Le principe d'individualisation à l'épreuve des peines minimales d'emprisonneme
Le principe d'individualisation à l'épreuve des peines minimales d'emprisonnement - Étude comparée des systèmes de justice pénale français et canadien Mémoire Maîtrise en droit - avec mémoire Yasmine Ben M'barek Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL. M.) et Université Toulouse 1 Capitole Toulouse,France Master (M.) © Yasmine Ben M'barek, 2019 Le principe d’individualisation à l’épreuve des peines minimales d’emprisonnement Étude comparée des systèmes de justice pénale français et canadien Maîtrise en droit – avec mémoire Yasmine BEN M’BAREK Sous la direction de : Julie DESROSIERS (Université Laval) Antoine BOTTON (Université Toulouse I Capitole) ii Résumé Le terme d’individualisation désigne la faculté de modulation de la peine par le juge selon la nature de l’infraction et les caractéristiques propres au contrevenant. Cette faculté du juge fera l’objet d’une étude comparée sous le prisme des peines minimales d’emprisonnement : peines obligatoires imposées par le législateur pour certaines infractions et qui s’imposent aux juges. Ces dernières, très controversées en France comme au Canada, semblent constituer un obstacle à la personnalisation de la sanction entrainant déséquilibres et injustices dans la détermination de la peine. iii Table des matières Résumé ........................................................................................................................................................... ii Table des matières .................................................................................................................................... iii Remerciements ............................................................................................................................................ v Introduction .................................................................................................................................................. 1 PARTIE 1 L’importance croissante de l’individualisation dans nos systèmes pénaux et l’évolution parallèle des peines minimales d’emprisonnement : des tendances paradoxales ? ............................................................................................................................................... 8 Chapitre 1 L’individualisation : fil d’or de la détermination de la peine ...... 9 Section 1 : L’individualisation de la peine : condition de son efficacité ? ........... 10 Section 2 : La réforme du droit pénal : l’intégration progressive du principe d’individualisation en droit positif français et canadien ............................................. 20 Chapitre 2 L’insertion des peines minimales dans l’arsenal répressif : une évolution contrastée ........................................................................................................ 35 Section 1 Les peines minimales en France : le frein de l’individualisation ? .... 36 Section 2 L’inflation du mandatory sentencing au Canada : entre dissuasion, dénonciation et populisme ......................................................................................................... 45 PARTIE 2 Peines obligatoires d’emprisonnement et personnalisation de la sanction : un mariage indésirable ? ............................................................................................... 52 Chapitre 1 : Les peines minimales obligatoires : atteinte injustifiée au principe d’individualisation .......................................................................................... 53 Section 1 : Dissuasion et lutte contre la récidive : des objectifs hors de portée .................................................................................................................................................................. 54 Section 2 : Les déséquilibres créés dans le système de justice pénale ................ 62 Chapitre 2 Les peines obligatoires d’emprisonnement et la Constitution : une protection insatisfaisante du principe d’individualisation ....................... 70 Section 1 Entre individualisation et proportionnalité : l’enjeu des terminologies .................................................................................................................................................................. 71 Section 2 Une protection en demi-teinte du principe d’individualisation en droit français et canadien ....................................................................................................................... 77 iv Conclusion................................................................................................................................................... 84 Bibliographie .............................................................................................................................................. 88 Annexe A Peines et mesures principales prononcées dans les condamnations en 2017 selon le nombre d’infractions sanctionnées ................................................................... 94 Annexe B Chiffres des condamnations pour l’année 2010 ................................................. 95 Annexe C Taux d’incarcération au Canada et autres pays de l’OCDE ......................... 96 Annexe D Surpopulation carcérale en France et au Québec ............................................. 97 v Remerciements À ma mère, pour son infini dévouement. À mon père, pour ses lectures attentives et ses corrections mais surtout pour le soutien sans faille lorsque les difficultés paraissaient insurmontables. À Madame Desrosiers, pour sa bienveillance et ses riches enseignements. À Messieurs De Lamy et Botton, pour m’avoir aiguillé dans mes recherches. 1 Introduction « Telle la pierre sous les coups répétés du ciseau, la silhouette du crime et du criminel émerge progressivement. Sa composition se révèle dans cette posture qui permet aux tribunaux de saisir chaque forme, chaque relief nécessaire à la configuration de la peine. »1 Cette métaphore éloquente des professeurs Desrosiers et Parent révèle la minutie avec laquelle le juge doit déterminer la peine. Cette dernière, châtiment édicté par la loi à l’effet de prévenir ou de réprimer une atteinte à l’ordre social qualifiée d’infraction2 obéit, selon les cas, à des logiques punitives différentes. De la rétribution, à la prévention en passant par la réhabilitation et l’amendement, la sanction pénale s’est vue attribuer des objectifs divers et variés au gré des mutations philosophiques, sociales et politico-juridiques. Ainsi les « anciennes fonctions » de la peine cohabitent désormais avec celles qui pourraient être qualifiées de « nouvelles » de sorte que le droit pénal est désormais semblable à « un jardin en friche où la végétation aurait poussé de façon luxuriante »3. Le mouvement d’individualisation du droit criminel participe sans conteste à cette diversification de la réponse pénale.4 La personnalisation ou l’individualisation désigne l’action d’adapter une solution à la personnalité de celui qu’elle concerne5. Appliquée à la sanction prononcée par le juge pénal, cette définition correspond au mode d’appréciation de la peine consistant à prendre en compte les circonstances de l’infraction et la personnalité de son auteur.6 1Hugues PARENT et Julie DESROSIERS, Traité de droit criminel, Tome III : "la peine", Montréal, 2e éd., Thémis, (2016) par. 34. 2Jean-Baptiste THIERRY, L'individualisation du droit criminel, Revue de sciences criminelles et de droit comparé, Dalloz actualité, (2008-05-06) pp.59-68. 3Virginie PELLETIER, Pour une refonte du droit des peines : Quels changements si les préconisations de la Commission Cotte étaient suivis ?, Institut de sciences criminelles et de la justice, Paris, Lexisnexis, (2016) p. 57. 4L'individualisation du droit criminel – Jean-Baptiste Thierry – RSC 2008. 59 5Gérard CORNU, association Henri Capitant (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, 11e éd., Quadrige, Presses Universitaires de France (2016). La personnalisation et l’individualisation seront comprises comme synonymes tout au long de ce travail de recherche, le Conseil constitutionnel français et la Cour suprême du Canada n’établissant pas de distinction entre ces terminologies. 6 Id., 2 Ce principe d’individualisation reconnu comme principe à valeur constitutionnelle en France depuis 2005 revêt une importance fondamentale dans la réhabilitation du délinquant et la lutte contre la récidive. L’impératif d’individualisation a été intégré en droit français et canadien de sorte à créer une multiplication des sanctions pouvant être prononcées par le juge. La crise de la privation de liberté dans nos sociétés contemporaines se traduisant par une hausse des taux d’incarcération et l’implosion du système carcéral a conduit le législateur à multiplier les peines substitutives à l’emprisonnement. En France, surtout, cette diversification de la réponse pénale s’est traduite par un accroissement des modes alternatifs de règlement et par la création frénétique de nouvelles peines, jusqu’à l’avènement de la sanction-réparation en 2007.7 Plus de cent ans après la première édition de L’individualisation de la peine de Raymond Saleilles parût en 1898, la question de la modulation de la peine par le juge en fonction des caractéristiques propres à chaque individu semble être centrale dans nos systèmes pénaux contemporains. L’auteur, en avance sur son temps, expliquait que « la peine doit être adaptée à la nature de celui qu’elle va frapper »8 et, qu’en ce sens, liberté doit être donnée au juge dans son prononcé. En regardant vers l’avenir, Saleilles explique que la peine, au-delà de son aspect rétributif, tourné vers le passé, doit permettre à l’individu d’être réhabilité afin d’éviter qu’il ne persiste encore davantage dans la criminalité. Il fonde ainsi la peine sur la liberté de l’individu et affirme que la dignité de ce dernier doit être préservée en tout état de cause (il s’oppose en ce sens aux peines afflictives et infâmantes). Dans cette logique, et en redonnant au droit une dimension profondément humaine et humaniste, Saleilles constate le rôle du jury dans l’individualisation de la peine ainsi que celui 7Jean-Baptiste THIERRY, L'individualisation du droit criminel, Revue de sciences criminelles et de droit comparé, Dalloz actualité, (2008-05-06) pp.59-68. 8 Raymond SALEILLES, L’individualisation de la peine : étude de criminalité sociale, Paris, 1e éd., F. Alcan, (1898). 3 des circonstances atténuantes (introduites dans le Code pénal français en 1824) comme premier levier d’individualisation de la peine. Cependant, il prône une démarche scientifique et met le juge au cœur du système qui serait en ce sens « un système d’individualisation judiciaire »9 par opposition à un « système d’interprétation légale »10. Il préconise alors une discrétion importante donnée au juge quant à l’appréciation des capacités du délinquant à se réinsérer dans la société et s’éloigner du crime. Il doit ainsi tailler sur mesure la sanction pénale en fonction de la personne condamnée, de sa personnalité, de sa situation et de sa vie passée afin qu’elle soit la plus juste possible et pour la société (prévention de la récidive) et pour l’individu lui-même (réhabilitation). Dans cette optique, si le juge peut s’accommoder des peines d’emprisonnement maximales en ce sens qu’il peut toujours prononcer une peine inférieure, il est plus difficile d’admettre l’existence de peines minimales d’emprisonnement obligatoire (PMO) à la lumière des enseignements de Saleilles. Il s’agit d’un minimum d’emprisonnement fixé par le législateur pour une infraction donnée et qui lie le juge quant au prononcé de la peine. A l’inverse de ce que préconisait l’auteur de L’individualisation de la peine, ce dernier se retrouve bridé par les minimums fixés par le Parlement et ne peut éviter de prononcer une peine d’emprisonnement à l’encontre d’un délinquant pour lequel cette dernière serait manifestement inadaptée. Au Canada, si la nature individualisée du processus de détermination de la uploads/S4/ individualisation-de-la-peine.pdf
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- Publié le Mar 31, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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