1 INSTITUT UNIVERSITAIRE D’ABIDJAN (IUA) ----------------- DROIT CONSTITUTIONNE
1 INSTITUT UNIVERSITAIRE D’ABIDJAN (IUA) ----------------- DROIT CONSTITUTIONNEL 2 Cours du professeur Martin BLEOU Professeur titulaire des Universités (année universitaire 2020-2021) ----------------- DROIT CONSTITUTIONNEL IVOIRIEN INTRODUCTION Le droit constitutionnel, qui est le droit qui régit le pouvoir politique, n’existe que rapporté à l’Etat. Ce qui veut dire que le droit constitutionnel ne se rencontre que là où existe un Etat au sens d’une entité politique indépendante. De cette observation il suit que le droit constitutionnel ivoirien a un lien avec l’Etat de Côte d’Ivoire. Or, l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas toujours existé. Bien sûr, des populations d’origines diverses étaient établies sur le sol qui forme aujourd’hui le territoire de la Côte d’Ivoire. Mais, l’Etat de Côte d’Ivoire, en tant qu’entité organisée et souveraine, n’existait pas encore. Son avènement a une histoire qu’il convient de découvrir à travers le mouvement ayant conduit à la naissance de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ce mouvement comprend deux étapes : il y a la phase qui part de la naissance de la colonie au statut d’Etat membre de la Communauté ; et il y a la phase qui va de la Communauté à l’indépendance. I- Du statut de colonie au statut d’Etat membre de la Communauté Le 10 mars 1893, la Côte d’Ivoire est érigée en colonie française par l’effet d’un décret du président de la République française. En tant que colonie, la Côte d’Ivoire était dépourvue de toute vie politique propre. Elle était, par conséquent, dépourvue d’un droit constitutionnel autonome. Il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale à laquelle, comme à la première, les Africains avaient participé, pour voir apparaître un embryon de vie politique et administrative, et cela à la faveur de la fameuse Conférence de Brazzaville qui s’est tenue du 30 janvier au 08 février 1944. Des institutions locales, les unes délibératives, les autres exécutives, vont être mises en place. De plus, par l’effet d’une ordonnance de 1945 la vie politique française s’ouvre quelque peu aux ressortissants d’Outre-mer. Ainsi, des représentants des colonies – dont la Côte d’Ivoire – vont être élus pour siéger dans les Assemblées métropolitaines ainsi qu’à l’Assemblée constituante française. Avec la Constitution française du 27 octobre 1946 instituant la IVe République, le mouvement se confirme et se consolide. Cette Constitution ayant révélé ses faiblesses et ses insuffisances par suite des événements d’Algérie (tentative de coup d’Etat menée par un groupe de généraux), le général de Gaulle est appelé aux affaires ; il se voit confier le soin d’élaborer le texte d’une nouvelle 2 Constitution. La Constitution du 04 octobre 1958, élaborée sous l’impulsion du général de Gaulle, sera adoptée par référendum. Tenant compte de l’évolution des mentalités et, par conséquent, de la nécessité de renouveler les rapports entre la métropole et les territoires d’Outre- mer, le texte de la nouvelle Constitution offre aux territoires d’Outre-mer la possibilité de demeurer rattachés à la France ou de prendre leur indépendance. La Guinée, sous la houlette de Sékou Touré, vote « non » au référendum du 28 septembre 1958 et accède, de ce fait, à l’indépendance. La Côte d’Ivoire, à la demande de M. Félix Houphouët-Boigny, vote « oui » à 99,99%, et choisit le statut d’Etat membre de la Communauté. Mais, l’appartenance à la Communauté dans sa forme originelle ne sera que de courte durée. II- De la Communauté à l’indépendance Peu après l’adoption et l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, la Fédération du Mali, composée du Sénégal et du Soudan français (l’actuel Mali) demande l’indépendance. Or, en vertu de l’article 86 de la Constitution française du 04 octobre 1958, le statut d’Etat indépendant est incompatible avec celui d’Etat membre de la Communauté. Cela signifie que la Fédération du Mali ne pouvait accéder à l’indépendance tout en demeurant membre de la Communauté. Or, le général de Gaulle était sensible à l’évolution des mentalités et à l’environnement international qui était hostile à la poursuite de la colonisation. De Gaulle avait donc compris qu’il valait mieux canaliser le mouvement plutôt que de l’entraver. Il décida, alors, de faire droit à la demande qui lui était soumise. Pour cela, la révision de la Constitution de 1958 s’imposait. Ainsi, le 04 juin 1960, l’article 86 de la Constitution française du 04 octobre 1958 est révisé. Il est prévu, à cet effet, un nouvel alinéa, aux termes duquel un Etat membre de la Communauté peut devenir indépendant sans cesser pour autant d’être membre de la Communauté. L’obstacle constitutionnel ainsi levé, la Fédération du Mali accède à l’indépendance le 20 juin 1960, puis éclate le 20 août 1960, donnant naissance à deux Etats distincts : le Sénégal et le Mali. A la suite de la Fédération du Mali, Madagascar, par son Premier ministre, M. Tsiranana, demande et obtient l’indépendance tout en demeurant membre de la Communauté. M. Félix Houphouët-Boigny, fervent partisan de la Communauté dans sa forme primaire, qui assiste à la déliquescence de celle-ci, est ulcéré, révolté. Il présente, alors, au nom du Conseil de l’Entente, une requête auprès des autorités françaises, tendant à obtenir l’indépendance. Des négociations ont lieu entre la France et les différents Etats membres du Conseil de l’Entente. S’agissant du cas de la Côte d’Ivoire, ces négociations débouchent sur la signature, le 11 juillet 1960, d’un accord dit accord particulier portant transfert de compétences de la Communauté à la Côte d’Ivoire. Tenant compte de cette évolution, des dispositions sont prises en Côte d’Ivoire : il est procédé à la révision de la Constitution du 26 mars 1959 dont la Côte d’Ivoire s’était dotée dans le cadre de la Communauté. La loi constitutionnelle, intervenue à la date du 27 juillet 1960, énonce en son article 1er : « L’Etat de Côte d’Ivoire est une République indépendante et souveraine ». 3 Son article 2 dispose : « Le chef de l’Etat, chef de l’exécutif, est le Premier ministre avec les rang, pouvoirs et prérogatives qui s’attachent à ces fonctions ». Quant à l’article 3, il prévoit : « Le parlement est composé d’une Assemblée unique dite Assemblée nationale ». Le même jour, l’Assemblée législative de Côte d’Ivoire, devenue Assemblée nationale, approuve l’accord particulier conclu entre la France et la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire devient ainsi un Etat indépendant et souverain dès après l’accomplissement de ces formalités. Ainsi naquit l’Etat de Côte d’Ivoire à la souveraineté nationale et internationale. Cette naissance, advenue le 27 juillet 1960 par l’effet de l’accomplissement des formalités prévues, sera proclamée le 07 août 1960. Cérémonie émouvante, cérémonie vivante : un Etat se retirait, l’Etat français ; un autre naissait, l’Etat ivoirien. Au Palais de l’Assemblée nationale, au moment où la journée du 06 août meurt dans celle du 07 août 1960, le Premier ministre, chef du nouvel Etat – M. Félix Houphouët-Boigny – monte à la tribune et proclame, au milieu de la gent ivoirienne saisie d’émotion, et de la délégation française conduite par le ministre d’Etat Louis Jacquinot : « En vertu du droit inaliénable qu’a tout peuple de disposer librement de lui-même, je proclame, solennellement, en ce jour béni du 07 août 1960, l’indépendance de la Côte d’Ivoire ». Le général de Gaulle envoya au nouvel Etat ce message d’amitié dont la lecture marqua la fin de la cérémonie : « La Côte d’Ivoire devient une réalité internationale responsable de son destin. La foi et l’ardeur de ses citoyens, la richesse de son sol donnent tout lieu de penser qu’elle affrontera avec succès sa tâche d’Etat indépendant. La Côte d’Ivoire peut compter que le concours de la France et son amitié ne lui seront pas marchandés. Je lui adresse les vœux fervents et fraternels de la France. Vive la Côte d’Ivoire, vive la France ». L’Etat de Côte d’Ivoire, qui vient de naître, ainsi qu’on le constate, jouit de la souveraineté qui est l’attribut essentiel de l’Etat, de tout Etat. La question est maintenant de savoir ce qu’il en est des deux autres éléments constitutifs de l’Etat, à savoir la population et le territoire. Relativement à la population, qui est l’élément charnel de l’Etat, on peut dire qu’elle est constituée des peuples issus des différentes tribus ou ethnies que la colonisation a rassemblés sur le sol ivoirien. En ce qui concerne le territoire de l’Etat, les documents de l’époque précoloniale et ceux liés à la colonisation autorisent à affirmer qu’il est le produit d’une évolution marquée du sceau de la complexité. En effet, légué par l’ancienne puissance coloniale, le territoire de la Côte d’Ivoire a été déterminé et tracé de deux manières différentes : les frontières entre la Côte d’Ivoire et les anciennes possessions françaises que sont la Guinée, le Mali et le Burkina Faso sont des frontières déterminées et tracées par la France toute seule en tant que puissance administrante. Ces frontières sont donc le produit de la volonté française parce que ces territoires étaient des possessions françaises, et dans ces conditions, la détermination de ces frontières répondait aux besoins de l’entreprise coloniale. Ces frontières étaient donc des frontières administratives parce que marquant les limites de circonscriptions territoriales à uploads/S4/ les-cour-de-droit 1 .pdf
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- Publié le Mar 07, 2021
- Catégorie Law / Droit
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