L’action en responsabilité du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant. « L
L’action en responsabilité du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant. « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes » : ainsi est posée la pierre angulaire du problème de la responsabilité du sous-‐traitant vis à vis du maître de l’ouvrage, destinataire de son travail mais non point partie contractante ; problème reposant essentiellement sur les épaules de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, faute d’un législateur diligent. Le maître de l’ouvrage est un client pour le compte duquel des travaux ou une construction sont réalisés, en vertu d’un contrat passé avec un maître d’œuvre aussi appelé entrepreneur principal. Ce dernier contractera lui-‐même avec des sous-‐traitants à même de l’aider à remplir son contrat. Si l’entrepreneur principal est responsable devant le client, il peut arriver qu’il ne soit pas toujours aisé de rechercher sa responsabilité, par exemple en cas de faillite, et le client peut donc avoir intérêt à se retourner contre le sous-‐traitant alors même qu’il ne lui est pas lié directement par un contrat. La nature de son action se fonde sur l’interprétation de l’article 1165 du Code civil qui est censé limiter les effets du contrat aux seules parties contractantes. En matière de chaînes de contrats, la Cour de cassation a opéré deux distinctions selon qu’elles soient translatives ou non de propriété. Si dans le premier cas, la responsabilité contractuelle joue entre tous les maillons de la chaîne (Ass. plén., 7 février 1986), il n’en est pas de même pour les chaînes de contrat non translatives de propriété. Par l’arrêt de principe Besse du 12 juillet 1991, la Cour de cassation écarte la possibilité d’une action contractuelle entre le maître d’ouvrage et le sous-‐traitant en donnant une vision stricte de l’article 1165 du Code civil et de l’effet relatif des contrats. Si cette décision semble préserver les principes du droit des obligations notamment l’autonomie de la volonté, elle apporte d’autres problèmes quant à l’engagement de la responsabilité extracontractuelle du sous-‐traitant. Nous verrons qu’en l’absence de réaction du législateur face à la jurisprudence Besse, c’est le régime de droit commun qui s’applique avec notamment une difficulté au niveau de la preuve de la faute par le client mais c’est sans compter sur le rôle constant de la Cour de cassation en matière de sécurité juridique. L’action commune en responsabilité du maître de l’ouvrage paraît être l’engagement de la responsabilité délictuelle du sous-‐traitant (I) mais l’on peut s’interroger sur d’autres options en attendant une réforme globale (II). I- Une action a priori nécessairement délictuelle. Du fait de l’effet relatif des contrats, la responsabilité contractuelle ne peut pas être invoquée (A), laissant le champ libre à une action sur le plan délictuel (B). A – Une action contractuelle en contradiction avec l’Assemblée plénière. A la fin des années 1980, les divergences affichées entre les solutions des différentes chambres civiles de la Cour de cassation appellent à une intervention de l’Assemblée plénière. C’est chose faite le 12 juillet 1991 avec l’arrêt Besse qui rejettera une action contractuelle du maître de l’ouvrage envers le sous-‐traitant au visa de l’article 1165. N’étant pas lié directement par un contrat, l’effet relatif des conventions s’oppose à la recherche d’une quelconque responsabilité contractuelle du sous-‐traitant. On observe donc une application littérale de l’article 1165 du Code civil et de l’effet relatif des contrats. Le maître de l’ouvrage et le sous-‐traitant ne peuvent en aucun cas être considérés comme cocontractants même s’il existe une chaîne de contrats entre eux. On respecte ainsi les principes de l’effet relatif des contrats et de l’autonomie de la volonté. La Cour de cassation prend aussi en compte l’intérêt du client, victime d’un préjudice. En effet, l’action en responsabilité contractuelle implique l’opposition des dispositions contractuelles et légales en moyens de défense, limitant ainsi la responsabilité du sous-‐ traitant. De par l’arrêt Besse qui écarte une action en responsabilité contractuelle, on peut en déduire qu’une action en responsabilité délictuelle est ouverte au maître de l’ouvrage. B- Une action délictuelle. Au vu de l’absence de dispositions spéciales, le droit commun de la responsabilité délictuelle s’applique et donc l’article 1382 du Code civil énonçant : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». De par sa simplicité et sa généralité, cet article a vocation à recueillir les causes perdues à la condition de réunir une faute, un préjudice et un lien de causalité. Si le préjudice et le lien de causalité ne posent guère de problèmes en matière de preuve, il en est autrement de la faute qui sera bien plus dur à prouver pour le maître de l’ouvrage. Si l’évidence appelle à se référer au contrat entre le sous-‐traitant et l’entrepreneur principal pour juger de l’existence d’une faute, un manquement contractuel n’engage pas automatiquement la responsabilité délictuelle. La Cour de cassation a consacré ce principe par un arrêté du 20 juin 1989 en énonçant que « les sous-‐traitants n’étaient pas tenus des garanties légales ». Il y avait donc bien un blocage au niveau de la responsabilité des sous-‐traitants à cause d’une trop grande exigence pour l’appréciation de la faute, tournant à l’avantage du sous-‐traitant. Heureusement, par une décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006, les juges admettent « qu’un tiers à un contrat puisse invoquer un manquement contractuel, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. » L’espèce concernait un contrat à bail mais on peut penser que cette solution s’applique aussi aux contrats d’entreprise. Par cette jurisprudence, la nature délictuelle de l’action en responsabilité du maître de l’ouvrage lui devient particulièrement favorable. Pour autant, il y a un déséquilibre qui appelle à une réforme globale du régime de la responsabilité du sous-‐traitant. II – Le besoin a posteriori d’un régime spécial. En dépit d’un régime spécial grandement désiré (B), l’action en responsabilité du fait des produits défectueux paraît tout autant applicable à l’engagement de la responsabilité du sous-‐traitant (A). A- L’action en responsabilité du fait des produits défectueux. Depuis la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, il existe une action en responsabilité autonome qui déroge au droit commun de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle (articles 1386-‐1 et suivants du Code civil). En plus de ne pas porter atteinte au droit à une action en responsabilité délictuelle, le régime des produits défectueux exclut tout clause limitative de responsabilité à l’exception des contrats entre professionnels si le bien n’est pas utilisé de manière privée par la victime. On rejoint la logique de l’action en responsabilité extracontractuelle où le sous-‐traitant ne pourra pas s’exonérer de responsabilité en invoquant une clause élusive de son contrat. Le choix de cette action devrait permettre une protection supplémentaire du maître de l’ouvrage en cas de livraison d’un produit défectueux sans pour autant chercher une faute du sous-‐traitant ou un manquement contractuel. Il y a donc une objectivité dans la réparation du dommage, que l’on ne retrouve pas dans l’action extracontractuelle. Le recours potentiel au régime des produits défectueux montre bien qu’il y a des difficultés voire un vide juridique dans l’engagement de la responsabilité du sous-‐ traitant qui devraient être résolus par une réforme législative d’ampleur tant le champ d’application est large. B- Le besoin d’une réforme. En dépit de l’appel du pied de la Cour de cassation lors de l’arrêt Besse en 1991 à lancer une réforme de la responsabilité du sous-‐traitant, le législateur n’a pas vraiment réagi. Non plus lors de l’arrêt de 2006, favorisant largement le maître de l’ouvrage, peut-‐être un peu trop pour faire bouger les lignes. Une loi du 31 décembre 1975 encadre la sous-‐traitance mais elle vise surtout à protéger les sous-‐traitants. Plus de trente ans plus tard, le gouvernement a fait adopter une réforme en 2010 qui n’a finalement pas changé grand chose, en raison d’une faible ambition malgré les attentes de la profession. Il serait bon de refondre les différents régimes applicables aux différents acteurs en un seul cohérent et efficace dans une optique de sécurité juridique. On éviterait ainsi les profonds déséquilibres entre les différents acteurs souvent au désavantage des plus faibles économiquement, victimes de pratiques abusives. Il est possible que la volonté de réforme actuelle notamment en matière de compétitivité entraîne ce mouvement de réforme mais on peut en douter au vu de la lenteur des évolutions législatives, en dehors des électrons libres que constituent le droit pénal et le droit du travail. uploads/S4/ dissertation 50 .pdf
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- Publié le Oct 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
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