LES DÉBUTS DE LA FACULTÉ CATHOLIQUE DE DROIT DE LILLE (1874-1894) L'établisseme

LES DÉBUTS DE LA FACULTÉ CATHOLIQUE DE DROIT DE LILLE (1874-1894) L'établissement de la liberté de l'enseignement supérieur par la loi du 12 juillet 1875 permet l'ouverture de Facultés catholiques de droit; des cours de droit sont mis en place sous le contrôle de l'épis- copat ; ils peuvent se maintenir à Angers, à Lille, à Lyon, à Paris, en dépit des efforts faits par des républicains pour supprimer les Facultés catholiques; toutefois, dans le sud-ouest, où s'est créée une Univer- sité catholique à Toulouse, il faut renoncer à la Faculté de droit en 1885 (1). A Lille, le développement de la révolution industrielle favorise l'installation d'une Faculté de droit; la bourgeoisie et les hautes classes moyennes, agissant par l'intermédiaire du conseil municipal sous le majorat d'Auguste Richebé (2), réclament, en mars 1861, l'ouverture d'abord d'une école de droit commercial, puis d'une Faculté, mais elles se heurtent au refus formulé, quatre mois plus tard, par Rouland, ministre de !'Instruction publique et des cultes (3). Or, en 1865, Napoléon III, cédant aux pressions exercées par la municipalité de Douai, réinstalle une Faculté de droit à Douai, le décanat étant confié à Blondel, qui enseignait le Code Napoléon à la Faculté de droit de Rennes (4). Après la chute du Second Empire, (1) Edmond RENARD, Le cardinal Mathieu 1839-1908. Angers-Toulouse-Rome. La dernière crise de l'Eglise concordataire, Paris, J. De Gigord, 1925, p. 532. (2) Maire de 1852 à 1866 (Pierre PIERRARD, Lille et les Lillois. Essai d'histoire collective contemporaine (de 1815 à nos jours), Paris, Bloud et Gay, 1967, p. 313). (3) Archives communales de Lille, cote 1 D 2-46 : Délibérations du Conseil municipal du 5 mars au 9 août 1861, séance du 19 mars 1861 p. 139, séance du 10 mai 1861 p. 211-212, séance du 7 août 1861 p. 350 ; Archives départementales du Nord, série IT 20, dossier 7 : Lille, Création. Vœu du Conseil municipal. (4) La Faculté est créée par un décret du 28 avril 1865 ; Blondel est nommé par un décret du 19 juin 1865 (Arch. dép. du Nord, série IT 20, dossier 2 : Douai demande le rétablissement 1864-1865, et dossier 5 : Douai. Subventions pour achats de prix et de médailles et rapports annuels du doyen au Conseil général 1866-1880, document « Conseil général du département du Nord. Session de 1865 - Extrait du rapport du Préfet. Faculté de droit à Douai » ; Jean ROHR, Victor Duruy, ministre de Napoléon III. Essai sur la politique de l'instruction publique au temps de l'Empire libéral, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1967, p. 92). 74 REVUE D'HISTOIRE DES FACULTÉS DE DROIT les royalistes lillois reprennent à leur compte le vœu de 1861 ; rallié à leur cause, le filateur Philibert Vrau (1829-1905), animateur de deux mouvements catholiques, l'Adoration nocturne et le Cercle de Lille, figure parmi les fondateurs de l'Université catholique; il est secondé, dès 1871, par le journal La Vraie France, fondé par le Comité royaliste du Nord et animé par le banquier Auguste Scal- bert (5) ; c'est de la collusion de cet industriel et de son beau-frère le médecin Camille Féron-Vrau, avec les évêques ultramontains de la province de Cambrai (6), que surgit une Faculté catholique de droit à Lille. Dès 1873, Philibert Vrau rassemble une assemblée générale des Comités catholiques du Nord et du Pas-de-Calais, d'où sort une esquisse de l'enseignement supérieur catholique; brûlant les étapes, ses instigateurs mettent en place, dès novembre-décembre 1874, des cours de droit limités au droit romain, au droit français, au droit naturel, auxquels est jointe une séance de « leçons appro- fondies de religion»; cet embryon de Faculté est d'abord baptisé «Institut catholique», mais l'inspecteur d'Académie de Douai oblige ses créateurs à y substituer le titre de « Cours libres de Lille » ; l'enseignement est divulgué dans les bâtiments de l'ancien hôtel de la préfecture de Lille ; la véritable Faculté de droit y est inaugurée le 18 novembre 1875 (7). Quelle est la vie de cette Faculté au début de l'enseignement supérieur catholique ? Des éléments de ses activités et de ses parti- cularités sont discernables dans les procès-verbaux des séances du corps enseignant tenus à partir de l'inauguration de la Faculté, et dans une revue de cette Université, le Bulletin de l'Œuvre des Facultés Catholiques de Lille, diffusé à partir de 1879-1880, baptisé Les Facultés Catholiques de Lille à partir de 1905, remplacé pendant la première guerre mondiale par un Bulletin de Guerre des Facultés Catholiques de Lille (8) ; son relais est pris, de nos jours, par la revue Ensemble. L'Institut Catholique de Lille conserve aussi, dans sa bibliothèque, des collections d'opuscules et ouvrages écrits par les enseignants. Qui sont ces enseignants et leur doyen? Quelles sont leurs (5) Mgr BAUNARD, Philibert Vrau et les Œuvres de Lille 1829-1905, Paris, Maison de la Bonne Presse et Libr. Vve Ch. Poussielgue, 1906, p. 73 et suiv., 104 et suiv. ; PIERRARD, Lille et les Lillois ... , op. cit., p. 189. (6) Le cardinal Régnier, archevêque de Cambrai, et son auxiliaire Mgr Mon- nier; Mgr Lequette, évêque d'Arras (E. LECANUET, L'Eglise de France sous la Troisième République 1870-1878, Paris, Libr. Vve Ch. Poussielgue, 1907, p. 265-266). (7) BAUNARD, op. cit., p. 112 et suiv.; Alain DELAPORTE, Un grand patron chrétien Philibert Vrau, mémoire, Université de Lille III, 1973, p. 95; Emile LESNE, Histoire de la fondation de l'Université catholique de Lille (1874-1877), Lille, S.A. d'imprimerie et Editions du Nord, 1927, p. 4 et suiv.; P. PIERRARD, «A propos du centenaire de la loi du 12 juillet 1875. Les origines de l'ensei- gnement supérieur catholique à Lille>>, Ensemble, n° 1, 1975, p. 13 et suiv. ; Louis TRÉNARD, De Douai à Lille... Une Université et son histoire, Lille III, 1978, p. 83. (8) Pour les désigner, ces sigles seront utilisés : B.O.F.C.L., L.F.C.L., B.G.f.C.L. ET DE LA SCIENCE JURIDIQUE 75 méthodes pédagogiques? Quels sont leurs rapports avec l'Etat répu- blicain? Ces questions vont être analysées pour la période s'achevant à 1894, au cours de laquelle l'extrême-droite légitimiste coiffe un enseignement pro-royaliste; à partir de 1894, l'orientation change d'aspect, et subit l'influence d'Eugène Duthoit (1869-1944), fondateur d'une Ecole des sciences sociales et politiques (9). 1. - LE CORPS ENSEIGNANT ET SON DOYEN Les fondateurs de la Facluté de droit recrutent hâtivement des enseignants laïques parmi des docteurs en droit royalistes. En 1874, le droit naturel échoit au Père Cochard, jésuite; le droit romain est confié à Claude Arthaud (1845-1912), venu de Lyon, tandis que le droit français est confié à Emile Vanlaer (1841-1916) (10), avocat lillois, fils d'un filateur docteur en médecine de Tourcoing (11). En 1875, la concurrence entre les fondateurs des futures Universités catho- liques contraint à contacter des docteurs sans vocation pour l'ensei- gnement, ou simples agrégatifs ; un seul cas exceptionnel survient en août, quand Camille Féron-Vrau obtient l'adhésion d'un agrégé de droit, Marie-Gabriel-André de La Broüe de Vareilles-Sommières (1846- 1905), avocat à la Cour d'appel de Poitiers, qui a fait ses premières armes en enseignant aux Facultés de droit de Douai et Poitiers (12); (9) Pierre PIERRARD, Gens du Nord, Paris, Arthaud, 1985, p. 220-221. Eugène Duthoit est le troisième doyen de la Faculté catholique de droit de 1925 à 1944, et succède à Louis Selosse, doyen de 1905 à 1925. (10) LESNE, Histoire ... , op. cit., p. 11 et 13 ; PIERRARD, «A propos ... », p. 19 ; « Discours de M. Selosse » dans « Monsieur Claude Arthaud 1845-1912 », L.F.C.L., 1912, p. 56. (11) Emile Vanlaer descend d'un émigré venu du Limbourg hollandais à la fin du XVIIIe siècle ; son grand-père est marchand drapier ; son père, le docteur Ferdinand Vanlaer (1809-1866), épouse Stéphanie Colette, fille d'un notaire de Seclin (Nord), et devient conseiller municipal de Tourcoing, élu en 1846, 1848, 1852; Emile Vanlaer ne suit pas les convictions politiques de son père, car il est, à Tourcoing, élève du collège communal sous le principalat d'un disciple de Maistre et de Bonald, l'abbé Leblanc, et son éducation est monarchiste ; il étudie le droit à Paris de 1860 à 1867, s'inscrit au barreau de Lille, et devient sous-lieutenant à la garde nationale sédentaire pendant la guerre de 1870; en 1868, il épouse Marie Ducrocq, fille d'un notaire qui est maire de Marcq-en- Barœul (Nord) de 1863 à 1881 (Eugène DuTHOIT, « M. Emile Vanlaer », dans la rubrique «Nos deuils en marge de la guerre», B.G.F.C.L., 1915-1917, p. 229; Charles RouSSEL-DEFONTAINE, Histoire de Tourcoing, repr. de l'éd. de E. Vana- ckere, Lille, 1855, par les Ed. Culture et Civilisation, Bruxelles, 1976, p. 267, 288, 440; Histoire de Tourcoing, dir. d'Alain LOTTIN, Dunkerque, Westhoek- Editions, Les Ed. des Beffrois, 1986, p. 205, 207 ; Histoire de Marcq-en-Barœul, dir. de Paul DELSALLE, Dunkerque, Westhoek-Editions, Les Ed. des Beffrois, 1983, p. 228 ; Archives municipales de Tourcoing, Kl A2, Kl A3 ; interview de M. Claude Henri Vanlaer, petit-fils d'Emile Vanlaer, à Lambersart [Nord], le 4 .iuin 1985). (12) Après ses études uploads/S4/ les-debuts-de-la-faculte-catholique-de-droit-de-lille.pdf

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  • Publié le Mai 20, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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