1 CAPAVOCAT DROIT INTERNATIONAL PRIVE CORRECTION DU DST n°1 du samedi 31 juille
1 CAPAVOCAT DROIT INTERNATIONAL PRIVE CORRECTION DU DST n°1 du samedi 31 juillet 2010 PROPOSITION DE CORRECTION POUR L’EXERCICE DE COMMENTAIRE Cass. civ. 1re, 7 mai 2010 Rendu le même jour que deux autres arrêts sur le même thème (pourvois n° 09- 11.177 et 09-14.324), l’arrêt soumis à commentaire devait vous inviter à réfléchir sur la délicate question de la qualification - spécialement des loteries publicitaires -, pour vous interroger ensuite plus précisément sur le bien-fondé d’un alignement de la Cour de cassation sur la position jurisprudentielle de la Cour de justice de Luxembourg sur le sujet et critiquer éventuellement une position qui ne va pas nécessairement de soi. Chose promise, chose due ? Tel est sans nul doute l’adage populaire qu’une Française a entendu rappeler à une entreprise belge dans l’arrêt soumis à commentaire. Les faits à l’origine de l’espèce étaient relativement simples et, pour tout dire, des plus banaux. À la suite d’une commande traitée en janvier 2003 par une société dont le siège social était établi en Belgique, une cliente a reçu différentes publicités de la part de cette dernière. Se considérant à la réception de l’une d’entre elles comme bénéficiaire d’une promesse de gain, la cliente a voulu obtenir le versement de la somme (d’un montant de 30.000 Euros) dont l’envoi lui avait été annoncé. Sa tentative se solda pourtant par un échec. C’est dans ces circonstances que la prétendue bénéficiaire de la promesse de gain assigna, en novembre 2006, la société belge précitée en paiement d’une somme de 30.000 Euros d’une part (équivalente au gain allégué comme promis) et d’une somme de 10.000 Euros d’autre part, au titre de dommages-intérêts pour le préjudice que lui aurait fait subir le refus du gain promis. La compétence de la juridiction de première instance pour connaître de cette demande ayant été contestée, la Cour d’appel de Riom fut saisie par voie de contredit. Par arrêt du 9 avril 2008, cette juridiction a jugé que le tribunal de grande instance de Montluçon était compétent pour statuer sur la demande formée par la prétendue bénéficiaire de la promesse. Infirmant en cela la décision rendue en première instance, l’arrêt rendu par la Cour de Riom s’exposait à la critique de la société belge promettante, laquelle forma un pourvoi en cassation. De nature transfrontalière et entièrement situé sur le territoire d’États membres de l’Union européenne, le litige qu’a eu à connaître la Cour de cassation s’inscrivait juridiquement dans le cadre du Règlement dit de “Bruxelles I”. En sa qualité de juge de droit commun du droit de l’Union, la Haute juridiction était donc appelée à se prononcer sur le point de savoir si la loterie publicitaire à l’origine d’un litige entre un particulier français et une société belge, relevait ou non des règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs. À cette question, la Cour de cassation a répondu de manière affirmative. Elle approuve en effet la Cour d’appel d’avoir “justement déduit que Madame Trubert, en sa qualité de consommateur, pouvait saisir le tribunal de son domicile en application des articles 15 et 16 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I)”, après avoir “relevé qu’il ressortait du dossier que Mme Trubert avait commandé des marchandises proposées par la société Duchesne en envoyant un bon de commande et en respectant scrupuleusement les 2 conditions fixées par l’expéditeur [et] que la commande avait été traitée le 10 janvier 2003 par la société qui avait ainsi manifesté l’acceptation de la proposition”. Par cet arrêt - promis à une très large publicité (P+B+R+I) -, la Cour régulatrice française paraît donc devoir pleinement s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative au contentieux interétatique des loteries publicitaires. Cet alignement semble plus précisément pouvoir être observé en premier lieu au stade de la qualification (I), en second lieu à celui de l’application des règles de compétence spécialement protectrices du consommateur du règlement “Bruxelles I” (II). I. La qualification des loteries publicitaires Conformément à sa qualité de juge de droit commun du droit de l’Union, la Cour de cassation a rejeté pour le contentieux interétatique des loteries publicitaires la qualification lege fori (A) pour adopter celle retenue de façon autonome par la Cour de justice de l’Union européenne (B). A. Le rejet de la qualification lege fori La question de la qualification est sans nul doute l’une des plus complexes du droit international privé, qu’il soit au demeurant de source européenne ou étatique. La difficulté d’une telle opération pour le juge est particulièrement accrue lorsque ce dernier est invité, comme en l’espèce, à qualifier juridiquement une loterie publicitaire (ou promesse de gain fallacieuse) dans une perspective de détermination des règles permettant la désignation du juge compétent. Lorsqu’un particulier reçoit en effet d’une société de vente par correspondance une annonce lui laissant croire qu’il est l’heureux gagnant d’un lot (le plus souvent, une somme d’argent) qui, une fois réclamé, se révèle n’être qu’une chimère, quelle qualification donner à une telle situation ? S’agit-il d’un engagement unilatéral de volonté ? D’un contrat ? D’un délit ? En droit interne français, la Cour de cassation, après être passée respectivement par les trois catégories précitées (v. not. Cass. civ. 1re, 28 mars 1995, n° 93- 12.678, Bull. civ. I, n° 150, p. 106 [engagement unilatéral de volonté] ; Cass. civ. 2e, 11 février 1998, n° 96-12.075, Bull. civ. II, n° 55, p. 34 [contrat] ; Cass. civ. 1re, 19 oct. 1999, n° 97-10.570, Bull. civ. I, n° 289, p. 188 [délit]), a finalement décidé d’inscrire les loteries publicitaires dans la catégorie des quasi-contrats visés par l’article 1371 du Code civil (Cass. Ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-22.981, Bull. Mixte, n° 4, p. 9 ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, 12e éd., 2008, n° 242). Sur le plan international, la difficulté qu’engendre une telle qualification pour la détermination des règles de compétence juridictionnelle applicables est très nette. En effet, à suivre les préceptes énoncés de façon générale par l’arrêt Scheffel, “la compétence internationale [des juridictions françaises] se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne” (Cass. civ. 1re, 30 octobre 1962, GAJFDIP, n° 37 ; en ce sens, v. déjà Cass. civ., 19 oct. 1959, Pelassa, D., jur., 1960.37, note G. HOLLEAUX ; Rev. crit. DIP, 1960.215, note Y. L.). Aussi est-ce en contemplation des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 42 du Code de procédure civile (“La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur”) ou de celles de l’article 46 du même Code (“Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction où demeure le défendeur : - en matière contractuelle, la juridiction du lieu de livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ; - en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble […]”) que la détermination des 3 règles permettant la désignation du juge internationalement compétent pour connaître d’un contentieux portant sur une loterie publicitaire devrait être faite. Or, à lire les dispositions de l’article 46 CPC, il n’est pas certain que la qualification de quasi-contrat retenue pour les loteries publicitaires en autorise la mise en œuvre. La Cour de cassation en a d’ailleurs décidé ainsi dans le cadre d’un litige de droit interne, en jugeant que “les options de compétence territoriale ouvertes au demandeur par l’article 46 du nouveau code de procédure civile sont d’interprétation stricte et ne s’appliquent pas aux actions fondées sur un quasi-contrat” (Cass. civ. 2e, 7 juin 2006, n° 04-20.316, Bull. civ. II, n° 149, p. 143 ; du même jour, v. aussi n° 05-18.614, Inédit). Ainsi, “en application du principe qui étend à l’ordre international les règles internes de compétence” (Cass. civ. 1re, 13 janv. 1981, Dame de Bendern, n° 79-10.693, Bull. civ. I, n° 11) et par recours subséquent aux dispositions de l’article 42 CPC, il semblerait que le juge internationalement compétent pour connaître d’une demande relative à une loterie publicitaire ne puisse être, en principe et du seul point de vue des juridictions françaises, que le juge du lieu où demeure le défendeur. En désignant pourtant comme compétent le juge du domicile de la bénéficiaire de la promesse de gain, la Cour de cassation a donc rejeté sa propre qualification des loteries publicitaires au profit de celle, autonome, retenue par la Cour de justice de l’Union européenne. Cette position s’explique parfaitement, au regard de l’incontestable applicabilité du Règlement de l’Union n° 44/2001, dit de “Bruxelles I”, à l’espèce en cause. B. L’adoption de la qualification autonome du droit de l’Union L’applicabilité du Règlement n° 44/2001 à un litige quelconque emporte-t-elle automatiquement l’obligation pour le juge interne de retenir, au stade de l’application de cet instrument, une interprétation (ou qualification) autonome, indépendante de celle qui aurait déjà pu être dégagée dans son propre système national ? uploads/S4/ dst-1-dip-2010-corrige.pdf
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- Publié le Nov 29, 2022
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