DROIT CONSTITUTIONNEL EKOMO Fabrice Docteur en Droit Public Enseignant-Chercheu
DROIT CONSTITUTIONNEL EKOMO Fabrice Docteur en Droit Public Enseignant-Chercheur en Droit IUSO INTRODUCTION : L histoire du droit constitutionnel est l histoire de l organisation des pouvoirs publics. Cette discipline s est d éveloppée beaucoup plus tard que les autres branches du droit et sa définition a fait l obj et d une controverse doctrinale qui, jusqu à prés ent demeure entière. D a près certains auteurs, lévolution rapide de cette discipline a rendu impossible une définition matérielle ou substantielle. Mais ceci n a p as empêché d’autres auteurs de proposer une certaine définition de la notion de droit constitutionnel. Selon le Doyen Georges VEDEL, le droit constitutionnel désigne une «branche fondamentale du droit public interne», c es t-à-dire un « droit de l État », qui a vu sa définition sélargir au fil du temps. Initialement, il était qualifié de «droit politique» parce qu il a p our objet d assu rer« lencadrement juridique des phénomènes politiques». Une définition plus générale est proposée par Jacques CADART: « lensemble des règles de droit qui détermine la composition, les mécanismes, et les compétences ou pouvoirs des organes supérieurs de l Etat: gou vernants et peuple». Pour dégager la signification profonde de cette définition, lauteur en précise l obj et voire même l obj et ultime du droit constitutionnel : « ces règles ont pour but(…) d assur er la suprématie du droit sur les gouvernants (Parlement, gouvernement, Chef de l’Etat et pouvoir juridictionnel) et même sur la majorité du peuple et, par la suite, de garantir la liberté: le règne du droit». Dès lors, le droit constitutionnel vise lencadrement juridique des acteurs, des pouvoirs et des normes politiques. En d a utres termes, le droit constitutionnel encadre les phénomènes politiques. Il n’y a pas que des règles, il y a aussi le fonctionnement des institutions, les mécanismes et procédures, l int erprétation donnée aux règles juridique. Le Professeur Marcel PRELOT propose quant à lui une acception synthétique aussi bien logique que pédagogique du droit constitutionnel qu il définit comme la science, l ensemble des règles, des juridiques, des institutions grâce auxquelles le pouvoir sétablit, sexerce et se transmet dans l État »1. Ainsi, le juridique et le politique coexistent au sein du droit constitutionnel. Cette définition proposée il y a un demi-siècle, est certes pertinente mais dépassée en raison de son objet restreint, de son approche institutionnelle. Elle a été renouvelée et elle repose sur un objet étendu et une approche normative. Il faut dire que la Constitution n est p as seulement « lespace où se déroule l a ction politique telle que le droit la met en forme», car elle est aussi «le lieu où sont fixées les conditions de création du droit». Enfin, il convient de noter que le développement contemporain de la justice constitutionnelle a fait surgir un champ nouveau. En effet, le droit constitutionnel est devenu une discipline opératoire grâce à la justice constitutionnelle. Le juge constitutionnel veille au respect des «normes dont la suprématie s impose à tous, y compris au législateur »2, le contrôle de la constitutionnalité des lois a fait entrer dans la discipline un troisième secteur: le domaine des libertés publiques et de la garantie des droits fondamentaux. Cette pluralité de points de vue a été synthétisée par le Doyen Louis FAVOREU quia défini le droit constitutionnel moderne par son triple objet: les institutions, le système normatif et la protection des libertés et droits fondamentaux. On distingue ainsi le droit constitutionnel classique et le droit constitutionnel contemporain. 1. Le droit constitutionnel classique Il s agit d un droit sans juge et d un droit non juridique, un droit dominé par la science politique qui avait un objet unique, un objet principal. En effet, pendant très longtemps la description des institutions et de leur pratique fut l objet essentiel du droit constitutionnel classique. Il se bornait à décrire et à étudier « les institutions grâce auxquelles le pouvoir s établit, s exerce et se transmet dans l Etat ». Cette « partie du droit public interne qui a trait à l organisation politique de l Éta t » était appréhendée essentiellement sous l angle des institutions, c est-à-dire comme un droit institutionnel. Un droit sans juge : Marcel PRELOT dans son cours de Droit parlementaire relève que « la jurisprudence constituait une source quasi absente » de cette branche du droit constitutionnel sous la IIIe et la IVe République ou encore dans les dix ou quinze premières années de la Ve République France. Toutefois, cette observation ne peut s étendre à l ensemble des Etats. Aux Etats-Unis, en Grande- 1PRÉLOT (M.), Précis de droit constitutionnel, 2e éd., Dalloz, 1952, p 32. 2 LUCHAIRE (F.), Un républicain au service de la République, Publications de la Sorbonne, Paris, 2005, p. 313. Bretagne ou encore en Allemagne après la Seconde guerre mondiale, on fait déjà appel à la jurisprudence qui occupe une place importante dans l étude du droit constitutionnel. Cette situation différente est inhérente à l histoire même de ces pays. En effet, pendant très longtemps en France, le principe de la souveraineté parlementaire a prévalu. Précisément, l'hostilité à la remise en cause de la loi trouvait sa source dans l'idée de la souveraineté du législateur, pratiquement omnipotent sous la IIIe République. Vue comme l'«expression de la volonté générale»3, la loi puisait sa force de la légitimité des auteurs et de la faiblesse de la Constitution. La formulation de l'article 91 de la Constitution de la Ve République est à cet égard particulièrement révélatrice. Selon ce texte, le Comité constitutionnel était tenu d'examiner si « les lois votées par l'Assemblée nationale supposent une révision de la Constitution» et non si le projet de loi est conforme à la Constitution. De toute évidence, la loi votée parle parlement était la norme la plus élevée dans l o rdre juridique. Autrement dit, son domaine est illimité et son contenu est incontestable devant le juge. C est ce qu on a appelé le légicentrisme. Le droit étatique est alors, par excellence, l’ uv re du législateur, traducteur unique de la volonté générale. Après la Seconde Guerre mondiale, le contenu du droit constitutionnel évolue sous l influ ence de la science politique. En particulier, il est soutenu que, si l on p eut étudier les régimes politiques en ne les abordant que du point de vue du droit, on ne peut les comprendre sans philosophie politique, sans interprétation de l’histoire des idées politiques, sans science politique, à laquelle le modèle anglo-saxon réserve une place d h onneur. Avant 1958 le contrôle de constitutionnalité était pratiquement inexistant, de sorte que l'introduction d'un véritable contrôle apriori, aussi limité soit-il, était symptomatique d'un changement majeur dans l'esprit du constituant. Le contrôle a priori s'est progressivement affirmé dans notre ordre juridique français et gabonais, grâce à l'audace4de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à l'extension du droit de saisine aux soixante députés et sénateurs. Le contrôle de constitutionnalité a posteriori, connu depuis plusieurs décennies dans certaines autres démocraties occidentales, restait perçu avec méfiance. Dans une contribution portant sur« la doctrine constitutionnelle et le constitutionnalisme français» parue en 1989, Yves POIMEUR et Dominique ROSENBERG s int errogeaient dans une perspective systémique, sur le fait de savoir si «la constitution-est-devenue le veau d or de la vie politique moderne et la doctrine son oracle», avant de constater que« notre époque est en effet celle du constitutionnalisme»5. 3Article 6 de la Déclaration des droits de l h omme et du citoyen du 26 août 1789 4Notamment, la Décision n°71-44DC du 16 juillet1971. Liberté d association ; Décision n°1/CC du 28 février 1992 de la Cour constitutionnelle relative à la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil national de la communication. 5«La doctrine constitutionnelle et le constitutionnalisme français», in Centre Universitaire de Recherches Administratives et Politiques de Picardie, Les usages sociaux du droit, Paris, PUF, 1989, pp. 230-251 Les libertés publiques ne sont rien moins que« la contribution à la garantie des droits du modèle républicain à la fin du XIXe siècle»6. La loi est le vecteur de leur consécration et de leur protection à une époque où elle jouit de l inf aillibilité5.La loiest aussicelle qui les rogne, les écarte voire les abolit ad personam7.Avec l int ermède funeste et dévastateur de Vichy, elles sont sérieusement affaiblies, le législateur ayant démontré qu il pouvait irrémédiablement mal faire. Est-ce une des raisons qui expliquent que, sur les cendres des destructions des hommes et des biens, la période d’après-guerre voit peu à peu modifier la donne de la protection des libertés en France et ailleurs? Sans nul doute. Les Constitutions prennent le dessus sur les lois et deviennent l a rchétype uploads/S4/ droit-constitutionnel-2019-2020 1 .pdf
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- Publié le Jan 30, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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