Quel est l’apport de l’arrêt Quintin du 17 Mai 1991 rendu par le Conseil d’État

Quel est l’apport de l’arrêt Quintin du 17 Mai 1991 rendu par le Conseil d’État ? L’arrêt Quintin rendu le 17/05/1991 par le Conseil d’État est incontournable en droit administratif car depuis cet arrêt, le Conseil d’État à la possibilité de contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif si celui-ci est pris en application d’une loi de portée générale. En effet, pendant plus d’un demi-siècle, il était défendu au juge administratif, pourtant gardien de la loi, de contrôler la conformité des actes réglementaires pris en application d’une loi présumée inconstitutionnelle. Cette règle connue sous le nom de théorie de la loi écran découle de l’arrêt Arrighi du 6 novembre 1936 par lequel le Conseil d’État l’a consacrée. Et pour cause, cette règle trouve une explication d’un point de vue institutionnel ainsi qu’au regard de l’histoire. La première justification que l’on peut apporter est d’ordre institutionnel en ce sens que le contrôle de constitutionnalité de la loi relève déjà d’un autre juge, le juge constitutionnel. Concernant la deuxième justification, il convient de noter que l’arrêt Arrighi est le fruit de la IIIe République. Ce fait historique est en soi non négligeable. En effet, la loi avait un rôle important du fait du légicentrisme de ce régime. D’ailleurs, ne disait-on pas que : « la loi est l’expression de la volonté générale ». Ainsi, il était inconcevable que le juge puisse contrôler la loi, « l’expression de la volonté du peuple » indirectement soit-elle, car comme le disait René Chaput : « censurer l’acte administratif serait en effet implicitement, mais certainement censurer la loi dont il provient ou tout au moins dénoncer l’inconstitutionnalité de cette loi ». Cette jurisprudence fût constante pendant très longtemps jusqu’à l’avènement de l’arrêt Quintin. Ainsi, par cette décision, le juge suprême administratif va poser un principe général à la jurisprudence Arrighi du 6 novembre 1936 (Conseil d’État, Section, 06/11/1936). En effet, s’il ne relève pas de la compétence du juge administratif d’apprécier la constitutionnalité d’un acte réglementaire pris en application d’une loi présumée contraire à la Constitution, cela ne vaut pas lorsque la loi en application de laquelle l’acte est pris est transparente. Une solution incontestablement subtile ! En effet, c’est ici que réside toute l’importance de l’arrêt Quintin : l’admission d’une exception à la théorie de la loi d’écran. ARRÊT QUINTIN : LES FAITS ET LA PROCÉDURE Dans l’arrêt d’espèce, M. Quintin, demandeur au pourvoi, avait adressé au préfet du Finistère, défendeur en l’espèce, une demande en vue de l’obtention d’un certificat d’urbanisme pour la construction de maisons d’habitation sur un terrain situé dans une zone rurale et à plusieurs kilomètres de l’agglomération la plus proche. Toutefois, le certificat lui avait été refusé par une décision du préfet en date du 15 novembre 1985 sur le fondement de l’article R 111-14-1 d’un décret pris en application de l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme. Le requérant avait alors décidé de saisir le tribunal administratif de Rennes d’une demande d’annulation du certificat négatif du préfet du Finistère. Néanmoins, il fut débouté par le jugement du tribunal du 18 mai 1988. Suite à ce refus de faire droit à sa demande, M. Quintin avait formé un pourvoi devant le Conseil d’État. Le 17 mai 1991, le juge suprême administratif avait rendu un arrêt confirmatif rejetant la requête d’annulation du demandeur au pourvoi. Cependant, le Conseil d’État avait pris le soin de vérifier la conformité de l’article R 111-14-1 à la Constitution alors même que ce dernier règlement avait été pris en application de l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme précité, suspecté d’être inconstitutionnel. ARRÊT QUINTIN : LES PRÉTENTIONS DES PARTIES ET LA QUESTION DE DROIT En substance, dans l’arrêt Quintin, le requérant reprochait à la décision du préfet d’être illégal, car fondée sur une base légale contraire à la Constitution, en l’occurrence, l’article R 111-14-1, pris lui aussi en application de l’article L 111- 1 du Code de l’urbanisme. Ainsi, en confirmant la décision du préfet, le juge auprès du tribunal administratif de Rennes avait lui aussi violé le droit de propriété garanti par la Constitution ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales précitée. De ce fait, M. Quintin, demandait au Conseil d’État au principal d’annuler la décision du préfet du 15 novembre 1985 et subsidiairement de renvoyer l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. Or, le préfet estimait que le certificat d’urbanisme négatif délivré au requérant l’avait été sur le fondement de l’article R 111-14-1 du Code de l’urbanisme. Dès lors, sa décision était conforme et donc légale. En l’espèce dans l’arrêt Quintin, il était demandé au Conseil d’État de s’interroger sur la légalité de la décision du préfet et par conséquent sur la conformité du certificat d’urbanisme négatif avec le droit de propriété, ainsi qu’avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. QUELLE EST LA SOLUTION DE L’ARRÊT QUINTIN DU 17 MAI 1991 ? Dans son attendu ayant fait l’objet de l’arrêt Quintin, le Conseil d’État va tout d’abord écarter la piste du renvoi de l’affaire à la Cour européenne des droits de l’homme en estimant qu’aucune disposition de la Convention ne le prévoyait. Ensuite, le juge administratif suprême va rejeter la requête du demandeur au pourvoi la jugeant non fondée. En effet, il a jugé que le règlement ne violait nullement le droit de propriété garanti par la Constitution et par conséquent, la décision du préfet était conforme. C’est une décision pour le moins étonnante. Puisqu’en effet, la théorie de l’écran aurait dû empêcher le Conseil d’État de se prononcer en se déclarant incompétent compte tenu de la remise en cause du règlement pris sur la base d’une loi suspectée d’inconstitutionnalité. En fait, l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme en application duquel le règlement dont l’article R 111-14-1 est partie intégrante aurait constitué l’écran empêchant l’appréciation de l’affaire par le Conseil d’État. En effet, le requérant prétendait que la décision du préfet ayant délivré un certificat d’urbanisme négatif était non conforme, car prise sur une base légale inconstitutionnelle, notamment sur le fondement de l’article R 111-14-1 précité, basé aussi sur l’article L 111-1 précité. Donc, si l’article R 111-14-1 était inconstitutionnel, la conséquence devait être directe en ce sens que l’article L 111-1 qui fonde ledit règlement l’était aussi. De ce fait, le Conseil d’État ne devait pas pouvoir connaitre l’affaire, car il était incompétent en vertu de la jurisprudence Arrighi fortement rappelée par le Conseil d’État dans l’arrêt Rouquette en 1999. Toutefois, le juge suprême administratif n’a pas retenu ce raisonnement dans l’arrêt Quintin. En effet, il a relevé que la loi en cause ne se bornait qu’à renvoyer à l’autorité réglementaire le soin de poser certaines règles sans contenir elle-même la moindre norme de fond. On peut ainsi lire à l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme comme l’a précisé le Conseil, que le règlement va édicter « les règles générales applicables en dehors de la production agricole … notamment en ce qui concerne la localisation, la desserte, l’implantation et l’architecture des constructions ». Au visa de cet article, le Conseil d’État a conclu que l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme était « transparent ». Par conséquent, il a statué en faveur de la conformité du règlement vis-à-vis du principe constitutionnel du droit de propriété. La solution du Conseil d’État est tout à fait compréhensible. En effet, elle ne remet nullement en cause la théorie de la loi d’écran. Néanmoins, elle réduit indubitablement son champ d’application. En effet, le principe est simple : Il n’est pas de la compétence du juge administratif d’apprécier la conformité d’un acte réglementaire pris en application d’une loi suspectée d’inconstitutionnalité. Puisque l’acte administratif inconstitutionnel ne peut être annulé, car protégé par la loi d’écran. De ce fait, tous les recours contre celui-ci sont donc inopérants comme l’a affirmé le juge administratif dans son arrêt du 18 novembre 2009 (Conseil d’État, 18 novembre 2009, Communauté d’agglomération Perpignan, Marseille). Cependant, lorsque la loi qui fonde l’acte réglementaire est transparente, elle ne peut par conséquent s’intercaler entre l’acte règlementaire et la Constitution. Ainsi, le juge administratif peut apprécier sa conformité. En effet, cela s’explique par le fait qu’ici, les vices d’inconstitutionnalité ne sont pas imputables à la loi qui fait écran entre l’acte réglementaire et la norme suprême, mais plutôt à l’acte règlementaire lui-même. Autrement dit, ce n’est pas la loi en application de laquelle le règlement est pris qui est inconstitutionnelle, mais plutôt, c’est ce dernier qui est illégal. En conséquence, le juge administratif recouvre toute la plénitude de sa compétence pour exercer son rôle de gardien de la loi, c’est-à-dire, le contrôle de légalité telle qu’il a été affirmé par les arrêts Dame Kirkwood du Conseil d’État le 30 mai 1952 et Amicale des Annamites de Paris du Conseil d’État le 11 juillet 1956. Pour info : Découvrez aussi sur notre site Partiels-droit d’autres arrêts emblématiques qui ont su apporter de grandes évolutions en droit administratif :  Arrêt Arcelor du 8 février 2007, CE, uploads/S4/ l-x27-importance-de-l-x27-arret-quintin-du-17-mai-1991-rendu.pdf

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  • Publié le Oct 12, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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