Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh L'alliage entre le droit positif et le droit musulma
Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh L'alliage entre le droit positif et le droit musulman dans les pays arabes, notamment en Égypte Introduction ............................................................................................................... 3 1. La place du droit musulman en Égypte ............................................................. 3 1.1. Dieu est le législateur .................................................................................... 3 1.2. Rôle marginal du droit musulman ................................................................. 4 2. Alliage entre le droit positif et le droit musulman en droit pénal ................... 4 2.1. Les normes pénales islamiques ...................................................................... 5 2.2. Application limitée des normes pénales islamiques en état d’hibernation .... 6 3. Alliage entre le droit positif et le droit musulman en droit de la famille et des successions ........................................................................................................... 7 3.1. Système de la personnalité des lois ............................................................... 7 3.2. Réduction progressive de la portée de la personnalité des lois .................... 8 3.3. Problèmes posés par le système de la personnalité des lois aux droits de l'homme .................................................................................................................. 9 4. Alliage entre le droit positif et le droit musulman dans le Code civil ........... 10 4.1. L'élaboration du Code civil entre contraintes occidentales et opposition islamiste ............................................................................................................... 11 4.2. Manœuvres pour satisfaire les Occidentaux et les islamistes .................... 11 4.3. Mention du droit musulman comme source du droit en cas de lacune ...... 12 4.4. Maintien de normes suspectées d’être contraires au droit musulman ....... 13 5. Arguments des islamistes et contre-arguments de la Cour constitutionnelle .................................................................................................................................. 14 6. Arguments développés par les libéraux face aux islamistes .......................... 16 6.1. Couper le Coran en deux ............................................................................. 16 6.2. Se limiter au Coran et rejeter la Sunnah ..................................................... 17 6.3. Distinguer entre la Shari'ah et le Fiqh ........................................................ 17 6.4. Mettre les normes musulmanes dans leur contexte historique .................... 18 6.5. Désacraliser les normes religieuses et recourir au critère de l'intérêt ....... 18 6.6. Recourir à la théorie islamique des «intérêts indéterminés» ...................... 19 6.7. Faire vibrer la fibre nationaliste ................................................................. 19 6.8. Recourir à la ruse des termes ...................................................................... 19 6.9. Rapprocher entre une institution interdite et une institution autorisée ....... 20 Conclusion ............................................................................................................... 22 Introduction Trois définitions s’imposent pour clarifier le titre. Le droit positif désigne le droit en vigueur dans un État ou dans un ensemble d'États. Le droit musulman, c'est le droit qui a été développé par les juristes musulmans classiques sur la base de deux sources appartenant au septième siècle: le Coran et la Sunnah (tradition) de Mahomet (décédé en 632). L’ingénierie de l'alliage entre le droit positif et le droit musulman désigne les méthodes utilisées pour faire cohabiter le droit positif et le droit musulman, plus spécifiquement dans un pays comme l’Égypte.1 Après un survol rapide de la place qu'occupe le droit musulman en Égypte (1), nous verrons comment le législateur égyptien allie le droit positif au droit musulman dans les domaines du droit pénal (2), du droit de la famille et des successions (3) et du droit civil (4). Nous examinerons ensuite l’argumentaire développé par la Cour constitutionnelle (5) et les libéraux musulmans pour contrer les islamistes (6). 1. La place du droit musulman en Égypte En Égypte, comme dans les autres pays arabes, prévaut une situation juridique conflictuelle. D’un côté, les universités et les mosquées professent que Dieu est le législateur (musharri'), et que le droit musulman (shari'ah) doit prévaloir. De l'autre côté, il y a le droit étatique, enseigné parallèlement au droit musulman, qui tient rarement compte de ce dernier. Voyons ces deux points. 1.1. Dieu est le législateur La religion musulmane proclame la soumission à la volonté de Dieu telle qu'exprimée dans le Coran et la Sunnah de Mahomet, dans tous les aspects de la vie. Le Coran exige non seulement des musulmans, mais aussi des juifs et des chrétiens, d'appliquer les lois contenues dans leurs livres sacrés respectifs, qualifiant de mécréants, d'injustes et de pervers ceux qui ne les appliquent pas (Coran 5:42-50; voir aussi 4:59; 6:57; 33:36; 24:51). En langue arabe, le terme législateur (al-musharri') désigne toujours Dieu. Al- Hallaf écrit: «Les savants religieux musulmans reconnaissent unanimement que le Législateur suprême est Dieu. C'est lui qui est la source des prescriptions, qu'elles soient énoncées explicitement dans les textes révélés à ses prophètes et, notamment à Mahomet, ou que les savants religieux les 1 L'Égypte sert souvent de modèle législatif aux pays arabes. Elle est aussi la référence en matière religieuse en raison de la présence de l'Azhar, le centre islamique le plus important du monde musulman sunnite. Enfin, elle est la patrie des Frères musulmans, le principal mouvement islamiste dans le monde arabo-musulman. en extraient ou les en déduisent par analogie».2 L'homme ne peut à cet égard intervenir dans le processus législatif que pour combler les lacunes de la loi divine, pour l'interpréter ou pour en déduire par analogie des normes visant à régir des situations qui ne sont pas expressément prévues par cette loi.3 Cette conception musulmane de la loi contraste avec celle prônée par le jurisconsulte romain Gaius (décédé vers 180) selon lequel la loi est «ce que le peuple prescrit et établit» (Lex est quod populus iubet atque constituit)4 et qui est à la base du système démocratique moderne. 1.2. Rôle marginal du droit musulman Les constitutions des pays arabes, à l'exception de celles du Liban et de la Syrie, indiquent l'Islam comme religion d'État, et la plupart d'entre elles ajoutent que le droit musulman ou les principes du droit musulman constituent une source principale, voire la source principale du droit. En Égypte, l'article 2 de la constitution disposait initialement: «L'Islam est la religion d'État. Les principes du droit musulman sont une source principale de législation». En 1980, la dernière partie de cet article a été amendée pour devenir: «Les principes du droit musulman sont la source principale de législation». Malgré ces affirmations, le système juridique de l'Égypte, comme de la plupart des pays arabes, comporte des lois inspirées prin- cipalement par le droit occidental, à commencer par la constitution elle- même, le code civil, le code pénal, le code de procédure civile et pénale, le droit administratif, etc. Ces pays n'ont gardé les normes musulmanes que dans le domaine du statut personnel et, pour certains, du droit pénal comme c'est le cas en Arabie saoudite. Cette situation dichotomique crée des tensions en Égypte, comme dans les autres pays arabes, entre ceux qui souhaitent un retour pur et simple au droit musulman, ceux qui veulent le maintien du statu quo et ceux qui veulent évacuer les normes musulmanes restantes entrant en conflit avec les droits de l'homme. Nous verrons dans les points suivants comment s’effectue l'alliage entre le droit positif et le droit musulman, en commençant par le droit pénal. 2. Alliage entre le droit positif et le droit musulman en droit pénal Aujourd'hui, les critiques des organisations internationales et non- gouvernementales portent surtout sur l'application des normes islamiques en 2 AL-HALLAF, A., Les fondements du droit musulman, Al-Qalam, Paris, 1997, p. 145. 3 Ibid., p. 333; HASAB-ALLAH, A., Usul al-tashri' al-islami, Dar al-ma'arif, Le Caire, 1985, p. 97-80. 4 GAIUS, Institutes, texte établi et traduit par Julien Reinach, 2e tirage, Les Belles Lettres, Paris, 1965, par. I.3. matière de droit pénal.5 Nous présentons ici sommairement ces normes avant de voir comment s’effectue l’alliage entre elles et le droit positif en Égypte. 2.1. Les normes pénales islamiques Le droit musulman distingue entre deux catégories de délits:6 – Les délits punis de peines fixes (had, pl. hudud) prévus par le Coran ou la Sunnah de Mahomet. Cette notion est reprise du Coran qui parle de bornes infranchissables: «Voilà les bornes (hudud) de Dieu. Ne les transgressez donc pas. Quiconque transgresse les bornes de Dieu, ceux-là sont les oppresseurs» (2:229). Cette catégorie regroupe les délits suivants: le vol, le brigandage, l'insurrection armée, l'adultère, l'accusation d'adultère, l'usage de boissons fermentées, l'apostasie et l'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique. Les peines prévues pour ces délits sont appliquées à des conditions strictes. Dès lors que ces conditions sont remplies, le coupable ne peut être gracié (remise de la peine, totalement ou partiellement ou sa commutation en une peine plus douce).7 – Les délits punis de peines discrétionnaires (ta'zir). Cette catégorie comprend les délits susmentionnés dont une des conditions vient à manquer, ainsi que ceux qui ne sont pas prévus dans la première catégorie. Quant aux sanctions, celles qui sont les plus critiquées sont: – La peine de mort: cette sanction est prévue pour les délits suivants: l'homicide volontaire en application de la loi du talion (Coran 2:178; 5:32 et 45; et 17:33); le brigandage et l'insurrection armée (Coran 5:33-34); l'apostasie et l'adultère. La peine de mort pour ces deux derniers délits est prévue non pas par le Coran, mais par la Sunnah. La peine de mort pour adultère est exécutée par lapidation. – L'amputation d'un membre: le Coran prévoit cette sanction en vertu de l'application de la loi du talion – œil pour œil, dent pour dent, etc. (Coran 2:178 et 5:45), pour le délit de brigandage et d'insurrection (Coran 5:33), et pour le vol (Coran 5:38). 5 Voir notamment le rapport d'Amnesty International de 2008 dans son site http://thereport. amnesty.org/r%e9gions/moyen-orient-et-afrique-du-nord (7.6.2008). 6 Sur les normes pénales uploads/S4/ french-alliage-entre-le-droit-positif-et-le-droit-musulman-dans-les-pays-arabes.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Ub2JA0kjVLJra9ftGDeHe6jCsZ78BJHBjlskBL9iAeYQB3UAavyyFIaCwLfJYCuboF1sOT011DU9UJrWb0Ll11Aj.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/76nFKVEsHI9S6sohaEIQJEtbT4lBRf4JpBu1IFT3U3CFhidQvI5905gU8Z03KgscgcLzSPgKsXxHmqfzcLExSeCg.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/wCjztB1V0UwfZer4YIUcCs2yfoURlTmtkZ9teOj3REwa1ntQ8JyVbcQoKqSqoR61URAFFUvKD1a2tFMMFiHTYPU5.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/vamPOFJHK2hKtAH8Nb0NIWwBFMQ5hiibAL3F7hHMvaHYtt4ewPQzdx4wdETkKRKqYPKXXAye6h2Aeb4OG5fWjG9L.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/WGYYd5nXJzrhXloGJp2S6FmJ2Ktla05SOBKonUSA1BGm9i5mTn9YtpBbwne72x0AbflOMhHXQkkCuiq74B18zkRj.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/QlRDMmqZr8LniVKcPWS7XCwSz124eJJdz9WUULIWrYPN6FCGVzsDgAFRt6XXbOmhu7Wa7LMX2zHQ62u0wzJFZsgH.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/4KYd7BA9tmLxShgZWKonYE48KrIOKvnoYDjkOQfzVZgBL2JLFjv4TQZpwbY1WAADOrjJwzxrpSr0sSwpzqLEKR0O.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/wNuGjSMLRmKkexIZkPoiJvLdOB2SrVxauyqKL23PWWmgbrq1dXxzo1cxdN05H8vHXeeyMF0bQwvYm39hbRMNaN6p.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/kIss9YQXwuMETNinJv53H90z2tZ8fHPIKFayVtmInhPMA6LnhZzF4oWvsqWM1p1KiU7veKVJfosnOfoyFseTzn5B.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/S2b3Qc9oAi5v52Z3RnSZIww9FzKTXNZXFxdmPjKd3gMtbgfhSUW6y4BlRZGAjma15aJynDy1fJTgmmRabflxAPo2.png)
-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.2535MB