Regard circulaire sur le droit du bail commercial _____________________________

Regard circulaire sur le droit du bail commercial _______________________________________________________________________ par François Knoepfler, avocat, professeur à l’Université de Neuchâtel et Pierre-Emmanuel Ruedin, avocat, assistant à l’Université de Neuchâtel Sommaire Page I. Introduction 3 II. Les règles applicables en matière de bail commercial 3 III. La notion de bail commercial 4 a) La notion de local 4 b) La notion d’activité commerciale 5 c) Casuistique 7 d) Cas particuliers 8 e) Appréciation critique 10 IV. Les contrats mixtes et l’utilisation mixte des locaux 11 a) Les contrats mixtes 11 b) L’utilisation mixte des locaux 12 V. Délimitation par rapport à d’autres contrats 13 a) Contrat de bail à loyer d’habitations 13 b) Contrat de bail à ferme (art. 275 ss CO) 13 c) Contrat de prêt (art. 305 ss CO) 16 d) Contrat de dépôt (art. 472 ss CO) 16 e) Contrat de vente (art. 184 ss CO) 16 f) Droits réels limités 16 VI. La forme du contrat 16 VII. Les parties au contrat 18 a) Le bailleur 18 13e Séminaire sur le droit du bail Neuchâtel 2004 Regard circulaire sur le droit du bail commercial Page 2 b) Le locataire 18 VIII. Le loyer 19 a) Les loyers indexés (art. 269b CO) 19 b) Les loyers échelonnés (art. 269c CO) 20 c) Les loyers liés au chiffre d’affaires 21 IX. Les vices du contrat 22 a) La nullité (art. 20 CO) 22 b) La lésion (art. 21 CO) 23 c) Les vices du consentement (art. 23-31 CO) 23 X. L’interdiction des transactions couplées (art. 254 CO) 23 XI. Les obligations du locataire 24 a) L’obligation de fournir des sûretés 24 b) L’obligation d’utiliser la chose conformément à l’utilisation convenue 24 c) Le devoir de diligence 25 d) L’obligation d’exploiter 25 e) L'obligation de non-concurrence 27 f) Autres obligations du locataire 27 XII. Les défauts de la chose louée 28 a) Les défauts de la chose elle-même 28 b) Les défauts liés au voisinage 29 XIII. Le droit de rétention du bailleur (art. 268-268b CO) 30 XIV. Le transfert du bail (art. 263 CO) 32 a) La nature de l’art. 263 CO 33 b) Le consentement du bailleur 33 c) Les justes motifs 33 XV. La fin du contrat 34 XVI. Les autorités compétentes en cas de litige 35 a) Les autorités judiciaires 35 b) L'arbitrage 36 13e Séminaire sur le droit du bail Neuchâtel 2004 Regard circulaire sur le droit du bail commercial Page 3 I. Introduction Le régime juridique applicable au contrat de bail à loyer de locaux commerciaux1 ne présente qu’un nombre limité de particularités. Les questions qui relèvent spécifiquement de ce contrat sont par conséquent relativement rares. Ce sont ainsi plutôt les attentes ciblées des parties et les intérêts en jeu dans le cadre d’un tel contrat qui lui donnent une identité propre. Faire une présentation du droit du bail commercial reviendrait à se pencher pratiquement sur le droit du bail dans son ensemble. Une telle étude dépasserait très largement le cadre du présent exposé ! C’est pourquoi ce regard circulaire se limite à l’approfondissement de quelques questions choisies – forcément arbitrairement. Pour le reste, le survol de la matière tente de donner une idée la plus complète qui soit de la jurisprudence récente. II. Les règles applicables en matière de bail commercial Contrairement à ce que prévoient certains États étrangers, le droit suisse ne réserve pas au droit du bail commercial une législation particulière2. Le bail commercial obéit aux règles générales du droit du bail qui figurent aux art. 253-274g (titre huitième) du Code des obligations3 ainsi que dans l’Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux4. Le bail commercial est notamment soumis aux règles sur la protection contre les loyers abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur (art. 269- 270e CO) et sur la protection contre les congés (art. 271-273c CO). Le Code des obligations contient toutefois quelques articles qui réservent un traitement particulier au bail commercial : - Art. 257e al. 2 CO : En matière de bail commercial, le montant des sûretés que le bailleur a la possibilité d’exiger du locataire peut dépasser la limite de trois mois de loyer imposée dans le bail d’habitation. - Art. 263 CO : Seul le locataire d’un local commercial a la possibilité de transférer son bail à un tiers. - Art. 266d CO : Le bail d’un local commercial peut être résilié en observant un délai de congé de six mois pour le terme fixé par l’usage local ou, à défaut d’un tel usage, pour la fin d’un trimestre de bail. 1 Dit aussi « bail commercial » ; « Miete von Geschäftsräumen », « Geschäftsraummiete » ou « Geschäftsmiete » en allemand ; « locazione di locali commerciali » en italien (Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., Zurich 2003 [cité Tercier], no 1777). 2 En Suisse, les diverses tentatives de réglementation spéciale ont échoué (David Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997 [cité Lachat], p. 84 ; Tercier, no 1779). Nos voisins ont en général des codifications spécifiquement dédiées au bail commercial. Ainsi, la France a créé un statut des baux commerciaux par un décret du 30 septembre 1953 (décret No 53-960), actuellement incorporé au Code de Commerce (art. L145 ss); voir à ce propos Jérôme Huet, [cité Huet]). Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux, p. 752 ss. 3 CO ; RS 220. 4 OBLF ; RS 221.213.11. Voir également la Loi fédérale du 23 juin 1995 (RS 221.213.15) et l’Ordonnance du 31 janvier 1996 (OCBD ; RS 221.213.151) sur les contrats-cadres de baux à loyer et leur déclaration de force obligatoire générale. 13e Séminaire sur le droit du bail Neuchâtel 2004 Regard circulaire sur le droit du bail commercial Page 4 - Art. 268-268b CO : Le droit de rétention est réservé au bailleur de locaux commerciaux. - Art. 272b al. 1 CO : Le bail de locaux commerciaux peut être prolongé de six ans au maximum, alors que la prolongation maximale du bail d’habitation est de quatre ans. - Art. 274c CO : Les parties à un bail commercial peuvent exclure la compétence des autorités de conciliation et des autorités judiciaires en désignant par convention des tribunaux arbitraux5. III. La notion de bail commercial La notion de bail commercial, comme celle de local commercial, n’est pas définie par la loi. Il convient donc de se pencher sur la jurisprudence et la doctrine6. a) La notion de local Un local est un volume construit, essentiellement fermé et fixé durablement au sol. La notion de local implique l’existence d’un volume construit. Il peut s’agir d’un bâtiment dans son ensemble (usine) ou d’une partie de bâtiment (boutique dans un centre commercial). Les terrains nus, les surfaces non recouvertes, les installations au niveau du sol, les murs ou les séparations sans fonction de délimitation dans l’espace ne sont pas des locaux7. Les contrats portant sur de tels immeubles ne sont ni des baux commerciaux ni des baux d’habitation8. Selon l’art. 253a al. 1 CO, « les dispositions concernant les baux d’habitations et de locaux commerciaux s’appliquent aussi aux choses dont l’usage est cédé avec ces habitations ou locaux commerciaux ». L’art. 1 OBLF précise que « sont notamment réputés choses louées, dont le bailleur cède l’usage au locataire avec les habitations ou locaux commerciaux, les biens mobiliers, garages, places de stationnement extérieures ou souterraines ainsi que les jardins ». Même si elles ne constituent pas, en elles-mêmes, des locaux commerciaux, les choses louées conjointement avec un local commercial sont également soumises aux règles du bail commercial. Un lien fonctionnel – qui existe lorsque la chose accessoire est cédée uniquement en raison du bail portant sur la chose principale – est nécessaire.9 Cette interdépendance ne naît pas d’un simple rapport personnel, mais de la nature même des bâtiments et de leur usage10. Les places de stationnement sises devant un 5 Pour plus de détails, voir ci-dessous (chapitre 16.b). 6 DB 2001, no 1, p. 5. 7 ATF 124 III 108, JT 1999 I 107, DB 1999, no 1, p. 5, MRA 1998, p. 88 (et la note Andreas Maag) ; Lachat, p. 83 ; Tercier, no 1774. 8 Cette catégorie résiduelle de baux immobiliers n’est pas soumise aux règles de protection contre les loyers abusifs et les congés. Le locataire ne peut en particulier pas demander une prolongation du bail (voir : DB 1999, no 1, p. 5). Les délais et termes de congés de ces baux sont régis spécialement par l’art. 266b CO. 9 Lachat, p. 84-85 ; Tercier, no 1770 ; Luc Thévenoz, Franz Werro (éd.), Commentaire romand, Code des obligations I, Bâle 2003 (cité CR), art. 253a CO, no 7 ; Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., Berne 2000 (cité Engel), p. 134-137 ; MRA 2002, p. 74, 80 (note Lukas Polivka) ; RSJ 1975, no 161, p. 368 ; ATF 125 III 231, JT 2000 I 194. 10 Il n’existe pas de lien objectif entre une écurie uploads/S4/ knoe-pf-ler-2004.pdf

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  • Publié le Aoû 08, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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