1 DROIT CONSTITUTIONNEL Licence I (EAD) – 1er semestre Année universitaire 2007
1 DROIT CONSTITUTIONNEL Licence I (EAD) – 1er semestre Année universitaire 2007-2008 Cours de Séverine NICOT Attention : Ce document ne correspond qu’à la première partie du cours. La seconde partie du cours, qui porte sur les régimes constitutionnels étrangers et l’histoire constitutionnelle française de 1789 à 1958, vous parviendra ultérieurement. INTRODUCTION A – La position du droit constitutionnel dans les sciences juridiques D’un point de vue juridique, le droit constitutionnel se présente comme l’une des branches du droit public (1) ; plus exactement, il se présente comme une ramification du droit public interne (2). 1) Une branche du droit public La distinction droit public/droit privé est une distinction traditionnelle – la summa divisio – en droit français. À vrai dire, de façon schématique, l’étude de notre droit met en exergue deux aspects : le public, qui concerne l’État, et le privé, qui concerne les particuliers. Tandis que le droit privé regroupe les disciplines juridiques qui règlent les rapports entre les particuliers, le droit public repose, quant à lui, sur l’intervention de la puissance publique, c’est-à-dire l’État et ses représentants. Nb. : Si le droit privé met en présence des acteurs placés sur un pied d’égalité, le droit public, dominé par la recherche de l’intérêt général, se caractérise par la supériorité des prérogatives de l’État et des collectivités publiques. 2) Une branche du droit public interne Une seconde classification vient s’ajouter à celle qui oppose le droit public au droit privé, à savoir celle qui distingue le droit international et le droit interne. À vrai dire, si le 2 droit public est, schématiquement, le droit de l’État, on distingue en son sein, selon qu’il s’agit des relations de l’État avec d’autres États (ou entités internationales) ou des relations de l’État avec les gouvernés ou avec ses propres composantes, le droit public international et le droit public interne. Pour résumer, alors que le droit public international (DIP) s’applique aux rapports entre États, le droit public interne s’intéresse aux questions soulevées par l’intervention de la puissance publique à l’intérieur d’un État déterminé. Nb. : Le droit public interne comporte plusieurs sous-ensembles : le droit constitutionnel, le droit administratif, les finances publiques … B – Le contenu (ou l’objet) du droit constitutionnel L’objet du droit constitutionnel ne peut être saisi que par des approches successives. Il faut exposer, dans un premier temps, les éléments classiques de la définition de ce droit (1) avant d’examiner, dans un deuxième temps, la dilution du droit constitutionnel classique dans la science politique. Dans un troisième et dernier temps, il conviendra de se demander quel est le contenu du droit constitutionnel contemporain (3). 1) Le droit constitutionnel classique Pendant très longtemps, le droit constitutionnel a eu pour objet principal l’étude des institutions et de leur pratique. Pour cette raison, ce droit fut souvent considéré comme « la partie du droit public interne qui a trait à l’organisation politique de l’État » ou comme « l’ensemble des institutions grâce auxquelles le pouvoir s’établit, s’exerce ou se transmet dans l’État ». Autrement dit, le droit constitutionnel est appréhendé essentiellement sous l’angle des institutions, c’est-à-dire comme un droit institutionnel. Nb. : Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le droit constitutionnel, tel qu’il apparaît dans les manuels de droit et tel qu’il est enseigné dans les universités, se présente comme une discipline juridique dont la structure est très liée à celle de la Constitution et du régime constitutionnel en vigueur, c’est-à-dire de la IIIème République. 2) Le droit constitutionnel « politiste » Après la Seconde Guerre mondiale, le contenu du droit constitutionnel évolue sous l’influence de la science politique. En particulier, il est soutenu que, si l’on peut étudier les régimes politiques en ne les abordant que du point de vue du droit, on ne peut les comprendre sans philosophie politique, sans interprétation de l’histoire des idées politiques, sans science politique, à laquelle le modèle anglo-saxon réserve une place d’honneur. 3) Le droit constitutionnel contemporain De nos jours, le droit constitutionnel ne peut plus être enseigné comme il l’était au XIXème siècle et au début du XXème siècle. Dès lors, les définitions données précédemment ne 3 correspondent plus tout à fait à la réalité du droit constitutionnel qui présente, en réalité, un triple objet : - Le droit constitutionnel institutionnel : le droit constitutionnel régit les relations entre les pouvoirs publics. En fait, il règle les relations entre les pouvoirs constitués, c’est-à-dire entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Il s’intéresse, aussi, à la dévolution du pouvoir, à son exercice ainsi qu’à sa transmission. - Le droit constitutionnel des libertés : le droit constitutionnel régit les relations entre les individus et la puissance publique, en conférant à ceux-là un certain nombre de droits et libertés fondamentaux. - Le droit constitutionnel normatif : la création et le régime des normes juridiques forment le troisième objet du droit constitutionnel. En effet, la Constitution se présente comme une « norme de production des normes », ce qui signifie que les compétences normatives puisent leurs sources dans la Constitution, qui va consacrer leur existence et leurs principales règles d’édiction. Par suite, le droit constitutionnel peut, aujourd’hui, être défini comme l’ensemble des règles juridiques qui déterminent les relations entre les pouvoirs publics, les droits et libertés fondamentaux ainsi que la création et le régime des normes juridiques. Trame du Cours : - L’étude du droit constitutionnel va du général au particulier, du passé au présent. 4 PARTIE I : LA THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL CHAPITRE I : L’INSTITUTIONNALISATION DU POUVOIR : L’ÉTAT Nb. : Employé en ce sens, le terme « État » s’écrit toujours avec un « E » majuscule … Aujourd’hui, l’État est la forme normale (et la plus répandue) d’organisation des sociétés politiques1. D’ailleurs, d’un point de vue matériel, le droit constitutionnel a pour objet principal l’étude de l’État. En particulier, l’État fournit le cadre à l’intérieur duquel naissent et jouent les règles et où apparaissent les phénomènes dont l’étude fait l’objet du Cours de droit constitutionnel. En conséquence, le droit constitutionnel est, avant tout, le droit de l’État. Il en désigne, notamment, les conditions d’existence, la forme et les modalités de fonctionnement. Formulé autrement, le droit constitutionnel traite de l’ensemble des règles relatives à l’organisation de l’État, c’est-à-dire à la désignation des individus qui exercent le pouvoir, à leurs compétences et à leurs rapports mutuels. On ne peut comprendre le fonctionnement de l’État sans en rechercher, au préalable, l’origine (Section I). Puis, il conviendra d’en donner une définition (Section II). Section I – L’approche conceptuelle de l’État : l’origine de l’État Pistes de réflexion : - Quel est le fondement de l’État ? En d’autres termes, comment l’État est-il né ? - Pourquoi les individus acceptent-ils d’obéir à l’État ? - Est-ce que toute société soumise à un pouvoir constitue un État ? L’État est-il le résultat d’un processus naturel ou une construction artificielle ? En réalité, deux théories s’affrontent pour déterminer à partir de quel élément naît l’État : celle qui soutient que l’État résulte d’un phénomène naturel (§ 1) et celle qui défend l’idée selon laquelle l’État résulte d’un contrat conclu entre des volontés humaines (§ 2). § 1 : L’origine naturelle de l’État Cette théorie trouve son origine dans les analyses sociologiques de l’évolution des sociétés humaines. Les partisans de cette théorie, se rappelant la formule d’ARISTOTE selon laquelle « L’homme est un animal politique », considèrent que la formation de l’État est l’aboutissement d’un phénomène naturel : l’État n’est donc pas le fruit de la volonté humaine, l’œuvre délibérée des hommes, il s’impose. En pratique, la naissance de l’État va reposer sur 1 Près de 200 États existent actuellement dans le monde … 5 un événement ou une succession d’événements, ce processus de création pouvant être rapide ou lent, violent (ex. : conquête, dislocation d’un empire …) ou pacifique. § 2 : L’origine contractuelle de l’État Cette théorie, qui se propose de trouver dans l’individu le fondement de l’État, repose sur le postulat que l’État n’est pas un phénomène naturel, mais une création artificielle. Plus exactement, l’État serait une construction consciente dans la mesure où il est le fruit de la volonté des hommes. Pour les tenants de cette théorie, une société véritablement juste – c’est-à-dire qui s’oppose à l’état de nature – ne peut effectivement naître que d’un contrat social, c’est-à-dire d’un accord de volonté des individus. L’État se présente ici, comme un phénomène reposant sur un accord de volonté entre les gouvernants et les gouvernés (pacte). Dès lors, c’est de leur plein gré que les individus se soumettent au pouvoir étatique. Il faut, par suite en déduire que l’État est créée par une décision des hommes qui le composent. En d’autres termes, la volonté exprimée par les hommes, qui est à la base du pacte social, est le fondement de l’État. Nb. : Si cette conception était déjà présente dans la philosophie grecque et, au Moyen-Âge, chez Saint Thomas D’AQUIN, elle se développe au XVIème siècle et trouve sa pleine expression dans les écrits des philosophes uploads/S4/ droit-constit-1-theories-generales-du-droit.pdf
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- Publié le Jan 20, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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