LA PLACE DU CRITERE ORGANIQUE DANS LA QUALIFICATION D’UN CONTRAT ADMINISTRATIF
LA PLACE DU CRITERE ORGANIQUE DANS LA QUALIFICATION D’UN CONTRAT ADMINISTRATIF L’administration, œuvrant à la recherche de l’intérêt général, dispose pour cette raison essentielle, d’un certain nombre de moyens et prérogatives qui sont en même temps d’action et de protection, et qui manifestent la puissance publique. L’un de ses moyens, profondément caractéristique de l’action de l’administration, est l’acte administratif unilatéral. C’est dans ce sens que l’on perçoit l’administration comme une institution commandante, imposant sa volonté, c’est-à-dire, agissant unilatéralement. Mais l’unilatéralité ne pouvant pas suffire à réguler le commerce juridique de l’administration, cette dernière a, de plus en plus souvent besoin d’associer d’autres sujets de droit à son action et ce, sur la base de leur libre volonté. C’est ce qui explique que l’administration utilise également la technique contractuelle. Dans les rapports même, entre personnes publiques, le procédé contractuel a pris une place non négligeable et intéressante. Ce qui a provoqué une modification de l’état du droit jurisprudentiel. L’une des problématiques récurrentes du droit des contrats administratifs reste et demeure celle de leur qualification. Au demeurant, la qualification de contrat administratif entraîne l’application d’un régime juridique qui, à de nombreux égards, le différencie du contrat de droit privé et la compétence du juge administratif. Cela dit, à quoi reconnaît-on ou peut-on reconnaître la nature administrative d’un contrat de l’administration ? Une approche synthétique de la question permet d’affirmer qu’un contrat est administratif sur la base d’une qualification soit légale, soit jurisprudentielle. Dans le premier cas, l’on concède le qualificatif « administratif » à un contrat de l’administration, en raison de sa consécration légale. En ce sens, sont des contrats administratifs les contrats définis comme tels par la loi. C’est l’exemple des contrats de marchés publics. Dans le second cas, et en dehors de toute qualification légale, la jurisprudence s’est employée à qualifier les contrats administratifs en se fondant sur deux critères cumulatifs. Le premier est un critère organique qui suppose en principe la présence d’une personne publique au contrat. Le second est un critère matériel qui renvoie à l’objet du contrat et aux clauses exorbitantes contenues dans cet acte bilatéral. Le critère organique tient essentiellement à la qualité des parties contractantes dans la qualification des contrats administratifs. Le postulat est clairement posé par la jurisprudence administrative : un contrat ne peut être administratif que s’il fait intervenir au moins une personne publique. Autrement dit, il faut déceler la présence effective d’une personne publique au contrat. Cependant, le juge admet que certains contrats sont administratifs, alors même qu’aucune personne publique n’est partie au contrat : c’est l’hypothèse où la présence suffisante d’une personne publique au contrat est vraisemblablement acquise. Si le critère organique semble occuper une place prépondérante dans la qualification des contrats administratifs, il ne faut pas immédiatement conclure qu’il est satisfaisant, car dans des nombreux cas de figure, ce critère suscite et nécessite en plus l’observation des critères matériels. Dès lors, quelle place peut-on accordée aujourd’hui au critère organique dans la qualification des contrats administratifs ? En dépit d’une certaine évolution du droit jurisprudentiel relatif à la qualification des contrats administratifs, le critère organique semble toujours tenir un rôle prédominant dans la caractérisation du contrat administratif (I). Néanmoins, ce rôle ne saurait occulter sa remise en cause contemporaine (II). I- LA PREDOMINANCE CLASSIQUE DU CRITERE ORGANIQUE DANS LA CARACTERISATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF Le critère organique révèle que les contrats conclus entre deux personnes publiques bénéficient d’une présomption principielle d’administrativité (A). Ceci n’exclut pas l’hypothèse exceptionnelle selon laquelle les contrats conclus entre deux personnes privées peuvent être considérés comme étant des contrats administratifs (B). A- La présomption principielle d’administrativité entre personnes publiques Pendant longtemps, la jurisprudence administrative ne distinguait pas clairement les contrats conclus entre personnes publiques des contrats conclus entre une personne publique et une personne privée. La prise de conscience d’une certaine inadaptation à ces contrats de critères conçus pour l’hypothèse où la personne publique contracte avec une personne privée, ainsi que le développement des rapports contractuels entre personnes publiques ont déterminé une prise en considération distincte des contrats conclus entre elles. Désormais, et en vertu de l’arrêt Union des assurances de Paris rendu par le tribunal des conflits le 21 mars 1983, ils constituent une catégorie spéciale de contrats dont le caractère administratif est déterminé par application d’une règle spécifique. L’avènement de cette jurisprudence qui a l’intérêt de remettre en principe au juge administratif le règlement, sur la base des règles de droit public, du contentieux des rapports contractuels entre personnes publiques, suscite quelques précisions notables. Primo, Le contrat entre deux personnes publiques est administratif ou est présumé tel parce que, dit le Commissaire du gouvernement Daniel Labetoulle, il est « normalement à la rencontre de deux gestions publiques », les personnes publiques agissant normalement selon les modes de la gestion publique. C’est cette dernière considération qui légitime le principe ou la présomption du caractère administratif du contrat. Secundo, il faut tout de suite dire que, s’il est important et déterminant, ce critère n’est cependant pas absolu. En effet, un contrat, quoique conclu entre deux personnes publiques, peut, eu égard à son objet ne faire naître entre elles que des rapports de droit privé. Tel est, notamment le cas des contrats unissant les services publics industriels et commerciaux à leurs usagers. Il y aura donc contrat de droit de droit privé quand l’une des personnes publiques a conclu un contrat en vue de bénéficier des prestations du service public industriel et commercial assuré par une autre personne publique. Sous les bénéfices des observations précédentes, l’on peut dire que les contrats conclus entre personnes publiques bénéficient inexorablement d’une présomption d’administrativité. Mais, cette présomption n’est irréfragable. Si le critère organique n’est pas évidemment un critère suffisant dans la qualification des contrats conclus entre personnes publiques, il joue toutefois, un rôle déterminant qui prend tout son sens en matière de contrats conclus entre personnes privées. B- La présomption exceptionnelle d’administrativité entre personnes privées En principe le contrat conclu entre deux personnes privées est présumé de droit privé (Tribunal des conflits, 3 avril 1969, Société Interlait). Cependant, la jurisprudence a reconnu des situations dans lesquelles le critère organique était rempli. L’hypothèse la plus communément admise est celle où une personne privée a agi « pour le compte » d’une personne publique. La seconde hypothèse met en évidence la théorie de la personne privée transparente. Dans le premier cas, une personne privée agit « au nom et pour le compte » d’une personne publique et de ce fait cette personne privée ne peut pas être analysée comme une simple personne privée. On applique la théorie de la représentation juridique prévue en droit privé par le biais du mandat. Ainsi, dans la jurisprudence Entreprise Peyrot de 1963, le juge administratif affirme qu’un contrat conclu avec une personne privée par l’organisme de droit privé chargé d’un service public peut être administratif s’il apparait comme ayant été conclu « pour le compte » d’une personne publique. Il faut comprendre immédiatement que le mandat peut être explicite ou implicite. Quand il en est ainsi, c’est la personne publique représentée qui est partie au contrat et il n’y a pas d’obstacle de principe à son caractère administratif. Selon René Chapus, « L’expression « pour le compte de » est prise, dans la jurisprudence en cause dans une acception spéciale : elle signifie que l’organisme privé a agi, mais sans mandat (même implicite), au lieu et place d’une personne publique qui, à l’arrière-plan de l’opération, a fait conclure le contrat ». En somme, lorsqu’un organisme de droit privé peut être réputé avoir contracté « pour le compte » d’une personne publique, le contrat peut être administratif, comme si une personne publique y était réellement partie. Il le sera effectivement par application des critères alternatifs : s’il contient des clauses exorbitantes, s’il a pour objet l’exécution de travaux publics (arrêts Entreprise peyrot, Société montpelliéraine, Société d’équipement de la Gironde etc.), ou l’exécution même d’un service public administratif (arrêt Dame Culard). Dans le second cas, la jurisprudence évoque les situations dans lesquelles une personne privée est placée sous étroite dépendance d’une personne publique. Les contrats conclus par la personne privée sont réputés conclus par cette dernière. La jurisprudence a élaboré quatre critères cumulatifs pour déterminer si une personne privée est transparente : l’origine, la composition, le fonctionnement et le financement, tous devant démontrer des liens très étroits avec une personne publique (Conseil d’Etat, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt). C’est par exemple le cas d’une association contrôlée par une personne publique, souvent une municipalité. Le juge des conflits a considéré dans l’une de ses conclusions qu’un contrat entre deux personnes privées est administratif car l’un des cocontractants agissait pour le compte de la commune dans le cadre d’un contrat d’assainissement et de distribution d’eau potable en s’appuyant sur le cahier des charges disant que ces ouvrages seraient remis à la commune et sur l’existence de subventions pour le concédant (Tribunal des conflits Commune d’Agde 7 juillet 1975). De manière synthétique, l’on dira que les contrats administratifs peuvent être parfaitement conclus entre uploads/S4/ la-place-du-critere-organique-dans-la-qualification-d.pdf
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- Publié le Aoû 07, 2022
- Catégorie Law / Droit
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