Barbara Anagnostou-Canas Le droit grec : de la cité classique à l'Égypte hellén
Barbara Anagnostou-Canas Le droit grec : de la cité classique à l'Égypte hellénistique et romaine In: École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques. Livret-Annuaire 15. 1999- 2000. 2001. pp. 101-108. Citer ce document / Cite this document : Anagnostou-Canas Barbara. Le droit grec : de la cité classique à l'Égypte hellénistique et romaine. In: École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques. Livret-Annuaire 15. 1999-2000. 2001. pp. 101-108. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0001_1999_num_15_1_10636 Rapports sur les conférences 1999-2000 — Barbara ANANOSTOU-CANAS 101 LE DROIT GREC : DE LA GRÈCE CLASSIQUE À L'EGYPTE HELLÉNISTIQUE ET ROMAINE Chargée de conférences : M™ Barbara ANAGNOSTOU-CANAS, chargée de recherche au C.N.R.S. Programme de l'année 1999-2000 : Les sources du droit, les jeudis de 15 h 30 à 16 h 30. Dans une série d'articles sur le thème « De la Grèce classique à l'Egypte hellénistique », parus entre 1958 et 1966, Cl. Préaux a souligné les liens de continuité entre le droit des cités grecques et celui de l'Egypte hellénistique *. Le propos de ce cycle de conférences, dont l'inti tulé emprunte la formule introductive du titre des travaux susmentionnés de la grande papy rologue belge, est d'aborder l'enseignement du droit grec en le considérant comme une notion englobant toute l'expérience juridique des Hellènes et d'étudier ses institutions en suivant leur évolution historique. Les sujets que nous aborderons sont, dans un premier temps, les sources du droit, dans un deuxième, la résolution des conflits et dans un troisième, les institutions qui relèvent aujour d'hui de la sphère du droit privé. I. Le problème de l'unité du droit grec et l'histoire de son étude. La première des vingt conférences de l'année a porté sur la question de l'unité du droit grec ou de la pluralité des droits grecs, toujours débattue depuis la publication à la fin du XIXe s., de l'œuvre du juriste L. Mitteis, Reichsrecht und Volksrecht in den ôstlichen Provinzen des rômischen Kaiserreichs. Mit Beitrâgen zur Kenntniss des griechischen Rechts und der spàtrômischen Rechtsent- wicklung, Leipzig, 1891, dans laquelle le savant allemand admettait l'unité substantielle du droit grec en dépit de la diversité locale, et la critique de l'historien M. Finley qui, dans un compte rendu du livre de F. Pringsheim, The Greek Law of Sale, Weimar, 1950 2, a souligné la fragilité de cette théorie et a plaidé pour une étude historique du droit grec à l'écart de toute idée préconçue sur son unité. La doctrine de L. Mitteis a été soutenue, fût-ce de façon nuancée, par de nombreux juristes tels que E. Weiss 3, F. Pringsheim 4, HJ. Wolff 5, J. Modrzejewski 6 et A. Biscardi 7 ; quant aux positions de M. Finley, elles ont été favorablement accueillies par J. Triantaphyllopoulos dont un ouvrage porte le titre éloquent de Droits grecs anciens 8. Notre choix en la matière est celui de la recherche d'affinités, voire de principes de base communs aux différents ordres juridiques grecs à travers une périodisation qui tiendra compte de deux grandes entités historiques : les époques archaïque et classique d'une part et l'époque hellé nistique, centrée sur l'Egypte, et prolongée sous la domination romaine d'autre part. 1. Chron. d'Eg. 33, 1958, p. 102-112 et 243-255, 36, 1961, p. 187-195, 41, 1966, p. 161-164 et 354-360. 2. « Some Problems of Greek Law : A Considération of Pringsheim on Sale », Seminar 9, 1951, p. 72-91 ; cf. du même, « The Problem of the Unity of Greek Law », La storia del diritto nel quadro délie scienze storiche. Atti del I Congr. délia Soc. M. di st. del diritto, Florence, 1966, p. 129-142. 3. Griechisches Privatrecht auf rechtsvergleichender Grundlage, t. I. Allgemeine Lehren, Leipzig, 1923, 556 p. (réimpr. Hambourg, 1965). 4. The Greek Law ofSale, Weimar, 1950, 580 p., dont le compte rendu par M. Finley (cité supra, n. 2) a fourni à l'historien britannique l'occasion de développer sa théorie de variété des systèmes juridiques grecs. 5. « Griechisches Recht », Lexikon der Alten Welt, Zurich et Stuttgart, 1965, col. 2516-2530. 6. Loi et coutume, Paris, 1970, 481 p. 7. Diritto greco antico, Milan, 1982, 409 p. ; cf. du même, « Diritto greco e scienze del diritto », Symposion 1974, Actes du IIe Colloque intern. de droit grec et hellénistique, Athènes, 1978, p. 2-31. 8. Archaia hellènika dikaia, Athènes, 1968, 67 p. ; cf. du même, Das Rechtsdenken der Griechen, Munich, 1985, 366 p. École pratique des Hautes Études (Sciences historiques et philologiques), Livret-Annuaire 15, 1999-2000 102 Rapports sur les conférences 1999-2000 — Barbara ANAGNOSTOU-CANAS L'étude de l'expérience juridique du monde grec a été affectée pendant longtemps par le prestige du droit romain. Perpétuant le mépris de Cicéron, De oratore I, 44, 197, à l'égard du droit grec, les historiens du droit l'ont considéré comme mineur, oubliant que la grandeur du droit romain est en partie l'œuvre de l'esprit grec (influence directe ou indirecte sur la loi des XII Tables - Tite Live, Hist. Rom. III, 31 ; Denys d'Halicarnasse, Ant. Rom. X, 57 ; D. 10, 1, 13 et 47, 22, 4 ; Ciceron, De leg. II, 23, 59 et 25, 64 - ; influence de la philosophie et de la rhétorique grecque sur la formation du droit romain à la fin de la République et sous l'Empire ; pénétration tardive d'institutions d'origine hellénistique dans le droit romain post-classique et dans celui de Justinien). L'intérêt pour l'étude du droit grec a, par conséquent, été restreint pendant longtemps. Certes, au XVIe s., J. Cujas insère des citations des plaidoyers des orateurs athéniens dans ses Commentaires sur certains titres du Digeste et du Code. Mais c'est sur un terrain vierge de commentaires juridiques que l'érudition occidentale s'engage afin d'étudier le droit grec pour lui-même, alors qu'elle ne possède qu'une faible partie des sources qui sont connues aujourd'hui : ainsi en est-il des érudits hollandais et français des XVIIe et XVIIIe s., tels Meursius, S. Petit, Saumaise et Hérault, puis, au XIXe s., des philologues allemands qui se sont engagés dans l'étude du droit grec, comme Meier et Schômann, Platner et Heffter, J.H. Lipsius et des juristes, E. Caillemer, R. Dareste, G. Barilleau et L. Beauchet en France, L. Mitteis et ses disciples en Allemagne (les uns ont posé les fondements d'une science moderne du droit grec ancien et les autres l'ont élevée au rang d'une discipline autonome, et c'est en tant que telle qu'elle est cultivée par la recherche moderne). II. Les sources de connaissance du droit grec. D'où vient notre connaissance du droit grec ? Du point de vue épistémologique, ces sources sont des matériaux juridiques disparates pour deux raisons : d'abord parce qu'à aucune étape de son évolution le droit grec n'a connu de codifi cation, provisoire ou définitive, à l'instar de celles dont a été l'objet le droit romain classique ; ensuite, parce que le monde grec n'a pas développé de science de droit et que par conséquent nous ne possédons ni ouvrage, ni traité méthodique du droit grec. Après les avoir classées en deux groupes principaux qui sont les sources littéraires (poètes, philosophes et moralistes, orateurs attiques, historiens et lexicographes) d'une part et les sources documentaires (épigraphiques et papyrologiques) d'autre part, nous leur avons consa cré deux séances afin de les examiner dans leur ensemble tout en insistant, exemples à l'appui, sur l'apport de chaque catégorie à l'étude du droit grec. En abordant les sources du droit grec du point de vue théorique, on a défini la Grèce comme un pays où la règle de droit s'identifiait à la loi, les Grecs n'ayant pas considéré la coutume comme source de leur droit positif. Les serments que les juges prêtaient avant de juger sont explicites à cet égard : les juges juraient de juger conformément aux lois et, à défaut, c'est-à- dire en cas de lacunes de la loi, non pas selon la coutume, mais selon « l'opinion la plus juste » (serment des héliastes : Démosthène, Contre Leptine, 118 et Contre Boeotos I, 40; serment prêté par des juges-arbitres à Delphes en 380 av. n.è. : IG II2 1126 ; serment prêté par des juges à Eressos, en 324 av. n.è. : Tod, GHI, 191 ; et aussi l'extrait d'une loi royale lagide concernant les règles applicables dans les procès devant les dicastères, c'est-à-dire devant les tribunaux pour la population hellénophone de l'Egypte ptolémaïque : P. Petr. III 22 g + P. Gourob, 2, l. 40-45 ; ce principe panhellénique a été étudié par J. Triantaphyllopoulos, « Le lacune délia legge nei diritti greci », Antoîogia giuridica romanistica ed antiquaria, Milan, 1968, p. 51-62). L'idée de la souveraineté de la loi s'est développée au sein de la cité. Le terme de nomos est absent des poèmes homériques où le mot themis, dans l'expression themis estin désigne des règles non écrites qui dictent aux hommes un comportement conforme à l'ordre universel, ordre dont le respect était, par ailleurs, assuré par la divinité du même nom {Themis) (II. IX, 134, 276 ; Od. XIV, 56-58, 450-451 ; cf. Les chants Cypriens,fr. uploads/S4/ le-droit-grec-pdf.pdf
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- Publié le Sep 11, 2022
- Catégorie Law / Droit
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