LAFAY-PELORCE Laurine sur 1 7 L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET L’ORDRE CONSTITUTIO

LAFAY-PELORCE Laurine sur 1 7 L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET L’ORDRE CONSTITUTIONNEL La décision rendue le jeudi 26 mars par le Conseil constitutionnel sur la loi organique du 23 mars, votée avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire « crée un précédent autorisant à déroger à la Constitution en fonction de circonstances exceptionnelles ». En ces termes, Paul Cassia, professeur de droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, révèle sa méfiance envers une forme d’accoutumance à la dérogation à la lettre et aux principes de la Constitution de 1958. En effet, si la Constitution est la règle suprême à laquelle se conforment toutes les autres règles de droit, déroger à la Constitution sonnerait alors la fin de l’ordre constitutionnel actuel. Le concept d’état d’urgence est d’abord un état d’exception prévu par le droit positif parmi deux dispositifs constitutionnels. En effet, la Constitution pose comme états d’exception l’état de siège prévu par l’article 36 et la suspension de l’application de la Constitution par le Président de la République prévue par l’article 16. Aussi, si l’article 36 permet de faire face aux attaques militaires extérieures et si l’article 16 prévoit un régime ultra-dérogatoire au droit commun, qui institue une « dictature » provisoire dont le chef de l’Etat se donner les pleins pouvoirs, l’état d’urgence est un dispositif quant-à-lui législatif permettant de faire face à des attaques intérieures. Ainsi, l’Etat d’urgence a d’abord été imaginé comme un dispositif intermédiaire afin d’éviter à la fois le transfert de la totalité des pouvoirs à l’armée, et le transfert de la totalité des pouvoirs au Président de la République. Le ministre de l’intérieur et le Premier ministre adoptent alors des mesures plus rapidement et assouplissent un certain nombre de régimes juridiques, ce qui serait illégal en droit commun. Le concept d’Etat d'urgence est né le 3 avril 1955 au travers d’une loi ordinaire en réponse aux attaques terroristes menées par le FLN qui se perpétraient dans le cadre de la guerre d’Algérie. Cette mesure exceptionnelle doit être décidée par le Conseil des ministres en cas d’atteinte grave à l’ordre public, ou bien en cas de catastrophe naturelle d’ampleur exceptionnelle afin de répondre à une « insuffisance des moyens de droit ». Cependant, d’autres états d’urgence ont été décrétés entre 195 et 2020. En effet, l’état d’urgence a été décrété en 2005 afin de mettre fin aux émeutes dans les banlieues françaises, et en 2015 afin de faire face au terrorisme islamique. On comprend dès lors que l’état d’urgence sanitaire, bien que fondé sur le modèle de l'état d'urgence prévu par une loi de 1955 et déclenché après les attentats de 2015, est un d’état d’exception nouveau, sans être pour autant un concept doctrinal. En effet, l’état d’urgence sanitaire, mis en place par la loi ordinaire d’urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a compté du 23 mars. 2020, est un concept qui apparait une vingtaine de fois dans la loi. Aussi, Jean-Philippe Derosier souligne que si le régime d’état d’urgence sanitaire et l’état d’urgence sécuritaire sont similaires dans leur appellation et leur procédure de déclenchement, ils se distinguent par leur régime, avec des mesures de restriction des libertés et des droits plus importantes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Cependant, la plus grande différence concerne les très nombreux pouvoirs conférés au Premier ministre, qui sont des pouvoirs généraux, quand l’état d’urgence sécuritaire prévoit essentiellement des pouvoirs individuels. Il convient cependant de rappeler que les deux états d’urgence s’inscrivent dans des contextes profondément différents, a supposer que la maitrise de terroristes est possiblement plus facile que la maitrise d’un virus mutant et généralisé a l’échelle mondiale. La loi d’urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, votée en un week-end par le Parlement le 22 mars et prévoyant des mesures d’exception afin d’élargir la base légale prévue par LAFAY-PELORCE Laurine sur 2 7 l’article 3131-1 du Code de la Santé publique qui habilite essentiellement le ministre de la Santé à prendre des décisions, trouve alors sa place dans l’ordre constitutionnel français. En France, l’ordre constitutionnel, un terme alors propre aux positivistes et normativistes, peut facilement se substituer au terme de système constitutionnel. En effet, Pierre Avril, dans Les conventions de la Constitution, définit l’ordre constitutionnel comme un système bifide composé de l’ordre juridique et l’ordre politique. Par ailleurs, un ordre constitutionnel se compose du droit positif que sont les règles, les normes, les valeurs constitutionnelles, mais également des principes. Aussi, l’ordre juridique n’est pas un système de normes juridiques placées toute au même rang mais un édifice a plusieurs étages superposées, une pyramide ou hiérarchie de couches juridiques. Dès lors, le principe qui assure la régulation entre ces couches juridiques dépend de la validité juridique d’une norme à sa norme supérieure, et de ce fait, des organes qui produits les mêmes normes. Par ailleurs, si les libertés individuelles se voient drastiquement limitées en France, il convient d'évoquer le Parlement hongrois, qui a adopté le projet de loi de Viktor Orban qui prévoit une prolongation sans limite de temps de ses pouvoirs extraordinaires. Aussi, le premier ministre nationaliste pourra légiférer sur tous les domaines par décret, et ce pour une durée indéterminée lui confère alors les « pleins pouvoirs ». Parallèlement, la gouvernement français a de nouveaux légiférer le 1er Avril en en adoptant cinq nouvelles ordonnances afin de faire face a l’épidémie du Covid-19. Finalement, l’état d’urgence sanitaire met en exergue les deux approches du droit constitutionnel que sont l’approche politique défendue par Karl Schmitt et l’approche normative de Kelsen, qui retrouvera des raisonnantes dans la Constitution-même de la Vème république. Si le gardien de la Constitution est politiquement le Chef de l’Etat en vertu de l’article 5 dans des situations politiques extraordinaires, le gardien juridictionnelle est quant-à-elle le Conseil constitutionnelle, qui assure le respect de la Constitution dans des situations de politiques ordinaires. Cependant, force est de constater dans le cas précis de l’État d’urgence sanitaire, les deux gardiens se confondent, laissant alors de côté le Parlement, pourtant compétent dans l’élaboration de la loi, expression de la volonté générale. C’est là un paradoxe dont on peut s’étonner : alors que la Constitution fixe les rapports entre les différents organes et les normes, ces mêmes organes s’en écartent, et ses gardiens en particulier. Aussi, le respect des principes constitutionnels et ses valeurs, englobant à la fois l’Etat de droit, la démocratie, la séparation des pouvoirs, les libertés individuelles, peuvent se voir bafouer. Dès lors, il est loisible de se demander, en France et depuis l’adoption de l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020 jusqu’à aujourd’hui : En quoi l’Etat d’urgence sanitaire remet-il en cause l’organisation constitutionnelle de l’Etat de droit français dans son aspect juridique et politique ? Dans son ouvrage Etat de droit, Jacques Chevallier distingue l’Etat de droit formel de l’Etat de droit substantiel. Aussi, nous aborderons donc l’écartement des droit en vigueur par l’état d’urgence sanitaire (I) avant de se focaliser sur le développement de l’Etat de droit substantiel par sa jurictionnalisation. (II). LAFAY-PELORCE Laurine sur 3 7 I) Le bouleversement de l’ordre constitutionnel, la remise en cause de l’Etat de droit formel l’Etat de droit formel peut se définir par le respect du droit par l’Etat lui-même. Or, l’état d’urgence sanitaire, en tant qu’état d’exception, entraine nécessairement le bouleversement du droit commun, et ce faisant, de l’ordre constitutionnel. Aussi, le contrôle des pouvoirs s’avère être une entreprise difficile (A), heurtant les grands principes garanties par la Constitution (B). A) Le difficile contrôle des pouvoirs en période de crise En 1958, le constituant avait souhaité protéger le domaine de l’action gouvernementale et soustraire du domaine de compétence du Parlement de nombreuses questions qui relevaient d’avantage de l’administration. Le constituant a voulu enfermer le Parlement dans un champ de compétence délimité et stricte, qu’on appelle le domaine de la loi, prévu par l’article 34. Aussi, au regard du texte, le législateur ne dispose que d’une compétence d’attribution quand le Gouvernement dispose d’une compétence de principe. Ainsi, bien que le Parlement suit à la fois un mécanisme de contrôle et d’édition des normes générale, le véritable législateur sous la Vème est le titulaire du pouvoir réglementaire prévu par l’article 37, c’est-à-dire le Premier Ministre et le Gouvernement. Ce déclin s’illustre aussi par le recours massif aux ordonnances de l’article 38 qui conduit le Parlement à laisser le soin au Gouvernement de faire la loi, y compris dans des domaines qui relèvent de l’article 34. Néanmoins, pour qu’une ordonnance devienne une loi, l’approbation du Parlement est nécessaire afin que la simple valeur règlementaire prenne une valeur législative. Dans le cadre de l’Etat d’urgence sanitaire, 25 ordonnances ont été adoptées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire promulguée le 23 mars 2020. Ces ordonnances viennent préciser la loi ordinaire instaurant l’état d’urgence sanitaire. Le projet de loi, adoptée par le Sénat le 19 mars et par l’Assemblée nationale le 21 mars, restreint à la fois les libertés individuelles, mais également le prérogatives même du Parlement. En effet, la loi prévoit que pendant un mois, l’exécutif a toute uploads/S4/ l-x27-etat-d-x27-urgence-sanitaire-et-l-x27-ordre-constitutionnel.pdf

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  • Publié le Fev 18, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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