratifie les traités ; A le droit de grâce et d’amnistie. D’autre part, en vertu de l’acte constitutionnel n° 2 du 11 juillet 1940, le maréchal Pétain « exerce le pouvoir législatif, en conseil des ministres : 1° Jusqu’à la formation de nouvelles Assemblées ; 2° Après cette formation, en cas de tension extérieure ou de crise intérieure grave, sur sa seule décision et dans la même forme. Dans les mêmes circonstances, il peut édicter toutes dispositions d’ordre budgétaire et fiscal. » Le maréchal Pétain a eu toute latitude pour légiférer dès lors : D’une part, qu’il n’était pas tenu de suivre l’avis rendu par le Conseil des ministres ; D’autre part, qu’une nouvelle Constitution ne fut jamais adoptée et que les chambres furent ajournées jusqu’à nouvel ordre par l’acte constitutionnel n° 3 du 11 juillet 1940. Enfin, le maréchal Pétain est au sommet de l’appareil judiciaire. Il intervient directement dans l’exercice de justice via le droit de grâce et d’amnistie dont il dispose. En outre, il juge les ministres, les secrétaires d’État, les hauts dignitaires et les hauts fonctionnaires de l’État. Si l’un d’eux trahit les devoirs de sa charge, il peut, après une enquête dont il arrête la procédure, prononcer toute réparation civile, toutes amendes et appliquer des peines allant jusqu’à la détention dans une enceinte fortifiée. Hormis l’exercice du droit de grâce et d’amnistie et du pouvoir de justice politique sur le personnel dirigeant, le maréchal Pétain n’intervient pas directement dans l’exercice de la justice. Cependant, les magistrats ne se prononcent pas librement puisqu’ils sont soumis à l’autorité hiérarchique du maréchal Pétain et prêtent serment de fidélité à ce dernier. A retenir : La concentration du pouvoir entre les mains du maréchal Pétain a néanmoins trouvé des limites dans la réalité de l’occupation allemande et le rappel de Laval. En effet, l’acte constitutionnel n° 11 du 18 avril 1942 introduit un bicéphalisme de l’exécutif en confiant « la direction effective de la politique intérieure et extérieure de la France » à un « chef du gouvernement, nommé par le chef de l’État et responsable devant lui. » En outre, les actes constitutionnels n° 12 et 12 bis des 17 et 26 novembre 1942 confèrent au chef de gouvernement un pouvoir normatif en matière réglementaire comme législative. Attention : S’il y a une dyarchie à la tête de l’État à partir du mois d’avril 1942, celle-ci est inégalitaire. La prédominance juridique du maréchal Pétain est préservée. Tout d’abord, le chef de gouvernement est responsable devant lui. En outre et surtout, le maréchal Pétain conserve la maitrise du pouvoir constituant et donc des règles du jeu. En effet, l’acte constitutionnel n° 12 prévoit que le pouvoir normatif consenti au chef du gouvernement ne s’étend pas aux lois constitutionnelles. II. La IVe République Après la libération du territoire, il y avait deux scénarios politiques possibles : La restauration des institutions de la IIIe République ; La mise en place d’un nouveau régime. Le second scénario l’a emporté. Connue pour avoir consacré le droit de vote des femmes, l’ordonnance du 21 avril 1944 avait clairement manifesté la volonté du Comité français de libération nationale de ne pas rétablir les institutions de la IIIe République. En effet, son article 1 prévoyait la réunion d’une Assemblée nationale constituante après la Libération. Cependant, elle ne fut jamais appliquée. L’ordonnance du 9 août 1944 est plus ambiguë puisqu’elle proclame l’inexistence juridique du régime de Vichy et la continuité de la République sans pour autant se prononcer expressément sur la question du maintien ou non du régime de la IIIe République. Le soin de trancher cette question a été confié au peuple français par une ordonnance du 17 août 1945. Celle-ci prévoyait l’organisation d’un référendum et soumettait au peuple français deux questions : « Voulez-vous que l’Assemblée élue ce jour soit constituante ? ». « Si le corps électoral a répondu oui à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu’à la mise en vigueur de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet de loi ci-contre ? ». Le peuple français répondit par l’affirmative aux deux questions. L’organisation provisoire des pouvoirs publics était la suivante : En application de l’article 4 de l’ordonnance du 17 août 1945, l’Assemblée partage l’initiative des lois avec le gouvernement et vote seule la loi. Aux termes du même article, « Dans le délai d’un mois imparti pour la promulgation des lois, le Gouvernement a le droit de demander une seconde délibération. Si, à la suite de celle- ci, le premier vote est confirmé à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée, la loi est promulguée dans les trois jours. » En vertu de l’article 5 de cette même ordonnance, uploads/S4/ cours-optimise-jurislogic-c10.pdf
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- Publié le Apv 06, 2022
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