v L'Amoureux = le Sénaire = Opposition = Réciprocité Moyen terme = Produit... M
v L'Amoureux = le Sénaire = Opposition = Réciprocité Moyen terme = Produit... Modernes Avatars du Sorcier CHAPITRE VI MODERNES AVATARS DU SORCIER ES sorciers au xixe siècle ? De vrais sorciers ? La thèse est insoutenable ! — Monsieur l'abbé, je ne crains pas de la sou- tenir. — Raillez-vous? A notre époque! Des sorciers..... Sous la blouse et sous le frac? — Sous la soutane même et sous le froc. — Allons! vous faites presque des mots; je l'aime mieux ainsi. — Je suis le plus sérieux du monde et j'espère vous le démontrer. — Va pour la démonstration; mais vous aurez quelque peine à me convaincre. Je ne vous cache rai pas que je suis très sceptique par tempérament... Ce fut, voyez-vous, notre grand tort, à nous autres gens d'Eglise, de prendre jadis trop au sérieux cette piteuse engeance. Le gibet et le bûcher, allons donc! C'était des douches qu'il fallait administrer D 396 LE TEMPLE DE SATAN à ces gaillards-là. Tel est mon sentiment. Qui ne sait d'ailleurs que le sorcier est mort avec le moyen âge? — Vous débutez par une assertion fâcheuse, M. l'abbé! Vous donnez crédit à un cliché courant, j'en conviens avec vous ; mais convenez avec moi qu'il court à tort. Il n'y a pas cent ans que l'Inqui- sition de Rome condamnait au dernier supplice le comte de Cagliostro (1)... — Comme franc-maçon! — Et comme sorcier. L'arrêt porte en toutes let- tres accusation de « Magie superstitieuse »... Au reste, M. l'abbé, nous nous écartons de la question. Vous plaît-il de m'accorder une heure d'entretien ? Pièces en main, je me fais fort de vous convain- cre. Il était deux heures de l'après-midi. Nous mon- tâmes chez moi et l'abbé ** n'en sortit qu'à la nuit tombante, mais surabondamment convaincu, sans doute, et de la réalité des pouvoirs magiques, et de l'actuelle multiplicité des cas de sorcellerie. Je dois convenir que j'avais entre les mains de quoi lui faire changer d'avis : plusieurs dossiers d'un ordre unique et d'un caractère véritablement irrécusable. J'éprouve le plus vif regret de n'en pouvoir produire que de courts fragments. Sans parler des exigences de mon cadre, certains motifs de haute convenance m'imposent une réserve qu'un (1) La peine de mort fut commuée en celle du cachot à perpétuité, sans espoir de grâce. MODERNES AVATARS DU SORCIER 397 jour peut-être il me sera possible de mettre en oubli. Ces dossiers ont trait à la religion du fameux thaumaturge Eugène Vintras, et plus particulière- ment aux faits et gestes de l'un de ses héritiers spirituels. Mais bien d'autres objets s'offriront à notre examen, avant que d'aborder l'hérétique Vintras et les continuateurs de sa secte gnostique. C'est par eux que je terminerai le présent discours. Croit-on que magnétiseurs, spirites et médiums ne soient pas des sorciers?... Ils font de la sorcelle- rie, comme M. Jourdain de la prose — sans le sa- voir. Encore plus d'un en fait-il sciemment ! Que si l'on me cherchait une querelle de mots, arguant de l'opinion commune, qui distingue l'Hyp- nose et le Spiritisme de la Magie noire et de ses sortilèges, je répondrais que l'opinion se trompe. Mais sans débuter par une thèse litigieuse, et sou- cieux de m'établir d'emblée au cœur même de mon sujet, par le récit de phénomènes sur le caractère desquels on ne peut se méprendre, il m'a paru pré- férable d'ouvrir ce chapitre sur un décor imprévu: le presbytère de Cideville, en 1851. Peut-être n'est-il point, dans les annales de la Ma- gie, un seul procès criminel où les prodiges s'affir- ment plus positifs et plus inébranlablement établis que dans cette modeste affaire, qui se déroula de- 398 LE TEMPLE DE SATAN vant la Justice de paix de Yerville (Seine-Inférieure), au commencement de l'année 1851. Ce procès ne sera pas du goût des amateurs de sorcelleries décoratives, accoutumés au majestueux déploiement des drames judiciaires à grand spec- tacle. Qu'ils s'estiment tenus de plisser une lèvre dédaigneuse, et de ne prêter qu'une oreille médio- crement attentive au (résultat d'une enquête ins- truite en aussi maigre appareil, et qui vint aboutir à l'audience de simple police: nous n'en plaindrons pas moins ces faux curieux, de vouloir ainsi sacri- fier le fond péremptoire à la forme théâtrale, et mé- connaître l'intérêt si puissant qui s'attache à des faits formels attestés sous la foi du serment par un tel nombre d'irrécusables témoins. Ce qui, frappant l'affaire d'indélébile originalité, la distingue au premier coup d'œil de tous les pro- cès similaires, c'est que la plainte, loin d'être dé- posée contre le sorcier, émane au contraire de lui. C'est le berger Thorel qui, devant M. le juge de paix du canton, poursuit en dommages et intérêts le curé de Cideville, pour trois coups de gourdin que cet ecclésiastique lui a libéralement octroyés. L'origine de la cause remonte à l'emprisonne- ment d'un certain G**, sorcier de village, célèbre par toute la contrée d'alentour pour ses prétentions à la médecine occulte. Ce drôle avait poliment con- duit au cimetière tels de ses malades, sous prétexte de traitement infaillible; d'autres clients étaient en bonne voie de les aller rejoindre. Condamné sur la MODERNES AVATARS DU SORCIER 399 dénonciation du curé Tinel, G** fulmine quelques menaces vagues et jure de se venger ..... Le berger Thorel, demandeur à la barre de Yer- ville, n'est, de son propre aveu, que le mandataire occulte de G**, l'exécuteur fidèle des suprêmes vo- lontés d'un maître dont il se dit le très humble et très respectueux disciple. Voici maintenant le résumé des faits, certifiés d'une voix unanime, sous la garantie du serment, par plus d'une vingtaine de témoins (1). J'ai sous les yeux la narration très minutieusement circons- tanciée du marquis de Mirville (2) lui-même, un des témoins oculaires des phénomènes. Deux jeunes garçons, de douze et de quatorze ans, qui se destinent à la prêtrise, sont élevés par M. le curé au presbytère de Cideville. C'est sur eux que se déchaîne la fureur vengeresse de Thorel, qui a pris soin d'établir au préalable la communication fluidique, en s'approchant du plus jeune, à la fa- veur d'une vente publique. Dès lors, une véritable trombe de phénomènes s'abat sur le presbytère, ébranlé jusqu'en ses fonde- ments par les coups frappés dans l'épaisseur de ses murs et de ses cloisons, à tel point que la bâtisse lézardée menace ruine. A plusieurs reprises et des heures durant, les curieux accourus par centaines (1) Je ne parle, bien entendu, que des témoins ouïs en justice; car, à les dénombrer tous, il faudrait compter par centaines. (2) Des Esprits et de leurs manifestations fluidiques; tome I du grand ouvrage, pages 331-363. 400 LE TEMPLE DE SATAN fouillent les lieux en tous sens, et cela sans par- venir, au plus fort de la bourrasque, à démasquer la cause de ces coups, qui se multiplient sur toutes les surfaces de la maison. Pourtant ils s'entendent à deux kilomètres (ici, je soupçonne de quelque exagération les arbitres de la distance), et vraiment on n'a rien négligé dans les explorations, tant au dehors qu'à l'intérieur. Le vacarme demeure inex- plicable. Sur ces entrefaites, l'agent mystérieux daigne manifester son intelligence, en rythmant la cadence de certains airs, qu'il a la courtoisie de varier au caprice des assistants. M. de Mirville accourt à l'improviste, pose avec l'Invisible les conditions d'un dialogue par coups frappés: un coup veut dire oui, deux coups équiva- lent à non; les coups plus nombreux correspon- dent, en progression normale, au chiffre de classe- ment de toutes les lettres de l'alphabet. Grâce à cet ingénieux procédé, dont on a peut- être abusé depuis, le Diable — car M. de Mirville ne bronche point en cette magistrale appellation — le Diable réplique avec une infaillible sagacité, un à- propos des plus spirituels et un imperturbable aplomb, à toutes les questions qu'on lui pose: telles que le nom, l'âge, le domicile, la qualité d'une foule de personnes étrangères et inconnues dans le pays. Jamais démon fit-il paraître plus de complaisance?... Puis, ce sont les objets inertes à qui prend fan- taisie d'entrer en danse : et les tables de faire la culbute, et les chaises de déambuler par toutes les MODERNES AVATARS DU SORCIER 401 pièces ; et les couteaux, les brosses, les bréviaires, de s'envoler par une fenêtre pour rentrer par l'autre !. La pelle invite la pincette à une mazourque aus- sitôt exécutée; les fers de repassage reculent jus- qu'au fond de la pièce, poursuivis par la flamme du foyer, qui se déroule, sinueuse, à l'instar d'un ser- pent. Les vitres volent en éclats; les meubles les plus lourds s'élèvent, et demeurent suspendus. Un énor- me pupitre, chargé de livres, s'élance avec force au visage de M. R... de Saint-V..., puis, s'arrêtant brus- quement à quelques millimètres de son front, s'é- croule sans faire plus de bruit qu'une plume, en tombant à ses pieds. Toutes choses constatées et affirmées par un nombre toujours croissant de témoins honorables, accourus des environs: citons, entre autres, MM. de uploads/S4/ les-avatars-du-sorcier-par-s-de-guaita.pdf
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- Publié le Oct 07, 2021
- Catégorie Law / Droit
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