Licence I Séance 2. Dissertation : La Constitution est-elle supérieure aux trai
Licence I Séance 2. Dissertation : La Constitution est-elle supérieure aux traités internationaux ? Dans son ouvrage Théorie pure du droit, le juriste autrichien Kelsen définit au début du XXème siècle la notion de hiérarchie des normes, qu’il conçoit comme une pyramide formée des différentes formes de lois et de règlement, ayant chacun une autorité supérieure à une autre. Elle est donc fondée sur le principe de légalité, selon lequel toute norme doit être conforme à la norme supérieure pour pouvoir être appliquée. Au sommet de la hiérarchie se trouve la Constitution, qui définit l’existence, la structure et le fonctionnement des pouvoirs publics de l’État. La Constitution française de 1958 commande donc à tous les autres types de normes, lois, règlements, et aussi aux engagements internationaux dans le cas de la France. Elle est donc considérée comme la norme suprême dans la hiérarchie des normes en France. Pourtant, le développement d’un droit international, qui ne tient pas compte des hiérarchies normatives internes, et l’intégration dans l’Union européenne, qui crée ses propres normes, pose problème quant à la place de la Constitution dans la hiérarchie des normes internationales et communautaires. Bien que le juge français continue à les considérer comme inférieures à la Constitution, et donc devant la respecter pour pouvoir être appliqués, cette affirmation est aujourd’hui nuancée. En effet, si la France veut appliquer les traités européens qu’elle a signés, elle doit souvent modifier sa Constitution. Quel est alors la norme supérieure : le traité ou la Constitution ? Ceci amène donc à se demander si la Constitution, même si elle est toujours inscrite dans la hiérarchie française des normes comme la norme des normes, peut toujours être considérée comme telle dans un ordre juridique européen et international. Donc, quelle place est réservée aux traités internationaux ? Au fond, la Constitution est-elle supérieure aux traités internationaux ? Nous verrons dans une première partie que si, dans l’ordre interne, la Constitution est supérieure aux traités (I), les juridictions internationales (et européennes) ont une vision tout à fait différente, considérant que la France ne peut se prévaloir de ses propres règles, même constitutionnelles (II). I. La supériorité de la Constitution est prouvée par l’article 54 de la Constitution (A), mais aussi par la jurisprudence (B). Article 54 : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution. » A. On peut déduire de l’article 54 de la Constitution qu’une disposition constitutionnelle contraire à un traité s’oppose donc à la ratification de celui-ci, ce qui traduit clairement la prééminence de la Constitution. Telle est la procédure qui a récemment prévalu à propos du traité sur l’Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992. En effet, le Conseil constitutionnel a été saisi par le président de la République de la question de savoir si la ratification de ce traite était conforme a la Constitution. Le 9 avril 1992 le Conseil constitutionnel a déclare non conforme a la Constitution trois clauses du traite, subordonnant donc sa ratification a une révision constitutionnelle. Celle-ci est intervenue par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 (cf. en particulier, l’insertion d’un nouveau titre XIV dans la Constitution : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne », art. 88-1 a 88-4). Le traité put alors être ratifie par referendum et entrer en vigueur en France le 18 janvier 1994. De même, la ratification du traité d’Amsterdam a nécessite la modification constitutionnelle du 25 janvier 1999. Cette supériorité de la Constitution sur le traité international a été reconnue par le Conseil d’Etat et par la Cour de cassation. B. Le droit international interdit à un Etat ne se prévaloir de sa Constitution pour échapper aux obligations qu'il aurait contracté suite à un traité ou à un accord. Mais dans l'ordre juridique interne du droit français, la Constitution reste supérieure aux traités. La jurisprudence confirme cette caractéristique : CE, 1998, Sarran et Levacher et C. Cass., 2000, Pauline Fraisse : constatent en termes identiques la primauté de la Constitution sur les traités dans l'ordre interne ; CC, 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe : dans cette décision relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, le Conseil constitutionnel place la Constitution "au sommet de l'ordre juridique interne". II. Comme l’on a déjà mentionné, la France ne peut se prévaloir de ses propres règles, même constitutionnelles. On a trois conditions pour l’adoption d’un traité international (A) et plusieurs décisions des juridictions administratives et judiciaires (B). Article 55 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » A. Donc, on a trois conditions : la ratification ou l'approbation : la ratification s'applique aux traités, normes solennelles qui, selon les termes de l'art. 52 C, sont négociés et ratifiés par le président de la République. Quand à l'approbation, elle relève des accords, qui sont du domaine du ministre des Affaires étrangères. Selon les dispositions du même article, le président est seulement tenu informé des négociations autour d'un accord. L'art. 53 C ajoute que "les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi" ; la publication : elle se fait au Journal officiel (JO) ; la réciprocité : enfin, l'autre partie signant la convention doit la respecter, sans quoi elle perd toute force juridique. Dans le cas d'accords multilatéraux, cette clause est difficilement applicable. Elle n'a en outre aucune portée en matière de convention à caractère humanitaire ou de protection des droits fondamentaux. Une fois ces trois conditions respectées, une convention internationale peut s’intégrer dans l’ordre juridique interne. Dans la hiérarchie des normes, la convention internationale reste cependant soumise au respect de la Constitution (dans les faits, on procède a une révision de la Constitution). B. Comment assurer la supériorité du traité international sur la loi reconnue par l’article 55 de la Constitution ? S’il a été unanimement admis qu’un traite international abroge implicitement une loi antérieure qui lui était contraire (lex posterior priori derogat), la question a fait difficulté pour une loi postérieure. Dans une décision du 15 janvier 1975, le Conseil constitutionnel a considère qu’il n’était pas compétent pour apprécier la conformité d’une loi a un traité international. Ce problème a été l’objet d’une des plus célèbres divergences entre Cour de cassation et Conseil d’Etat. Une décision de chambre mixte de la Cour de cassation rendue le 24 mai 1975 a fait prévaloir le traite sur une loi postérieure contraire. Longtemps, le Conseil d’Etat est reste fidèle à la doctrine Matter en adoptant une solution opposée, qui pouvait se prévaloir de deux arguments. Préférer le traité a la loi en vertu de l’article 55 serait se livrer a un contrôle de constitutionnalité qui relève de la seule compétence du Conseil constitutionnel. Ce serait également permettre au pouvoir judiciaire de contrôler le pouvoir législatif, contrairement au principe de séparation des pouvoirs. Le Conseil d’Etat ne modifia sa jurisprudence que par l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. L’arrêt n’est guère explicite sur les motivations de ce revirement, mais pour le commissaire du gouvernement, « une autre lecture de l’article 55, infiniment souhaitable en opportunité […] est certainement tout autant concevable en droit […]. L’article 55 comporte nécessairement par lui-même une habilitation aux juges à l’effet de contrôler la conformité des lois aux traites. ». Cette « autre lecture » semble aussi imposée par le rôle croissant du droit communautaire, dont la primauté doit être reconnu par les tribunaux français : « la suprématie inconditionnelle du droit interne est désormais révolue ». Ces décisions des juridictions administratives et judiciaires ont toutes été rendues pour apprécier la conformité d’une loi postérieure avec le traité de Rome, mais leur portée concerne tous le traités internationaux. La jurisprudence a également précisé que les tribunaux pouvaient apprécier la conformité d’une loi postérieure avec le droit communautaire dérive. Etant donné que, pour pouvoir ratifier un traité international qui pourrait contenir des dispositions contraires à la Constitution, il est préalablement nécessaire la révision de la loi fondamentale pour que les éventuelles contradictions soient éliminées, il ne résulte pas que les traités internationaux auraient une force juridique plus grande que celle de la Constitution, mais le contraire. Le filtre parlementaire interne imposé aux traités internationaux, il fait que leur réception soit conditionnée par leur constitutionnalité, en sanctionnant ainsi indirectement les normes du droit international. uploads/S4/ dissertation 40 .pdf
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- Publié le Jui 26, 2022
- Catégorie Law / Droit
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