TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N°1602967 ___________ Mme DU BOISGUEHENEUC ___

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES N°1602967 ___________ Mme DU BOISGUEHENEUC ___________ M. Aurélien Dardé Rapporteur ___________ M. Alexis Frank Rapporteur public ___________ Audience du 10 janvier 2018 Lecture du 7 février 2018 ___________ 135-01 135-02-04-02 C+ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Nantes (2ème Chambre) Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2016 et le 10 novembre 2017, Mme Tiphaine Du Boisgueheneuc, représentée par Me Rineau, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d’annuler la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la ville de Nantes a approuvé les termes de la convention pluriannuelle de financement 2016-2018 conclue avec l’association Centre Lesbien, Gay, Bi et Transidentitaire (LGBT) de Nantes et autorisé le maire à signer cette convention ; 2°) d’enjoindre à la commune de Nantes d’émettre un titre de recette à fin de remboursement de la subvention de 22 000 € allouée au Centre LGBT de Nantes en application de cette convention dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est recevable ; - la délibération est entachée d’un vice de procédure en ce qu’il n’est pas établi, d’une part, que la note explicative de synthèse prévue par les dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales était jointe à la convocation adressée aux membres du N° 1602967 2 conseil municipal et, d’autre part, que les membres du conseil municipal ont préalablement consenti à la transmission dématérialisée de la convocation, de l’ordre du jour et du dossier de séance de la réunion lors de laquelle la délibération a été adoptée ; - la délibération méconnaît les dispositions de l’article 10 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en ce qu’elle approuve une convention allouant une subvention pluriannuelle sur la période 2016- 2018 sans en définir le montant pour les années 2017 et 2018 ; - l’attribution de cette subvention ne répond pas à un intérêt public local suffisant ; - l’attribution de cette subvention à une association intervenant au profit d’une catégorie de population seulement méconnaît le principe d’égalité ; - l’attribution de cette subvention méconnaît le principe de neutralité en ce qu’elle est versée à une association menant des actions à caractère politique et apportant son soutien à la gestation pour autrui, pratique illicite pénalement sanctionnée ; - l’attribution de la subvention contrevient aux dispositions des articles 227-12 et 121-7 du code pénal. Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 28 novembre 2017, la commune de Nantes, représentée par Me Reveau, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme Du Boisgueheneuc et de M. Boullault sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable en ce que la requérante ne pouvait exercer qu’un recours de pleine juridiction dirigé contre la convention d’attribution de la subvention litigieuse et non un recours en excès de pouvoir dirigé contre la délibération du conseil municipal autorisant sa signature ; - subsidiairement, la requérante, qui ne justifie pas de sa qualité de contribuable local, est dépourvue d’intérêt pour agir ; - les autres moyens soulevés par Mme Du Boisgueheneuc ne sont pas fondés. Par une intervention, enregistrée le 31 mai 2016, M. Vincent Boullault, représenté par Me Rineau, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête de Mme Du Boisgueheneuc et qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune de Nantes en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il se réfère aux moyens exposés dans la requête de Mme Du Boisgueheneuc. Un mémoire présenté pour Mme Du Boisgueheneuc a été enregistré le 21 décembre 2017. Vu les pièces du dossier ; Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : N° 1602967 3 - le rapport de M. Dardé, - les conclusions de M. Frank, rapporteur public, - les observations de Me Veauvy, avocat de Mme Du Boisgueheneuc et de M. Boullault et de Me Cernier, substituant Me Reveau, avocat de la commune de Nantes. Une note en délibéré, présentée par Mme Du Boisgueheneuc, a été enregistrée le 11 janvier 2018. 1. Considérant que, par une délibération du 5 février 2016, le conseil municipal de la commune de Nantes a décidé d’accorder à l’association Centre LGBT une subvention de fonctionnement de 22 000 euros au titre de l’année 2016, d’approuver les termes d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens avec cette association, et d’autoriser le maire à signer cette convention ; que cette convention a été signée le 12 février 2016 par le maire et le président de l’association ; que Mme Du Boisgueheneuc demande l’annulation de la délibération du 5 février 2016 ; Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Nantes : 2. Considérant, en premier lieu, que l’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que, toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention ; 3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil municipal a décidé d’accorder à l’association Centre LGBT Nantes une subvention d’un montant de 22 000 euros au titre de l’année 2016, dont les conditions d’attribution sont définies par une convention de subvention pluriannuelle, constitue un acte administratif unilatéral, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante ne pouvait utilement exercer à l’encontre de cette délibération qu’un recours de pleine juridiction contre la convention d’attribution de la subvention litigieuse dans les termes de la jurisprudence « Tarn-et- Garonne » du 4 avril 2014 du Conseil d’État, doit être écartée ; 4. Considérant, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que Mme Du Boisgueheneuc justifie de sa qualité de contribuable de la ville de Nantes par la production d’un avis de taxe foncière ; que cette qualité suffit à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour former un recours en annulation pour excès de pouvoir à l’encontre de la délibération attaquée ; Sur l’intervention de M. Boullault : 5. Considérant que M. Boullault a, en sa qualité, non contestée, de contribuable de la ville de Nantes, intérêt à l’annulation de la délibération du 5 février 2016 ; qu’ainsi son intervention est recevable ; N° 1602967 4 Sur les conclusions à fin d’annulation : 6. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » ; 7. Considérant qu’en l’absence de dispositions législatives spéciales autorisant expressément la commune à accorder des concours financiers, celle-ci ne peut accorder une subvention à une association qu’à la condition qu’elle soit justifiée par un intérêt public communal et ne soit attribuée ni pour des motifs politiques ni pour apporter un soutien à l’une des parties dans un conflit collectif du travail ; 8. Considérant qu’aux termes de l’article 2.13 de ses statuts, l’association Centre LGBT s’est notamment donné pour mission « la lutte, sous toutes ses formes légales, pour l’accès à l’égalité des droits personnels et sociaux des personnes homosexuelles, transsexuelles et bisexuelles » ; qu’il ressort des pièces du dossier que cet objectif s’est notamment traduit, dans une période proche de la décision d’attribution de la subvention litigieuse, par la publication sur le site internet de l’association Centre LGBT de Nantes de communiqués de presse et d’appels à manifestation en faveur de l’élargissement des conditions d’accès à la procréation médicalement assistée et, dans le cadre des débats ayant précédé l’adoption de la loi n°2013-404 du 17 mai 2013, de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, ainsi que par la contribution de l’association à l’organisation, le 27 novembre 2015, d’une réunion d’information sur la « gestation pour autrui », qui a fait l’objet d’un communiqué sur le site internet de l’association, annonçant uploads/S4/ jugement-ta-de-nantes.pdf

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  • Publié le Jul 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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