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NS – Vol. XV 2010 La sécurité juridique des transactions internationales dans un monde global Alessandra Zanobetti Tiré à part / Offprint UNIDROIT Rev. dr. unif. 2010 905 La sécurité juridique des transactions internationales dans un monde global Alessandra Zanobetti * INTRODUCTION La sécurité juridique, qui peut être définie comme la prévisibilité des conséquences que le droit rattache à un fait ou à un acte, est une des fonctions inhérentes à l’essence même du droit 1. Elle est indispensable au déroulement ordonné de la vie des individus. S’il est vrai que parmi les éléments qui peuvent mettre en péril la sécurité juridique il y a, en premier lieu, la question fondamentale relative au respect des principes de l’État du droit, même dans les pays où ces principes sont respectés, la sécurité juridique trouve des obstacles dans la difficulté de connaître les normes juridiques, dans leur variabilité, les incertitudes liées à leur interprétation ou même à leur validité, dans les difficultés, les coûts, les longueurs des procédures judiciaires. Or, il est bien évident que lorsqu’on envisage d’entrer en contact avec un pays étranger, ces difficultés ne peuvent qu’être exacerbées et multipliées. Dans le contexte des transactions internationales la sécurité juridique pose des problèmes spécifiques, et en partie différents de ceux qui pourraient se poser lorsque les faits ou les rapports ne se rattachent qu’à une seule juri- diction, qui ont même conduit à envisager le commerce international comme une activité à risque, dont les risques sont d’abord juridiques 2. * Secrétaire général adjoint de l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT). Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut. Cet article est inclus dans l’ouvrage collectif : N.W. Vermeys, K. Benyekhlef, éd.), Le droit à la sécurité, la sécurité par le droit, Editions Thémis, Montréal (2011). 1 La sécurité juridique constitue un des résultats de l’exercice du pouvoir législatif ; v. sur ce point K. BENYEKHLEF, Une possible histoire de la norme, Les normativités émergentes de la mondialisation, Montréal (2008), 551 ss., qui souligne la contribution à une plus grande sécurité juridique exercée par la rédaction des coutumes et leur homologation par le pouvoir royal, en particulier en France au cours de la première moitié du XVIe siècle. 2 Pour cette affirmation voir E. LOQUIN, “Sécurité juridique et relations commerciales internationales”, Sécurité juridique et droit économique (sous la coord. de L. Boy / J.-B. Racine / F. Siiriainen), Bruxelles (2007), 476. Alessandra Zanobetti 906 Unif. L. Rev. 2010 C’est ainsi que dans un article consacré à l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA 3 sur le droit des contrats, l’auteur cite les préoccupations liées à l’insécurité juridique et judiciaire d’un opérateur économique étranger qui seraient à l’origine de l’absence d’investissements dans les États africains de la zone franc 4. La création de l’OHADA vise justement à porter remède à l’insécu- rité juridique, et à “établir un courant de confiance en faveur des économies de [ces] pays en vue de créer un nouveau pôle de développement en Afrique” 5. Au sein de l’Union européenne, la Commission a créé le “groupe sécurité juridique”, plus connu sous son appellation anglaise “Legal Certainty Group”, chargé d’étudier les questions de sécurité juridique liées à la compensation et au règlement-livraison des instruments financiers, dans le but d’éliminer les problèmes juridiques qui constituent “un des obstacles fondamentaux à la mise en place de systèmes transfrontaliers de compensation et de règlement-livraison aussi efficaces, sûrs et rentables qu’au niveau national” 6. 3 L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été créée par le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice), entré en vigueur en 1995. L’OHADA regroupe (au 30 janvier 2011) seize pays (les quatorze pays de la Zone franc CFA, plus les Comores et la Guinée Conakry) ; elle est ouverte à tout État du continent africain (République démocratique du Congo en cours d’adhésion). 4 Les propos sont rapportés par G. KENFACK DOUJANI, “Arbitrage forcé et règlement en droit camerounais des litiges entre associés”, Penant (1997), 335. 5 Cet objectif est réaffirmé par le Traité portant révision du Traité OHADA, fait à Québec, le 17 octobre 2008, dont le préambule rappelle la détermination des Parties contractantes “à accomplir de nouveaux progrès sur la voie de l’unité africaine et leur volonté de renforcer la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), de nature à garantir un climat de confiance concourant à faire de l’Afrique un pôle de développement”. V. G. KENFACK DOUJANI, “Les conditions de création dans l’espace OHADA d’un environnement juridique favorable au développement”, Revue juridique et politique (1998), 11 ; P. MEYER, “La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA”, Penant (2006), 151 ; L. BENKEMOUN, “Sécurité juridique et investissements internationaux”, ibidem, 193. 6 Communiqué de presse du 1er février 2005 annonçant la création du Groupe ; le même communiqué explique que : “Le groupe d’experts européen constitué par la Commission européenne et chargé par elle des questions de sécurité juridique liées à la compensation et au règlement-livraison a tenu sa première réunion à Bruxelles le 31 janvier 2004. Le groupe analysera ces questions dans la perspective de l’intégration des systèmes européens de compensation et de règlement-livraison de titres et conseillera la Commission en conséquence. Présidé par la Commission, il est composé d’une trentaine d’experts juridiques issus du monde universitaire et des secteurs public et privé, avec une participation fondée sur la personnalité propre de chacun, plutôt que sur sa représentativité. De fait, la composition du groupe a été essentiellement déterminée par le désir de réunir des compétences et, partant, de sélectionner les candidats sans souci de leurs appartenances”. La sécurité juridique des transactions dans un monde global Rev. dr. unif. 2010 907 Ces préoccupations, exprimées dans des contextes très différents, sont liées au phénomène de la globalisation, caractérisé par une libéralisation des échanges de plus en plus poussée où les biens et les services sont produits et négociés dans un marché mondial et qui, en provoquant des modifications importantes au contexte juridique dans lequel se déroulent les transactions, remet en cause le rôle de la sécurité juridique. En effet, les rapports se déroulant dans un milieu international présentent le problème de la soumission, du moins en puissance, à plusieurs ordres juridiques. Ces questions font l’objet de règles juridiques multiples qui ont justement pour but, sinon pour effet, de réduire cette insécurité ; le propos de cette contribution est celui de présenter un aperçu de ces règles et d’en vérifier l’efficacité, en soulignant en particulier le rôle qu’ont joué en la matière d’une part les États et les organisations internationales, sujets classiques du droit international, et d’autre part les opérateurs économiques. La mondialisation qui caractérise l’époque actuelle est un phénomène qui s’est développé progressivement et qui intéresse tous les secteurs de la vie sociale, politique, économique. Comme l’a indiqué une étude très approfondie sur la dynamique de la mondialisation, ses trois dimensions les plus importantes consistent dans les échanges internationaux de biens et de services, dans les flux d’investissements directs à l’étranger et dans la circulation des capitaux 7. Sur la base de la prééminence de l’importance de chacune de ces dimensions, l’auteur propose une distinction en phases du processus de mondialisation, qui se sont déroulées successivement sans que, cependant, l’essor d’une de ces dimensions n’ait effacé les autres. S’il est vrai que les échanges de biens et de services, caractéristiques de l’extension de l’économie sur un plan international, correspondent encore aujourd’hui à une très large partie du volume global des transactions internationales, une autre dimension, celle des investissements directs à l’étranger et de la mobilité des activités productives, a subi un développement remarquable, surtout à partir des années soixante, avec l’essor des entreprises multinationales. Quant à la circulation des capitaux, elle a acquis progressivement, dans un pourcentage toujours grandissant, une logique purement financière ; on calcule qu’aujourd’hui le montant des flux de capitaux correspond à trois fois la valeur du commerce mondial de biens et services. Le développement de ces phases a pu se réaliser grâce à l’émergence de règles qui l’ont accompagné et qui ont évolué par des méthodes différentes et 7 Ch.-A. MICHALET, “Les métamorphoses de la mondialisation, une approche économique”, La mondialisation du droit (sous la dir. de E. Loquin et K. Kessedjan), Paris (2000), 17. Alessandra Zanobetti 908 Unif. L. Rev. 2010 dans des contextes hétérogènes 8. Dans cet aperçu, les règles en question seront présentées en les groupant sous deux aspects de la réglementation juridique d’une transaction internationale. Le premier est constitué par le fait de l’insécurité due à l’environnement juridique dans lequel la transaction doit se dérouler (I). Le deuxième tient à la discipline de la transaction elle-même (II). I. – L’ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DES TRANSACTIONS INTERNATIONALES Les transactions internationales font l’objet d’une série de règles couvrant des aspects différents été élaborées généralement avec l’intervention, plus ou moins efficace et directe, d’organisations internationales. Un des premiers domaines que l’on peut uploads/S4/ la-securite-juridique-des-transactions-i.pdf

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  • Publié le Nov 20, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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