La genèse du principe de l’individualisation de la peine L’introduction histori

La genèse du principe de l’individualisation de la peine L’introduction historique 1de ce principe remonte au XIX siècle. Le premier à avoir posé le terme d’individualisation et à l’avoir théorisé est un auteur à la fois juriste et professeur de droit : Raymond Saleilles. Il a d’ailleurs publié un ouvrage dénommé : L’individualisation de la peine : Etude de criminalité sociale, en 1898. Dans son livre, il explique sa conception du principe d’individualisation qui pour lui existait déjà dans l’ancien droit sous forme primitive1. Il créa l’école de l’individualisation et affirma que la justice doit être une justice de responsabilité et que l’individualisation doit être judiciaire. Il regrettait que la loi prenne trop de place dans l’individualisation de la peine alors que cette dernière doit être mise en oeuvre par le juge, selon lui2. Avant l’explication de Saleilles, le principe d’individualisation a connu une évolution historique marquée par les changements de conceptions doctrinales. En effet, de nombreuses écoles de doctrine se succédèrent et influencèrent ce principe. Avant l’ancien droit, il n’était pas réellement possible de parler de justice pénale du moins pas comme elle est entendue aujourd’hui, puisque c’était la vengeance personnelle qui primait sur la loi. Cela a conduit M. Ottenhof à affirmer que « la peine est la vengeance privée offerte à la victime. La puissance publique n’intervient pas, elle s’en désintéresse. »3. C’est ensuite la justice privée qui s’est mise en place au Moyen-âge. C’est l’Etat qui surveillait cette organisation, les victimes qui voulaient mettre en oeuvre une vengeance devaient prévenir du type de vengeance et de la personne contre qui elle allait être opérée4. Cela a fait dire à des auteurs qu’ « on s’achemine vers une plus stricte personnalisation : ne peuvent se venger que la victime ou ses proches, ne peut être visé que l’auteur »5. A partir du XVI siècle, c’est la justice publique qui a pris place et qui a fait disparaitre définitivement la justice privée. C’était à l’Etat de rendre la justice. La période de l’ancien droit empreint d’arbitraire s’est alors ouverte puisque le juge était toutpuissant, c’est lui qui décidait de la peine sans qu’aucune limite ne lui soit fixée. Saleilles affirmait que le principe d’individualisation existait déjà à cette époque en raison de la faculté du juge de pouvoir choisir la peine sans qu’aucun minimum ou maximum légal ne soit mis en place en fonction de la gravité de l’acte6. L’arbitraire sera remis en 1 Mémoire Présenté par :,GROULEZ Margaux Master 2 Recherche : Droit privé approfondi, spécialité pénale Université Lille 2 Droit et Santé Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales cause sous l’influence du mouvement des philosophes des lumières, qui prônait l’égalité pour tous les hommes et l’adoucissement des peines très sévères créées par l’ancien régime1. Cesare Beccaria est un des philosophes des lumières qui a le plus oeuvré à l’évolution du droit pénal, en prônant la nécessité de textes clairs pour toute infraction ainsi que la fonction rétributive de la peine d’emprisonnement qui doit éduquer les condamnés afin de permettre leur retour dans la société. Ce dernier était également un fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort qui, pour lui, ne permettait pas d’éduquer le condamné2. Beccaria et Jeremy Bentham créeront d’ailleurs l’école classique du droit pénal, ils considéraient que c’était à la loi de décider des peines à appliquer pour chaque infraction. En réponse à l’arbitraire du juge de l’ancien régime c’est une individualisation légale est mise en place dans le droit pénal français. Lorsqu’un juge devait alors juger une infraction, il n’avait en aucun cas le droit de modifier la sanction prévue par la loi. Il devait simplement mettre en place la méthode du syllogisme juridique, celle-ci imposait au juge de rapprocher la mineure de la majeure afin d’arriver à la solution logique3 : la mineure représentant les faits, la majeure, la règle de droit ; la conjonction des deux indiquait au juge la peine qu’il devait prononcer. C’est le philosophe Aristote qui a mis ce raisonnement en place grâce à un exemple devenu célèbre : « tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme donc Socrate est mortel ». L’école classique ne permettait donc pas au juge de pouvoir moduler la sanction en fonction des circonstances et de la gravité de la faute notamment en raison de sa volonté de créer une égalité entre tous les citoyens face à la justice. Quant à Jeremy Bentham, il développa sa philosophie utilitariste, qui consistait à mettre en place une peine seulement lorsqu’elle était juste. Il expliquait que l’Etat ne doit pas utiliser son pouvoir répressif au-delà de la protection de la société, qui est son seul objectif quand il punit une personne4. L’histoire du droit pénal français a connu les deux extrêmes entre l’arbitraire et l’individualisation légale. Suite à cela, un juste milieu a commencé à être trouvé par l’école néoclassique qui percevait la peine comme ayant une fonction rétributive. Cette école défendait la justice de responsabilité en acceptant de mettre en place des circonstances atténuantes en analysant et en mesurant la responsabilité de chaque auteur des faits5. Il ne fallait néanmoins pas voir au travers de ces circonstances atténuantes une suppression de la responsabilité de l’auteur des faits. A la suite de ce nouveau mouvement, le Code pénal de 1810 introduira et consacrera d’ailleurs pour la première fois les circonstances atténuantes1. Ce Code restait toutefois très sévère au regard du peu de place qu’il laissait au juge dans la détermination des peines. L’école de criminologie a ensuite fait son apparition. Celle-ci était fondée sur le déterminisme qui permettait de reconnaitre un criminel selon des caractéristiques physiques établies. Qui plus est, les fervents défenseurs de ce mouvement tel que Lombroso, ne croyaient pas en la possible rétribution de l’auteur des faits. Selon lui, certains criminels étaient des criminels nés qui ne pouvaient pas se dégager de la criminalité. Au fur et à mesure, les conceptions suivantes considérèrent que chaque individu garde un minimum de libre arbitre. Cela a donc permis d’adoucir la doctrine en matière d’individualisation de la peine. Les écoles suivantes prirent par exemple en compte le milieu social pour reconnaitre les criminels. L’individualisation était alors de plus en plus acceptée pour permettre de donner toute l’utilité à la peine. Un magistrat français marqua un tournant dans l’histoire de l’individualisation : Marc Ancel. Ce dernier a rédigé une oeuvre intitulée La défense sociale en 1981. Il y développe la notion de lutte contre la récidive. En d’autres termes, pour lui, la peine ne doit pas que protéger la société mais aussi le délinquant lui-même afin qu’il ne réitère pas. Il propose alors la mise en place de « mesures de re- socialisation » lors de l’exécution de la peine afin de permettre au condamné de sortir de la criminalité2. Ce dernier justifie en réalité l’utilisation et la nécessité de mettre en oeuvre cette individualisation par le fait que la peine ait une fonction rétributive3. L’histoire de ce principe qui reste assez floue montre bien néanmoins, comment la justice est passée d’une conception objective à une conception subjective, tournée vers l’auteur des faits. Toutes ces écoles de pensée ont permis de faire évoluer le système pénal actuel afin que celui-ci soit tourné vers l’auteur des faits et sa réinsertion dans la société. Cette conception de la justice n’est cependant pas partagée par tous puisque le législateur est souvent gêné par l’opinion publique. Cette dernière est très exigeante envers lui, car elle souhaite souvent une très grande sévérité à l’égard des criminels, qu’elle ne veut pas intégrer dans la société. La difficulté est représentée par l’opposition entre le besoin de la société d’être réparé de l’infraction ainsi que de voir un châtiment prononcé à l’encontre du criminel ou du délinquant et la mise en oeuvre de l’individualisation de la peine selon la personnalité de publique comme une faveur faite au condamné alors même que ce dernier a pu commettre un acte grave. Un des modes de personnalisation qui rebute le plus la société est la libération conditionnelle, elle ne comprend pas pourquoi un condamné ne réalise pas sa peine jusqu’au bout alors que cela a été décidé par un juge. Il est également difficile pour elle de comprendre que la peine, notamment de privation de liberté, ne sert pas qu’à punir l’auteur de l’infraction mais également à prévenir la récidive. La peine est effectivement caractérisée par plusieurs fonctions : intimidation, rétribution et réadaptation1. Cette incompréhension peut d’ailleurs être reliée au mouvement de privatisation du procès pénal. En effet, la majorité des citoyens a trop tendance à croire que la justice permet de réparer la réalisation d’une infraction, négligeant alors la réparation de la société. C’est d’ailleurs cette dernière que le procès pénal vise à réparer et non pas la victime. Au-delà de ce mouvement, il y a également une incompréhension du principe en lui-même de la part de l’opinion publique. Cette dernière ne comprend pas souvent pourquoi, pour une même infraction la peine serait différente alors que la société et la justice uploads/S4/ la-genese 1 .pdf

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  • Publié le Mar 22, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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