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« Toulouse Capitole Publications » est l’archive institutionnelle de l’Université Toulouse 1 Capitole. FASC. 200 : CONTRAT « INTUITU PERSONÆ DIDIER KRAJESKI; PHILIPPE LE TOURNEAU REFERENCE DE PUBLICATION : JURISCLASSEUR CONTRATS - DISTRIBUTION FASC. 200 : CONTRAT « INTUITU PERSONÆ » Pour toute question sur Toulouse Capitole Publications, contacter portail-publi@ut-capitole.fr FASC. 200 : CONTRAT « INTUITU PERSONÆ » Points-clés 1. Le sentiment ou le risque contractuel sont les motifs de la prise en considération de la personne dans une convention (V. n° 4 ). 2. L'intuitu personæ est un concept polymorphe, connaissant plusieurs variantes (V. n° 12 à 31 ). 3. La considération des personnes existe aussi à l'égard des personnes morales, notamment des sociétés (l'intuitu societatis), et parfois des associés (l'intuitu socii) (V. n° 26 à 29 ). 4. L'intuitu personæ, dans ses diverses formes, est une notion toute relative, ayant une intensité variable (V. n° 32 à 45 ). 5. Il est impossible de donner un catalogue des contrats conclus intuitu personæ (mais V. n° 46 à 61 , les principaux contrats conclus intuitu personæ). 6. La qualification d'intuitu personæ donnée à un contrat retentit d'abord quant à sa formation, tant à propos de l'offre que de l'erreur sur la personne (V. n° 63 à 66 ). 7. Elle est aussi capitale quant à son exécution (V. n° 67 à 78 ), car celle-ci doit être, d'une part personnelle, du moins lorsque l'exécution personnelle du débiteur est entrée dans le champ contractuel ; d'autre part volontaire, pour les contrats intuitu personæ mettant en jeu le corps ou l'esprit du débiteur (l'exécution forcée n'est alors pas possible). 8. La cession d'un contrat conclu intuitu personæ dépend de sa nature (V. n° 82 et 83 ) ; mais de toute façon les parties peuvent convenir de l'organiser à l'avance, notamment par une clause d'agrément (V. n° 81 à 83 ). 9. L'extinction d'un contrat est largement affectée par le fait que la personne physique ou morale du cocontractant a été prise en considération (V. n° 84 à 97 ). Introduction 1. De la méconnaissance dans la célébrité – L'intuitu personæ : voici une expression classique, connue de tous les juristes, employée quotidiennement et dont, pourtant, les contours demeurent assez flous (nous avions déjà rencontré un semblable paradoxe en étudiant, il y a près de 40 ans, la règle nemo auditur : comme si la formulation en latin, du reste relativement tardive, créait une sorte de crainte révérencielle, empêchant d'en scruter les mystères. – V. aussi n° 61 à propos de l'affectio societatis). Il est vrai qu'elle est ignorée du Code civil, comme elle l'était de Pothier : le concept qu'elle exprime n'affleure que dans quelques articles du Code civil, l'article 1134 à propos de l'erreur sur la personne, l'article 1342-1 quant à l'extinction de l'obligation de faire, et l'article 1879 quant au décès de l'emprunteur. Certes, elle a donné lieu à plusieurs études importantes et de qualité (d'abord, F. Valleur, L'intuitu personæ dans les contrats : Thèse Paris, 1938. – M. Contamine-Raynaud, L'intuitu personæ dans les contrats : Thèse Paris II, 1974. – Puis, ensuite, G. Kostic, L'intuitu personæ dans les contrats de droit privé : Thèse Paris V, 1997. – D. Krajeski, L'intuitu personæ dans les contrats : Thèse Toulouse, 1998). Néanmoins, ni les manuels, ni les traités, encyclopédies ou répertoires, portant sur le droit des obligations, ne traitent spécifiquement de cette notion, se contentant d'envisager quelques-uns de ses effets (surtout la question de l'erreur sur la personne dans les contrats conclus intuitu personæ) ; il en est de même des manuels, dont l'index ne comporte généralement pas la formule (pour un historique de la notion et ses différentes conceptions, D. Arteil, L'exécution du contrat par un non-contractant, préf. Rose-Noëlle Schütz : LGDJ, 2006, n° 48 s.). 2. Définition – L'expression d'intuitu personæ est employée pour caractériser les opérations « dans lesquelles la personnalité de l'une des parties est tenue pour essentielle [...], en raison de ses aptitudes particulières, de la nature du service attendu d'elle, etc. » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, V° Intuitu personæ : PUF, 2016). Au fond, aux grandes classifications doctrinales des contrats, complétant celles du Code civil même après la réforme de 2016, il conviendrait d'ajouter l'opposition entre les contrats « personnels » et les contrats « impersonnels » (la proposition existe aussi en droit des biens : F. Julienne, La dualité des droits de jouissance des biens : Dr. & patr. 2017, n° 273). Dans les premiers, la considération de la personne du partenaire a été déterminante (a été regardée attentivement, selon l'étymologie du mot intuitu, qui vient d'intueor), alors qu'elle est indifférente dans les seconds. Un régime spécifique est lié à la qualification de contrat intuitu personæ (V. n° 62 à 97 ). Dans cette catégorie, l'intention de s'engager (l'animus negotii contrahendi) est insuffisante : le delectus personarum (selon l'expression utilisée par les juristes américains) y est déterminant, c'est-à-dire la volonté de traiter avec telle personne physique ou morale (comp. G. Kostic, thèse préc., n° 6). Un auteur a présenté l'intuitu personæ comme traduisant les conséquences juridiques (contractuelles) du regard d'un contractant sur l'autre, qu'il soit complaisant ou exigeant (D. Krajeski, thèse préc., n° 4). Dans notre monde dominé par les valeurs économiques, où l'argent est roi, l'anonymat dans les échanges semble devoir prédominer, d'autant que les contrats tendent à devenir « de masse ». Pourtant, la considération de la personne n'a pas disparu, loin s'en faut, et a même connu un développement dans certains domaines (V. n° 10 ). Au demeurant, contrairement à ce que pensent certains esprits éloignés de la réalité, l'amitié n'est pas inconnue du monde des affaires ; mieux, il est des contrées dans lesquelles les pourparlers relatifs à la conclusion de grands contrats n'aboutiront que si les négociateurs ont su créer, précisément, un climat de confiance et d'affinités frôlant la véritable amitié. En dehors des sentiments, le développement des contrats de prestation de services contribue à la persistance de l'intuitu personæ, par le fait que la qualité de l'exécution dépend des qualités du cocontractant. Cela rend pertinente la question du choix du cocontractant. 3. Preuve – La règle à poser est, qu'en principe, la personne du cocontractant n'est pas prise en considération dans le contrat (C. civ., art. 1342-1). Dès lors, il incombe à celui qui invoque l'existence de cette particularité d'en apporter la preuve (CA Paris, 16 oct. 2008). Néanmoins, les contrats à titre gratuit, comme ceux qui comportent une prestation personnelle d'ordre intellectuel et mettent en œuvre un savoir-faire propre, sont présumés avoir été conclus intuitu personæ sauf preuve contraire. Cette qualification relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com., 10 juill. 1989 : Dr. informatique et télécoms 1993, n° 1, p. 26, obs. J. H.). 4. Application de la liberté contractuelle, proposition doctrinale – En réalité, la prise en compte de la personne du créancier ou du débiteur, dans tel ou tel contrat, n'est qu'une application de la liberté contractuelle qui permet aux parties de modeler le contrat à leur guise, étant sauves les prescriptions d'ordre public. La liberté contractuelle est avant tout une liberté de choix, d'élection, s'insérant dans le cercle des rapports d'affinités entre les êtres, au cœur de la vie sociale (comp., G. Moser, Les relations interpersonnelles : PUF, 1994, mais qui limite son analyse aux relations amicales et amoureuses). L'intuitu personæ peut être un élément parmi d'autres dans l'ensemble que constitue un contrat, dont les diverses clauses s'équilibrent. Louis XIV recommandait à son petit-fils, partant pour l'Espagne afin d'y devenir le roi Philippe V, « n'ayez d'attachement à personne ». Ce précepte, propice peut-être aux héros (dépassant l'humaine condition) et aux sages (détachés des choses terrestres), ne saurait guider le commun des mortels. La vie quotidienne de chacun est tissée, peu ou prou, par le sentiment ou l'intérêt (en termes plus concrets, le cœur et le portefeuille) : ce sont deux des principaux mobiles de l'action qui justifient, à bon escient, la prise en considération de la personne de son cocontractant. Cette opposition n'est pas purement descriptive et ne se limite pas aux mobiles de l'action : elle est opératoire et retentit sur le régime juridique de l'intuitu personæ, qui est lui- même marqué par la dualité. Il est possible d'opposer le sentiment au risque. L'intuitu personæ dans les contrats à titre gratuit est la justification de l'acte. Il exprime un sentiment et peut être qualifié de subjectif. En revanche, l'intensité et l'existence de l'intuitu personæ sont déterminées, dans les contrats à titre onéreux, par la présence de risques contractuels liés aux circonstances ou à la nature de la prestation à accomplir. Les qualités du cocontractant sont précisément destinées à les conjurer (D. Krajeski, L'intuitu personæ dans les contrats : thèse préc., n° 208) ; dès lors, l'intuitu personæ est objectif. Parfaite illustration de la liberté contractuelle, l'intuitu personae peut n'être fondé sur aucun de ces deux motifs, et résulter de la seule volonté d'attacher le contrat à la personne du cocontractant afin d'éviter la sous-traitance (V. n° 69 uploads/S4/ krajeski.pdf
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- Publié le Oct 27, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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