Marcel MAUSS (1920) “ La nation ” Un document produit en version numérique par
Marcel MAUSS (1920) “ La nation ” Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Marcel Mauss (1920) “ La nation ” Une édition électronique réalisée à partir du texte de Marcel Mauss (1920), « La nation. » Extrait de l’Année sociologique, Troisième série, 1953- 1954, pp. 7 à 68. Texte reproduit in Marcel Mauss, Oeuvres. 3. Cohésion sociale et division de la sociologie (pp. 573 à 625). Paris: Les Éditions de Minuit, 1969, 734 pages. Collection: Le sens commun. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition du 13 octobre 2002 réalisée à Chicoutimi, Québec. Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 3 Table des matières “ La nation ” (1920) Introduction Nations et nationalités Les phénomènes internationaux Deux observations préalables I. - Civilisation II. - Technique III. - Esthétique IV. - Religion V. - Droit VI. - Faits linguistiques Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 4 “ La nation ” par Marcel Mauss (1920 ?) Une édition électronique réalisée à partir du texte de Marcel Mauss (1920), « La nation. » Extrait de l’Année sociologique, Troisième série, 1953-1954, pp. 7 à 68. Texte reproduit in Marcel Mauss, Oeuvres. 3. Cohésion sociale et division de la sociologie (pp. 573 à 625). Paris: Les Éditions de Minuit, 1969, 734 pages. Collection: Le sens commun. Introduction Retour à la table des matières Le mot « nation » est d'un emploi récent, relativement, dans le langage technique des juristes et philosophes, et encore plus dans celui des peuples eux- mêmes. Les concepts de cité, ou société, de souveraineté, de droit, de loi, de politique, sont depuis longtemps fixés ; celui d'État l'est depuis le mouvement d'idées qui va des grands juristes français du XVIe siècle aux grands juristes hollandais et allemands du XVIIe et XVIIIe siècles. Celui de la nation a été infiniment plus lent à naître ; dans un bon nombre de langues, il n'est pas encore très usuel ; dans le langage technique, il n'est pas encore fixé, et la plupart du temps se confond avec celui d'État. Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 5 Un peu d'histoire des idées et de la philologie comparée sont ici nécessaires. * ** Le mot « nation » désigne encore dans le langage français ce qu'il connotait autrefois exclusivement. On dit encore en droit consulaire, et même en langage courant, « pays orientaux », et généralement d'un tel et tel qu'il est de nation française, anglaise, de « naissance » française ; l'on conserve à Paris le souvenir de diverses « nations » représentées par les divers Collèges à l'Université. C'est dans ces deux ordres d'institutions - droit universitaire et droit consulaire chrétien en pays idolâtres - que s'est formée l'idée que les sujets d'un prince à l'étranger formaient une « nation ». Le principe est encore en vigueur dans les Capitulations appliquées en pays musulman, où chaque « nation » se nommait par l'autorité de ses consuls. Ce sont les clercs, clercs en droit civil et public, et clercs en droit canon, qui ont les premiers étudié le sens de ce mot. Il semble qu'au XVIe siècle le mot ait encore eu une assez grande vogue, et presque déjà une acception moderne. On le voit employer par nos grands juristes et économistes du début de ce siècle, les Cujas, L'Hôpital et Bodin, tous ces grands et braves hommes dont l'action aboutit aux États Généraux de 1576 où la voix de la raison commence à se faire entendre. La nation et son prince, voilà les deux termes dont ils se servaient déjà dans une opposition fort nette. De même, dans une autre partie du monde chrétien, Luther s'adressait déjà aux nobles, puis aux peuples de la « Nation allemande », qu'il voyait d'ailleurs réalisée dans son clergé, ses Universités, sinon dans l'Empire toujours romain et ses « peuples » toujours divisés. Cette tradition, contemporaine des premiers efforts du libéralisme et de la démocratie, fut malheureusement oubliée. A ce moment ce furent les notions il semble qu'elles étaient en effet logiquement antécédentes de souverain, d'État, de loi, qu'on élaborait. Il fallait sans doute que les États fussent unifiés par la volonté du prince, expression suprême bien qu'inconsciente de la volonté des peuples. Il fallait qu'ils fussent policés par une loi, une constitution dont le prince fût le premier serviteur. Il fallait surtout que le concept de nation, c'est-à-dire de l'en- semble des citoyens d'un État, ensemble distinct de l'État, pût apparaître aux yeux des « philosophes » et des juristes. Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 6 Il apparaît avec les philosophes du XVIIIe siècle et la politique des deux Révolutions. Chose curieuse, il est resté presque ignoré des théoriciens des deux Révolutions qui ont plus fait qu'aucun pour établir le régime démocratique inséparable de la notion même de nation : les deux Révolutions anglaises. Encore aujourd'hui le mot anglais de nation ne fait guère partie que du vocabulaire radi- cal, où il est revenu des Français et socialistes anglais. La constitution de la nation anglaise s'est faite avec les vieux vocables de « sujets » et de « royaume », de « contrée » tout au plus, tant il est vrai qu'en matière technique, en politique surtout, on peut faire une chose sans en avoir eu préalablement le concept, surtout abstrait. On peut même continuer à le faire, sans en prendre conscience davantage qu'il n'est utile. Ce sont les philosophes du XVIIIe siècle français qui l'ont élaboré, sinon de façon claire et adéquate, du moins distinctement. Les Encyclopédistes et Rousseau, ce dernier surtout, l'adoptèrent définitivement. Le « Sage » de Genève, surtout, avait vu fonctionner en Suisse - sinon chez lui, chez les Messieurs de Genève et chez ceux de Berne, démocraties patriciennes, du moins dans les peti- tes communautés cantonales - la législation populaire. Il savait par expérience ce qu'est un peuple et une nation, mieux que ceux qui n'avaient les yeux fixés que sur l'appareil constitutionnel anglais. Et c'est lui qui distingue, comme dans la pratique suisse, le représenté, souverain, de son représentant les Assemblées législatives ou exécutives. Ce sont ensuite les théoriciens et les hommes politiques de la Révolution française. La Révolution américaine, où se fonde une nation, sur une pleine crise nationale, opposant une jeune démocratie à un vieux royaume et à une bureau- cratie coloniale, fut, elle aussi, à demi inconsciente de son caractère fondamental. Les peuples anglo-saxons ont en effet un génie pratique oui leur fait inventer des formes de droit capitales, mais ils ont en même temps une sorte de timidité idéologique qui fait perdre conscience du caractère révolutionnaire de leurs interventions politiques. Tout autrement pensent les Révolutions continentales, la française et l'allemande. Les concepts, les idéaux précèdent souvent le droit. Cependant, là encore, entre les anticipations du philosophe et les décisions prati- ques des hommes politiques et les idées-forces de l'opinion publique enfin fixée autour d'institutions, il y a une marge. Le concept de nation trouve une forme beaucoup plus précise, plus nette, plus féconde en même temps, après les jours mémorables de 1789 et surtout après le grand jour de la Fédération où, pour la première fois dans l'histoire, une nation tente de prendre conscience d'elle-même par des rites, par une fête, de se manifester en face du pouvoir de l'État... Il faut venir jusqu'aux temps récents, à l'ivresse révolutionnaire russe, pour retrouver des Marcel Mauss (1920), “ La nation ” 7 événements de si haut genre. « La Nation, la Loi, le Roi » : la Trinité des Cons- tituants était composée. Déplacement tout à fait normal du concept, et inclus fortement dans son essence même. La nation, telle que la conçoivent les grands révolutionnaires d'Amérique et de France, fut le milieu idéal où fleurit définitivement le patrio- tisme. Républicain et patriote forment dès l'origine des termes joints. Le peuple qui avait le premier posé des droits courut aux frontières pour les défendre et défit les armées des tyrans conjurés, suivant les expressions du temps, encore vraies de nos jours. La fidélité à un Roi, le dévouement à un État, le vague sens de l'indé- pendance nationale, ou plutôt l'horreur du gouvernement de l'étranger, étaient bien loin de la clarté de la notion de patrie. Celle-ci ne s'impose qu'avec les héros de Valmy. C'est de là qu'elle se uploads/S4/ mauss-la-nation.pdf
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- Publié le Oct 31, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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