Annuaire français de droit international Le traité relatif à l'harmonisation du
Annuaire français de droit international Le traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique Louis Savadogo Citer ce document / Cite this document : Savadogo Louis. Le traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique. In: Annuaire français de droit international, volume 40, 1994. pp. 823-847; doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1994.3223 https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1994_num_40_1_3223 Fichier pdf généré le 10/04/2018 ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XL - 1994 - Editions du CNRS, Paris LE TRAITE RELATIF A L'HARMONISATION DU DROIT DES AFFAIRES EN AFRIQUE Louis SAVADOGO SOMMAIRE Introduction I. - L'unification du droit matériel A) Dimensions 1) Dimension matérielle 2) Dimension spatiale B) Structuration : l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires «OHADA» 1) Organes 2) Fonctions II. - L'unification du contentieux A) Les organes juridictionnels 1) L'organe judiciaire : la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage « CCJA » 2) Les organes arbitraux B) Répartition des compétences entre la CCJA et les juridictions nationales 1) Partage des compétences matérielles 2) Articulation des compétences fonctionnelles Conclusion Dans le Discours Préliminaire sur le Projet de Code Civil, Portalis écrit que «l'uniformité est un genre de perfection qui, selon le mot d'un auteur célèbre (1), saisit quelquefois les grands esprits et frappe infailliblement les petits». Et d'observer que l'uniformité est possible seulement «lorsqu'une grande révolution s'opère » (2). N'est-ce pas ce qui est en train de se produire (*) Louis Savadogo, Maître de Conférences à l'Université de Cergy-Pontoise. (1) II s'agit de Montesquieu. Voir De l'Esprit des Lois, Livre XXIX, Chapitre XVIII. Des idées d'uniformité : « La grandeur du génie ne consisterait-elle pas mieux à savoir dans quel cas il faut l'uniformité, et dans quel cas il faut des différences ?» In Œuvres complètes, Paris, Seuil, L'Intégrale, 1964, 1118 p. (spec. p. 755). (2) J.E.M. Portalis, Discours, Rapports et Travaux inédits sur le Code Civil, Paris, Joubert, Librairie de la Cour de Cassation, 1884, 495 p. (spec. p. 2). 824 LE TRAITÉ RELATIF À L'HARMONISATION DU DROIT EN AFRIQUE avec le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique? Signé à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993, par les représentants de dix Etats (3) de la Zone franc (4), le texte constitue une étape marquante de cette révolution tranquille (5). C'est en avril 1991 que les ministres des finances des pays sus-visés ont décidé d'organiser une réflexion sur la faisabilité d'un projet de mise en place progressive d'un droit harmonisé des affaires afin de rationaliser et d'améliorer l'environnement juridique des entreprises. Des débats sur la nature de l'instance appelée à examiner le problème, découla la création d'un «Directoire». Composé du Juge K. Mbaye, ancien Vice-président de la CIJ (Président), de Messieurs M. Kirsch, conseiller honoraire à la Cour de Cassation et M. Gentot, conseiller d'Etat, il sera la véritable instance de préparation du traité. Cette institutionnalisation a eu pour conséquence le transfert au Directoire des fonctions techniques de codification qui auraient dû normalement échoir à une conférence diplomatique (6), transfert qui d'ailleurs trouvait promptement ses limites dans le fait que ledit Directoire ne pouvait en aucune manière statuer sur le fond (7). Notre intention n'est pas d'étudier l'organe et l'action qu'il mena, mais de nous limiter à quelques indications (8). La machinerie de la codification a été le laboratoire d'essai dans lequel ont été mis au point et expérimentés certains modèles d'organisation et des méthodes de travail. C'est ainsi qu'en ce qui concerne les structures de travail, après un premier temps au cours duquel le Directoire était unique- (3) Bénin, Burkina Faso, Congo, Comores, Côte-d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Tchad. Cf. ministère de la Coopération et du Développement L'harmonisation du droit des affaires en Afrique («Outil technique de l'intégration économique»), Paris, 1994, 11 p. (spec. p. 5). (4) La zone franc a été créée en 1939, par décision interne française, pour régir les relations financières et monétaires entre la France et ses possessions d'outre mer. Depuis 1960, des accords ont été signés entre les nouveaux Etats et la France relativement à l'organisation et au fonctionnement de l'espace. Il existe cinq monnaies dans la zone franc : le franc français, le franc CFP (Communauté financière du Pacifique), le franc comorien, le franc CFA (Communauté financière africaine) émis par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest « BCEAO » (Bénin, Burkina Faso, Côte-d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et le franc CFA émis par la Banque des Etats d'Afrique Centrale « BEAC » (Cameroun, République Centrafricaine, Congo, Gabon, Guinée Equa- toriale, Tchad). Cf. Dictionnaire encyclopédique de droit. Afrique. Volume VI, Paris, Bordas Libinter, 1990. Les monnaies de la zone sont librement convertibles entre elles et s'échangent à un taux fixe qui est passée de 50 à 100 F CFA pour 1 FRF depuis la dévaluation du 12 janvier 1994. En ce sens notamment : « Dévaluation du franc CFA », Economie internationale, 1994, vol. 58, pp. 3-51; P. Plane «La zone franc sous le choc de la dévaluation monétaire : faits et arguments», Reflets et perspectives de la vie économique, 1994, vol. 33 (3), pp. 203-213 ; P. Dhonte « La dévaluation du franc CFA : premiers résultats », Chroniques économiques, 1994, vol. 48 (3), pp. 263-269. (5) Des indications peuvent être trouvées dans Harmonisation du droit des affaires en Afrique. Séminaire de Ouagadougou des 14 et 15 mars 1994. Synthèse des travaux, 93 p. (spec. p. 12). (6) Les traités sont, en effet, adoptés au sein de conférences internationales, les négociations intervenant directement entre Etats dans la phase finale de la procédure. Cf. Y. Daudet, Les conférences des Nations Unies pour la codification du droit international, Paris, LGDJ, 1968, 352 p. (7) II est significatif de relever que le Directoire « a été constitué pour coordonner le projet, pour en réorienter au besoin les directions, compte tenu des instructions que voudront bien lui donner les Ministres des finances et de la justice ». Cf. le Rapport du Président Abdou Diouf, cité par le juge K. Mbaye in Harmonisation du droit des affaires en Afrique. Séminaire de Ouagadougou, op. cit., p. 12. (8) Les travaux de la Conférence ont fait l'objet d'une excellente présentation dans : Harmonisation du droit des affaires en Afrique. Séminaire de Ouagadougou des 14 et 15 mars 1994. Synthèse des travaux, 93 p. Voir également, ministère de la Coopération et du Développement L'harmonisation du droit des affaires en Afrique («Outil technique de l'intégration économique ») op. cit., passim. LE TRAITÉ RELATIF À L'HARMONISATION DU DROIT EN AFRIQUE 825 ment chargé de « procéder à un inventaire exhaustif et comparatif des textes qui existent dans tous les Etats» (9), a été convoquée une conférence des ministres de la justice, pour «discuter des techniques juridiques et des modalités de mise en œuvre du projet» (10). Dès lors que l'instance de juristes reçut mandat d'élaborer le texte prévu, elle fit appel à son imagination ; ses attributions se développèrent alors dans le champ prénormatif. Les travaux poursuivis montrèrent également la place essentielle des opérateurs économiques, mais aussi des praticiens du droit. Réunis en colloque à Abidjan, les 19 et 20 avril 1993, ils ont fourni au Directoire, des orientations sur le contenu légal des textes en confection. Aussi, est-ce par des techniques peu habituelles que s'est développé le processus de négociation. L'ambition était noble, comme l'était la volonté, que ces précautions traduisaient, de parvenir à un accord offrant de solides garanties d'« universalité » et de meilleure mise en œuvre du droit par les parties. L'acte conventionnel qui en est l'aboutissement fixe par des règles substantielles des conditions de nature à obvier l'insécurité juridique et judiciaire fréquemment relevées par les Etats et les opérateurs économiques (11). Cette insécurité juridique existe en ce que le comportement individuel des Etats obéit à des règles anciennes héritées de l'ère colonial : Code de commerce de 1807, Loi de 1807 sur les sociétés anonymes, Loi de 1889 sur la fallite, ou encore celle de 1925 sur les sociétés à responsabilité limitée (12). Elle existe aussi en ce que le fonctionnement régulier de la justice se heurte à de nombreux écueils : manque de moyens matériels, insuffisante formation des magistrats et auxiliaires de justice tant en droit qu'en matière de déontologie, inexistence de structures de documentation et de recherche (13). La convention est novatrice en la matière. Mais, indépendamment de la modernisation, on attend des règles édictées une «harmonisation» des conduites matérielles. Suivant la formule du juge K. Mbaye, l'harmonisation constitue un «outil technique mis à la disposition des décideurs en matière d'intégration» (14). On relèvera à cet égard que le concept est sans doute dominant, et doit être placé au centre de l'analyse. La réalisation concrète des normes, ou des engagements internationaux qui en forment la substance, comporte plusieurs aspects. On ne considère pas ici l'application matérielle, les activités ou les comportements économiques qu'ils déterminent. Ces activités et comportements obéissent à des prescriptions d'ordre technique qui ressortissent du droit privé (15). Parallèlement à ces hypothèses, le traité (9) Ministère de la Coopération et du Développement, L'harmonisation du droit des affaires uploads/S4/ le-traite-relatif-a-lharmonisation-du-droit-des-affaires-en-afrique-pdf.pdf
Documents similaires










-
46
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 07, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 2.2365MB