LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE RÉFORMÉE. UN ÉCRAN DE FUMÉE ? Christian Mouhanna La Dé
LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE RÉFORMÉE. UN ÉCRAN DE FUMÉE ? Christian Mouhanna La Découverte | « Délibérée » 2021/1 N° 12 | pages 13 à 18 ISSN 2555-6266 ISBN 9782348068799 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-deliberee-2021-1-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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De plus en plus, de larges parties de la population française sont sensibilisées aux violences policières, au-delà de leurs victimes « traditionnelles », souvent issues des quar tiers défavorisés. Le plus surprenant n’est cependant pas qu’existent de telles violences, d’une part parce que la police et la gendar merie nationales représentent environ 250 000 personnes, et donc comptent forcé ment dans leurs rangs des individus enclins à en commettre, d’autre part parce que l’activité même de police suppose le recours à la force, dans des conditions qui ne sont pas toujours claires et évidentes. Non, le plus surprenant se trouve dans les réactions de dénégation qui émanent des représentants syndicaux policiers et très souvent du ministère de l’Intérieur. Le terme même de « violences policières » est devenu un tabou, que les autorités politiques s’interdisent d’utiliser, tant elles craignent les réactions de la base policière. La simple évoca tion de celles-ci conduit des ministres de l’Inté rieur à être révoqués 1. Pourtant, d’autres pays se sont confrontés à cette question, en tentant d’y apporter une réponse organisationnelle et institutionnelle 2. En France, les débats autour de l’article 24 de la loi sur la sécurité globale 3 montrent que l’enjeu essentiel, pour les syndi cats policiers comme pour leurs autorités de 1 Ce fut le cas de Christophe Castaner, suite à ses propos sur la suspension systématique des fonctionnaires pour « chaque soupçon avéré d’actes ou de propos racistes » en juin 2020. 2 Voir par exemple la présentation qu’en fait Stéphane Lemercier, capitaine de police : « Comment policer la police, les exemples à l’étranger », The Conversation, 17 juin 2020. 3 NDLR : pour davantage de développements sur ce texte (toujours en discussion au moment de nos relectures) qui organise la pénalisation, sous certaines conditions, de la diffusion d’images de forces de l’ordre dans l’exercice de leur activité, lire dans ce numéro l’article de Fabien Jobard. La déontologie policière réformée. Un écran de fumée ? par Christian Mouhanna — La déontologie des forces de l’ordre, traduite en France depuis 2014 dans un code spécifique, ne satisfait ni les forces de l’ordre (qui n’y voient pas de règles claires et refusent tout soupçon de violences policières) ni celles et ceux qui entendent par l’ériger en rempart contre les violences policières. Cet article revient sur le rapport complexe de la police et de la gendarmerie au contrôle de leur activité, ainsi que la tolérance envers les écarts à la déontologie. — © La Découverte | Téléchargé le 04/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Lorraine (IP: 193.50.135.4) © La Découverte | Téléchargé le 04/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Lorraine (IP: 193.50.135.4) 15 - La déontologie policière réformée. Un écran de fumée ? tutelle, se trouve davantage dans l’occultation de ses dérives, plutôt que dans l’analyse de leur genèse et leur traitement. Sérieusement interpellé sur ces questions aux débuts du quinquennat Hollande et désireux de corriger l’image d’autoritarisme policier mis en avant par la présidence précédente de Nicolas Sarkozy, le ministère de l’Intérieur avait déjà pensé apporter une réponse à d’« éventuelles violences » en édictant en 2014 un nouveau Code de déonto logie applicable aux forces de sécurité publique 4. Il convient alors d’expliquer pourquoi ce texte, intégré au corpus normatif déjà très fourni qui régule les activités des policiers et des gendarmes, n’est pas parvenu à juguler les violences illégitimes consta tées. Puis, en élargissant la perspective, il nous faut comprendre les limites que rencontre le contrôle du travail policier et plus largement le rapport que les policiers ont avec les règles et les lois. QUELLE DÉONTOLOGIE POUR LES POLICIERS ? L’adoption du Code de déontologie en 2014 illustre parfaitement les problèmes structurels et les oppositions auxquels se heurte le ministère de l’Intérieur lorsqu’il cherche à traiter ces questions de régulation. Pourquoi instaurer un nouveau texte alors qu’existe déjà un Code du même type instauré par Pierre Joxe en 1986 5, et son article 17 qui précisait que le « subordonné doit se conformer aux instructions de l’autorité, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compro mettre gravement un intérêt public », cherchant ainsi à rompre avec une culture d’obéissance longtemps 4 Code de déontologie de la police nationale et de la gendar merie nationale, codifié au livre IV, titre 3, chapitre 4 de la partie réglementaire du Code de la sécurité intérieure. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2014. 5 Décret du 18 mars 1986. prétexte pour commettre des actes illégaux 6 ? La lecture du nouveau Code et les travaux de recherche que nous avons pu mener sur le terrain 7 donnent des réponses qui paradoxalement nous éloignent de la déontologie. CE CODE RÉPOND À UNE STRATÉGIE GÉNÉRALE DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE NATIONALES, QUI EST DE RENVOYER LES ÉVENTUELLES DÉRIVES À DES RESPONSABILITÉS INDIVIDUELLES En premier lieu, l’adoption de ce texte corres pond à une période où était évoquée la délivrance par les policiers d’un récépissé lors de chaque contrôle d’identité. Si un tel document ne permet tait pas de lutter frontalement contre les contrôles au faciès, il aurait en revanche permis d’objectiver des comportements policiers fondés sur des discri minations ou des techniques de harcèlement de jeunes gens dans les quartiers d’habitat social. Mais même ce simple reçu avait suscité l’ire des policiers, peu enclins à se prêter à un tel jeu de dévoilement de leurs pratiques. Dans un tel cadre, l’adoption du nouveau Code agissait tel un écran de fumée, en détournant l’attention portée au récépissé et en lui substituant une réforme de la déontologie. La règle est ici utilisée non pas pour résoudre un problème, mais au contraire pour éviter de s’y attaquer. L’examen du Code et de sa réception chez les policiers laisse entrevoir également d’autres objec tifs 8. Toute la première partie du nouveau texte 6 Fréderic Ocqueteau, « Qu’est-ce qu’une police déontolo gique? », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, 3, 2016, p. 349-383. 7 Christian Mouhanna, La déontologie policière en pratiques. Recherche exploratoire sur sa perception et les effets induits auprès des personnels de sécurité publique, CESDIP, rapport de recherche, 2013. 8 Christian Mouhanna, « Le Code de déontologie : un outil de régulation des relations police-population », Droit et Société, 2017/3, p. 503-519. © La Découverte | Téléchargé le 04/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Lorraine (IP: 193.50.135.4) © La Découverte | Téléchargé le 04/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Lorraine (IP: 193.50.135.4) 16 - La déontologie policière réformée. Un écran de fumée ? est dévolue à l’obéissance due par les policiers et les gendarmes à leurs supérieurs hiérarchiques, comme si ces derniers éprouvaient le besoin de réaffirmer une autorité par ailleurs soulignée dans d’autres textes. Cette insistance non seule ment montre le manque d’assurance de ces chefs, mais de plus illustre leur méconnaissance de ce qu’est – ou doit être – la déontologie policière. En effet, aussi bien dans les armées que dans les autres polices européennes, la déontologie permet d’op poser des valeurs éthiques ou morales supérieures aux logiques d’efficacité à tout prix qu’exigent parfois les autorités de tutelle. Elle consacre un devoir de désobéissance dans certaines situations. Les policiers français étaient très demandeurs de règles claires à ce sujet, notamment en termes de « ciblage » des contrôles, mais le nouveau Code ne leur a apporté, de l’avis général, aucune réponse en ce sens. Quant aux gendarmes, ce Code leur parais sait moins adapté à leur travail que les anciens codes militaires. Une troisième utilisation de ce Code répond à une stratégie générale de la uploads/S4/ delib-012-0013 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 26, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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