L'ordination de l'esclave à Byzance : droit officiel et conceptions populaires

L'ordination de l'esclave à Byzance : droit officiel et conceptions populaires Author(s): Stavros Perentidis Source: Revue historique de droit français et étranger (1922-) , avril-juin 1981, Quatrième série, Vol. 59, No. 2 (avril-juin 1981), pp. 231-248 Published by: Editions Dalloz Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43846608 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue historique de droit français et étranger (1922-) This content downloaded from 89.136.148.54 on Tue, 09 Feb 2021 13:32:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms VARIÉTÉS L'ordination de l'esclave à Byzance : droit officiel et conceptions populaires1 Résumé. - L'examen de la question de l'ordination d'un esclave nous révèle un des aspects du pluralisme juridique à Byzance : nous constatons d'abord que, sous l'influence d'un esprit favorable aux esclaves et aux affranchissements, la disposition du 82e canon des Apôtres n'était pas toujours respectée et, d'autre part, il est très probable que, dans les conceptions populaires, l'ordination d'un esclave, tout comme sa participation aux sacrements de l'Eglise, produisait ipso facto son affranchissement. Ceci se laisse entrevoir dans l'analyse de certains textes législatifs et dans l'interprétation de documents de l'époque. L'étude de l'ordination d'un esclave d'après le droit byzantin ne pré- senterait aucun intérêt si on se limitait au cadre d'une explication du 82e canon des Apôtres, qui semble régler cette question d'une façon définitive 2. Notre but est de montrer d'une part que, sous l'influence d'une tendance qui favorisait les affranchissements, cette disposition canonique ne semble pas avoir été respectée dans la pratique, et d'autre 1. Cet article reprend le texte d'une communication présentée le 18 septembre 1980, au sein de la 34e session de la Société internationale Fernand de Visscher pour l'histoire des droits de l'Antiquité (S.I.D.A.), dont le sujet général était L'esclavage et les formes de dépendance. Je le dédie à Joseph Modrzejewski. Je remercie également Mlle J. Turlan, professeur à l'Université de Paris 2, qui a bien voulu revoir mon texte. 2. Voir la traduction française de ce canon, plus bas, dans la partie intitulee Les textes juridiques sur l'ordination d'un esclave. Ce même canon est désigné dans certains recueils canoniques, surtout en Occident, comme 81e canon des Apôtres. 231 This content downloaded from 89.136.148.54 on Tue, 09 Feb 2021 13:32:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Gtavros Perentidis part que l'Eglise byzantine n'a pas oublié de l'invoquer et de demander son application, quand elle l'a jugé nécessaire. Autrement dit, nous nous trouvons ici devant deux tendances : l'une s'opposant à l'esprit qui a dicté le principe adopté par le 82' canon des Apôtres, et l'autre repré- sentant l'esprit conservateur, qui essayait de maintenir en vigueur une règle canonique contraire aux conceptions populaires des époques tar- dives 3. Mais essayons tout d'abord de situer ces deux courants à l'intérieur de l'Eglise byzantine 4 : rappelons-nous qu'à l'origine de la solution adoptée par le 82e canon des Apôtres, se trouve la doctrine de saint Paul, qui ne s'est pas prononcé contre l'institution de l'esclavage, en incitant d'une part les esclaves à l'obéissance envers leurs maîtres 5? et en recom- 3. L'étude du pluralisme juridique à Byzance a été inaugurée vers la fin du siècle dernier par L. Mitteis, Reichsrecht und Volksrecht in den östlichen Provin- zen des römischen Kaiserreichs, Leipzig, 1891. Une série de travaux, qui a inscrit la réalité pluraliste du droit byzantin dans l'optique moderne de la sociologie juridique, est donnée par notre maître, Georges Michaélidès-Nouaros, que nous remercions ici pour ses savants conseils au cours de la préparation de ce travail. Voir donc, G. Michaélidès-Nouaros, Contribution à l'étude des pactes succes- soraux en droit byzantin , Paris, 1937; Idem, « Peri tês adelphopoïias en te archaia Helladi kai en tô Byzantiô », Tomos Kônstantinou Harmenopoulou, Salonique, 1952, p. 251 sq., repris dans son recueil Dikaion kai Koinônikè Syneidêsis, Athènes, 1972; Idem, « Les idées philosophiques de Léon le Sage sur les limites du pouvoir législatif et envers les coutumes », Mnêmosynon P. Bizoukidou, Salo- nique, 1960, p. 27 sq., et en grec dans Dikaion kai Koinônikè Syneidêsis; et en dernier lieu, « Quelques remarques sur le pluralisme juridique à Byzance », Byzantina, 9, 1977, p. 421 sq. Voir également, N. Pantazopoulos, Apo tês « logias » paradoseôs eis ton Astikon Kôdikaf Salonique, 19652. Aussi D. Simon, ì Rechtsfindung am byzantinischen Reichsgericht , Frankfurt a. M., 1973, sur le rôle du juge comme agent de ce pluralisme. Pour le droit canonique byzantin, A. Christophilopoulos, Themata Byzantinoii Ekklêsiastikou Dikaiou, Athènes, 1957. Certains aspects particuliers se relèvent dans l'étude de W. Wolska-Conus, « L'Ecole de droit et l'enseignement du droit à Byzance au xie siècle : Xiphilin et Psellos »,• Travaux et Mémoires , 7, 1979, p. 1 sq. Sur la définition des termes « Reichsrecht », « Volksrecht » et « Vulgarrecht », voir la critique de J. Gau- demet, La formation du droit séculier et du droit de l'Eglise aux IVe et Ve siècles , Paris, 19792, p. 122 sq. Voir aussi D. Simon, « Provinzialrecht und Volksrecht », Fontes Minores I (Forschungen zur Byzantinischen Rechtsgeschichte), Frankfurt a. M., 1976, p. 102 sq. Bien entendu cette liste bibliographique ne peut pas être exhaustive. 4. Il n est pas possible de tracer ici en quelques lignes la position de l'Eglise byzantine face à l'esclavage. Nous nous contenterons de renvoyer à H. Köpstein, Zur Sklaverei im ausgehenden Byzanz, Berlin, 1966 (Berliner Byzant. Arbeiten 34), qui y donne une présentation critique de toute la bibliographie antérieure à son ouvrage. Il faut y ajouter une étude d'ensemble : Ch. Verlinden, L'Escla- vage dans l'Europe médiévale , t. 2 /II : « Colonies italiennes du Levant, Levant latin, Empire byzantin », Gand, 1977, et plusieurs autres articles sur divers aspects de l'esclavage à Byzance. Nous avons également pu bénéficier du texte inédit de la communication (au même Congrès) de J. de Churruca, L'anathème du concile de Gangres contre ceux qui enseignent aux esclaves à quitter leurs maîtres , ainsi que des réflexions tirées de la communication de P. Pieler, Skla- verei in Byzanz , également non publiée. 5. / à Timoth. 6. 1. 232 This content downloaded from 89.136.148.54 on Tue, 09 Feb 2021 13:32:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms L'ordination cle l'esclave à Byzance mandant à ces derniers d'être justes avec leurs esclaves. Ils ont eux aussi « un Maître dans le ciel » 6. Le pouvoir et l'autorité du maître sur son esclave ne sont donc nullement contestés par saint Paul, et ceci notam- ment dans son Epître à Philemon, qui constitue le fondement doctrinal de la disposition canonique mentionnée, comme nous le verrons plus bas 7. Pour conclure rapidement sur la position du Nouveau Testament par rapport à l'esclavage, nous rappellerons que l'Eglise des origines reconnaissait l'institution et ne s'est pas prononcée pour son abolition 8. Quant à l'Eglise du ivrt siècle, sa position est tout à fait différente : la polémique des Pères de ce temps marque d'une façon décisive l'esprit de l'époque, qui devient continuellement de plus en plus favorable à l'amélioration de la condition des esclaves et aux affranchissements, même si elle ne parvient pas à abolir l'esclavage 9. L'influence de ce courant aux époques ultérieures se confirme, entre autres, par la présence dans le texte des actes privés d'affranchissement d'une idée de l'époque, exprimée par saint Jean Chrysostome 10 dans la phrase suivante : « Il n'y avait pas d'esclaves à l'origine; Dieu, en créant l'homme, ne l'a pas fait esclave, mais libre »11. Ce courant marque à travers le temps les conceptions populaires, qui deviennent ainsi différentes par rapport à l'esprit et à la doctrine de l'époque ancienne, ce qui est manifesté dans un texte tardif inédit 12, le Discours X du pseudo-Syméon le Nouveau Théologien 13 (xie/xiie s. ?), qui condamne l'esclavage considérant que 6. Coloss. 4, 1; voir aussi Ephes. 6, 8 et Galai. 3, 28. 7. Infra, I : Les textes juridiques sur l ordination d un esclave. o. Sur le sens ambigu ae la citation / a Korintu. /, z i, ci. r. boumis, « ne apeleutherôsis ton doulôn - Symbole tôn hierôn kanonôn eis tèn herm chôriou I Corinth. 7, 21 », Annuaire scientifique de la Faculté de Théologie de l'Université d'Athènes , 24, 1980. 9. Pour le Bas-Empire, cf. J. Gaudemet, Les institutions de l'Antiquité, Paris, 1967, p. 716 sq. Plus amplement, J. Dutilleul, s.v. « Esclavage », Dictionnaire de Théologie catholique ; P. Dimitropoulos, s.v. « Douleia », Thrêskeutikè kai Ethikè Egky klop aid eia; R. Naz, s.v. « Esclave », Dictionnaire de Droit canonique. 10. Homélie XXII, Sur l'Epître aux Ephésiens, dans Migne, P.G. 62, col. 155 sq. 11. Voir un premier acte uploads/S4/ l-x27-ordination-de-l-x27-esclave-a-byzance-droit-officiel-et-conceptions-populaires.pdf

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  • Publié le Apv 21, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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