Droit Administratif – Cours 3 Toute l’histoire de la grande « querelle » entre

Droit Administratif – Cours 3 Toute l’histoire de la grande « querelle » entre Corniou et Dudit, l’école de la puissance publique et l’école du service public prouve l’impossibilité de trouver un critère unique totalement englobant du Droit Administratif. Le seul moyen de le justifier est donc de revenir à l’Histoire : produit du hasard, il a reçu ensuite une justification juridique puis une consécration juridique. I. Une naissance de hasard Il faut revenir à la fin de l’Ancien Régime. Le Roi concentre alors les trois pouvoirs qu’il applique parfois par délégation. Ainsi, l’appareil judiciaire complexe s’exprime par les parlements et parmi eux, le Parlement de Paris se charge de « l’enregistrement » (validation) des actes du Roi. Cette charge a pour effet de contrôler que le Roi n’outrepasse pas ses pouvoirs, ne va pas contre le droit coutumier (inaliénabilité du domaine royal, catholicité). Peu avant 1789, il va y avoir une opposition entre les parlements et le pouvoir royal. Louis XV et Louis XVI avaient tenté d’amorcer des réformes du structure, se heurtant à l’opposition des parlements qui rendaient les décisions royales inapplicables en refusant de les enregistrer : ils prétendent pouvoir contrôler les actes de l’administration. Avec la Révolution, les fondements même du pouvoir vont se voir réorganisés. Les constituants cherchent à ne pas remettre en place un système où le pouvoir judiciaire ne peut s’immiscer dans les affaires de l’Administration, en souvenir du blocage précédent. La loi des 16 et 24 août 1790 va décliner le principe de séparation des pouvoirs en un autre principe : celui de la séparation des autorités administratives et judiciaires. L’art. 13 de cette loi spécifie que : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. » Le décret du 16 fructidor an III (1795) réitère que « défense itérative est faite aux tribunaux administratifs que de s’immiscer dans les affaires de la justice ». Echappe au juge judiciaire tout litige qui mettrait en cause l’administration ou un administrateur à raison de l’exercice de ses fonctions. La Constitution de l’an VIII de Bonaparte va par hasard, au détour d’un article, créer la juridiction administrative. Elle crée en effet le conseil d’Etat (corps de conseil juridique du gouvernement) et lui donner compétence pour « régler les différents qui s’élèvent en matière administrative ». L’exécutif est doté d’un organe de contrôle. En 1806, est créée la Commission du contentieux, au sein du Conseil d’Etat. Pendant plus de 60 ans, néanmoins, c’est le ministre qui prendra, en matière judiciaire, la décision finale. Il confie néanmoins l’étude du dossier au CE et l’habitude va se prendre qu’il suive perpétuellement l’avis du CE. La théorie du ministre-juge domine néanmoins jusque là. II. La consécration politique du droit administratif Avec la IIIe République : Loi du 24 mai 1872 : il consacre pleinement dans le cadre de la IIIe République la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaire mais reconnaît du même coup au conseil d’Etat le rôle de « juridiction administrative » à part entière. C’est l’article 7 : « le CE statue souverainement sur les recours en matière contentieuse et administratives et sur les demandes en annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives » Le CE est désormais juge par délégation : on passe de la justice retenue (par le ministre) à la justice déléguée. La théorie du ministre-juge persiste encore quelques temps… mais le CE va mettre fin à cette théorie par l’arrêt Cadot (1889). Le juge du Conseil d’Etat applique désormais ses fonctions dans la plénitude du modèle juridictionnel. L’arrêt Blanco (TC, 1873) met en cause qu’en cas de responsabilité de l’administration, la responsabilité de l’Etat n’est ni générale, ni absolue. Cette responsabilité n’est pas régie par les règles du code Civil. Cet arrêt est donc fondateur du droit administratif moderne. A partir de là, c’est le juge administratif qui va inventer, au fur et à mesure des arrêts rendus, la structure du droit administratif : c’est la grande époque du pouvoir créateur prétorien. III. La consécration juridique du dualisme En France, il y a un double dualisme : juridique et juridictionnel. L’article de Yann Aguila (infra) montre qu’il y a plusieurs modèles d’organisation juridictionnelle. Le choix du dualisme juridictionnel est majoritaire en Europe, avec des modalités différentes pour l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne. Il y avait, auprès de chaque préfecture, un « conseil de préfecture », sorte de représentant du CE, qui avait des prérogatives spéciales en matière de travaux publics (et de litige dans ce domaine) sous réserve d’appel devant le conseil d’Etat. L’Histoire de l’administration au XXe siècle est un rapprochement progressif au système judiciaire. La loi du 31 décembre 1953 : institution des tribunaux administratifs. Le conseil d’Etat devient alors juge d’appel de ces tribunaux mais reste également juge en premier et dernier ressort pour un certain nombre de litiges. La loi du 31 décembre 1987 : création entre les tribunaux administratifs et le conseil d’Etat des cours administratives d’appel. Le CE devient alors un juge de cassation des jugements rendus par les cours d’appel. Deux décisions du conseil constitutionnel vont instituer constitutionnellement cet ordre : - 1980, Validation des actes administratifs dans laquelle le Conseil Constitutionnel va reconnaître qu’il existe un principe constitutionnel d’indépendance de la juridiction administrative. - Décision du 23 janvier 1987 : Décision conseil de la concurrence, le Conseil Constitutionnel y reconnaît le bloc de compétence (au niveau constitutionnel) de la juridiction administrative. « Conformément à la conception française de séparation des pouvoirs figure, au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, celui selon lequel à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, les collectivités territoriales de la république ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». C’est la reconnaissance, sur le plan constitutionnel, des deux blocs de compétence. Deux grandes réformes sont intervenues après la création des cours administratives d’appel : en 2000 (introduction du référé d’urgence dans le contentieux administrative) et en 2002 (le Code de la Justice Administrative). La réforme constitutionnelle de 2008 introduit dans la Constitution un nouvel article 61-1 qui introduit une nouvelle procédure de contrôle de la Constitutionnalité des lois par la Question prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Cette juridiction administrative né par le hasard du calendrier révolutionnaire est désormais inscrite dans le marbre de la constitution du 4 octobre 1958. uploads/S4/ histoire-de-la-creation-du-droit-administratif.pdf

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  • Publié le Sep 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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