ANDRÉE VIOLLIS Indochine S.O.S Table des matières Avant-propos.................

ANDRÉE VIOLLIS Indochine S.O.S Table des matières Avant-propos..........................................................................................7 Indochine S.O.S...................................................................................11 Annexes..............................................................................................145 Procès des légionnaires d’Hanoï (12-14 juin 1933)................................145 Procès de Saïgon du 2 au 7 mai 1933......................................................175 Sur les persécutions caodaïstes...............................................................219 Rapport au conseil fédéral au sujet des événements d'Indochine............233 Écrit par M. Phan Thuc Duyen, lettré annamite......................................245 Lettres de familles des prisonniers politiques..........................................271 Extrait de la revue Esprit, du 1er décembre 1934....................................289 Avant-propos Les notes qui suivent furent prises en marge d’un voyage que je fis en Indochine dans les trois derniers mois de 1931. Attachée en qualité de journaliste à la mission de M. Paul Reynaud, alors ministre des Colonies, je l’avais devancé à Saïgon d’une dizaine de jours et m’étais arrangée pour demeurer dans le pays un peu plus d’un mois après son départ, avant de gagner la Chine, puis le Japon. J’avais été profondément émue par la belle et solide enquête que Louis Roubaud venait de publier sur les troubles d’Indochine1. Je savais qu’ils n’étaient encore qu’imparfaitement apaisés. Je pus bientôt me convaincre comme lui que la cause principale de ces troubles réside d’une part dans la crise économique, la famine, l’excessif fardeau des impôts ; d’autre part, dans l’attitude prise par les autorités devant les pacifiques cortèges de suppliants et les diverses manifestations d’un peuple désespéré. J’apporte sur la répression de ces troubles, leurs causes et leurs conséquences, un témoignage pour ainsi dire nu, car je ne fais que transcrire mon carnet de notes, me bornant à y joindre les éclaircissements et les précisions indispensables, et, autant qu’il se peut pour un sujet aussi brûlant, à y ajouter mes références. Le lecteur suivra donc le même chemin que moi. Il verra comment je parvins à rencontrer, du côté indigène, quelques-uns des « meneurs », comment je pus m’entretenir avec des chefs de la jeunesse nationaliste, des « vieux-révolutionnaires », des constitutionnalistes et divers partisans de la coopération franco-annamite. Et il se rendra compte que j’ai également consulté de nombreux Français, avocats, ingénieurs, médecins, colons, fonctionnaires de la Sûreté et de l’administration. Ces notes et les documents qui leur sont annexés constituent, malgré moi, un témoignage accablant contre la façon dont les troubles furent réprimés en Indochine et la manière dont la justice y est rendue. C’est là une des raisons qui, avec certaines circonstances de ma vie et des travaux urgents, m’en firent différer la publication. Mais le verdict de Saïgon intervint en mai 1933, provoquant l’émotion la plus profonde et la plus justifiée, aussi bien dans les 1 Louis Roubaud, Viêt-nam (Valois). 7 esprits pour lesquels les considérations d’humanité et de justice ont encore du poids que chez les Français soucieux du principe et de l’application de nos méthodes coloniales. Il fut suivi par le procès d’Hanoï (juin 1933) qui se termina par l’acquittement de cinq légionnaires, dont deux sergents, convaincus d’avoir torturé puis assassiné onze Annamites, innocents et reconnus comme tels. Acquittement justifié par le fait que les accusés prétendirent n’avoir fait qu’exécuter les ordres des autorités civiles. Révoltée, comme tous ceux qui lurent le compte rendu des débats de ces procès, j’attendis cependant encore. Mais, malgré des assurances venues de très haut, aucune mesure gouvernementale n’a jusqu’ici atténué l’iniquité de ces deux verdicts. Des condamnés ont été exécutés ; d’autres et par milliers pourrissent encore dans des bagnes et des geôles dont je connais l’horreur. Les amnisties, promulguées au cours de ces derniers mois, ne se sont étendues que d’une façon insuffisante aux prisonniers politiques et n’ont tenu aucun compte des injustices commises. Par ailleurs, la misère et la famine restent endémiques dans les campagnes ; les paysans, accablés de trop lourds impôts, protestent et s’insurgent. Et si de récentes mesures ont quelque peu allégé la dette fiscale des indigènes cochinchinois, elles n’ont pas diminué le fardeau des populations si éprouvées de l’Annam. Aucune réforme sérieuse n’est intervenue pour adoucir les maux et réprimer les abus que je signale dans ces notes. Il ne m’était donc plus possible de les garder dans mon tiroir. Les voici. J’en avais déjà publié une partie il y a quelques mois, dans la revue Esprit1. Ce qui me valut certaines critiques de tous genres et sur tous les tons, mais qui n’allèrent jamais néanmoins jusqu’à mettre ma bonne foi en cause2. On me reprocha de faire œuvre antifrançaise en négligeant les résultats considérables de notre œuvre en Indochine pour n’en souligner que les défauts et les tares, et de donner ainsi une idée fausse tant de l’Indochine que de la France. Mais, je le répète, mon enquête ne porte guère que sur les causes et la répression des troubles. Je ne me propose nullement de donner un tableau complet de l’Indochine ni d’embrasser dans son ensemble le problème de la colonisation française et du fait colonial en soi. Je laisse aux lecteurs le soin de situer mes impressions sur un plan plus général et d’en tirer eux- 1 Esprit, décembre 1933 2 Je reçus également, et en plus grand nombre, de précieuses approbations. 8 mêmes leur conclusion. J’ajoute qu’aucun Français ne peut ignorer les résultats de l’activité française en Indochine et que, s’il en était besoin, les « chargés de mission » et les rédacteurs des journaux coloniaux se chargeraient abondamment de rafraîchir les mémoires. Je ne sentais vraiment pas la nécessité de m’étendre une fois de plus sur les édifices, les chemins de fer, les routes et les canaux créés par nous en Indochine. Tout au plus pouvais-je me demander en quoi routes et voies ferrées sont utiles à l’indigène, rivé dans son village par la misère et la difficulté de se procurer un passeport ; et aussi pourquoi ces fameux moyens de transport n’ont même pas servi à apporter dans les régions de l’Annam, atteintes par une terrible famine, les stocks de riz accumulés au Tonkin et en Cochinchine, sans espoir de vente ni d’exportation. Mon enquête ne portait pas davantage sur le point de savoir s’il est opportun, s’il est possible d’empêcher de germer les idées que l’on a semées, d’étouffer les espoirs que l’on a fait naître ; si l’on peut continuer à tenir éternellement en servage les peuples majeurs qui réclament les droits de leur majorité ; ces droits solennellement proclamés chez nous il y a plus de cent cinquante ans, et confirmés par la conférence de la Paix de 1919. Ni si la France n’aurait point avantage à accorder aux Indochinois, sinon l’indépendance totale, du moins une plus large part dans les affaires publiques de leur patrie. Pour poser et résoudre de tels problèmes, il m’eût fallu plus d’autorité et plus de temps. On m’a également reproché de faire œuvre antifrançaise en publiant au grand jour les erreurs et les scandales dont l’Indochine est le théâtre. Je viens de dire les hésitations et les scrupules qui m’ont longtemps retenue. Si cependant on persiste encore à estimer que c’est desservir la France que de servir la vérité, j’accepte volontiers le blâme. Andrée VIOLLIS N. B. – Il est utile de signaler qu’on nomme indistinctement « communistes » en Indochine non seulement les nationalistes désireux de voir appliquer à leur pays les principes démocratiques qu’ils ont puisés chez nous, mais les miséreux qui supplient qu’on leur vienne en aide, et tous ceux qui, pour une raison quelconque, n’ont pas le don de plaire à l’administration ou à la police. À leur tour ceux-ci relèvent cette dénomination et s’en font gloire. Le régime est tel d’ailleurs « qu’il est difficile de concevoir qu’un Annamite courageux soit autre 9 chose que révolutionnaire1 ». 1 André Malraux, S.O.S. (Marianne, 11 octobre 1933). 10 Indochine S.O.S À bord du d’Artagnan, septembre 1931 C’est la première fois que, suivant le terme technique de notre argot de reporters, je suis « sur » un voyage officiel. J’accompagne M. Paul Reynaud, ministre des Colonies, dans sa mission d’étude en Indochine. Cet honneur je ne l’ai pas sollicité. Mon rédacteur en chef, Élie J. Bois, qui a un flair étonnant pour prévoir les événements, m’a dit l’autre jour : — Vous me demandez depuis longtemps d’aller voir ce qui se passe en Extrême-Orient, Chine, Japon... Voici l’occasion. J’objecte : ― Je n’ai jamais suivi de ministre en voyage et je ne sais pas en outre si j’ai la fibre très coloniale. — Qu’importe ? On ne vous demande nullement votre opinion, ni des opinions, mais des comptes rendus, objectifs, pittoresques si possible. Soit. J’ai d’ailleurs mon idée. J’ai été profondément émue par le courageux et douloureux Viêt-nam de Roubaud, par les Jauniers de Paul Monet. Je ne serais pas fâchée d’aller y voir par moi-même Voilà donc quelques jours que nous naviguons. Le d’Artagnan est tout éclatant de lumières et de toilettes. Pas une cabine n’est libre à bord. Apprenant que le ministre voyagerait sur ce paquebot, fonctionnaires, colons, gens de finances et d’industrie, bousculant leurs congés, se sont précipités. C’est aussi la dernière traversée, avant sa retraite, du commandant du navire, M. Malausséna. Le visage éclairé du franc sourire des marins, il danse chaque soir avec l’ardeur et l’innocence uploads/S4/ indochine-s-o-s.pdf

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  • Publié le Oct 11, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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