Université Jean Moulin Lyon III – Faculté de Droit LE DROIT A LA DÉCONNEXION Pa

Université Jean Moulin Lyon III – Faculté de Droit LE DROIT A LA DÉCONNEXION Paul BURDEL Mémoire réalisé sous la direction de Monsieur le Professeur FROSSARD Serge Me GAUTIER Philippe, Avocat Associé, Cabinet Capstan Lyon Master II Droit Social et Relations de Travail Promotion 2016-2017 1 REMERCIEMENTS Je remercie Monsieur le Professeur Serge FROSSARD pour m’avoir suivi et conseillé au cours de l’élaboration de ce mémoire. Je remercie également l’ensemble de l’équipe pédagogique du Master II Droit Social et Relations de Travail de l’Université Jean Moulin Lyon III. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à Maître Philippe GAUTIER pour m’avoir accueilli au sein du cabinet d’avocats Capstan, bureau de Lyon, dans le cadre de mon stage de fin d’études. Je remercie également plus largement tous les avocats du cabinet Capstan Lyon qui m’ont apporté leur aide et leur expertise en Droit Social. Je remercie également Antoine JOVER pour sa précieuse aide permise par sa maitrise des outils informatiques. Et enfin, je tiens à exprimer ma gratitude envers mes parents pour m’avoir donné les moyens de réaliser les études que j’espérais, et plus spécifiquement ma mère pour sa relecture. 2 SOMMAIRE PARTIE I – LA LOGIQUE CONSÉCRATION LÉGALE DU DROIT À LA DÉCONNEXION CHAPITRE I – LES CONSÉQUENCES DU NUMÉRIQUE SUR LE DROIT DU TRAVAIL Section I – La remise en cause de certains grands principes Section II – L’hétérogénéité des impacts du numérique CHAPITRE II – LA MISE EN PLACE DU DROIT A LA DECONNEXION Section I – La consécration légale du droit à la déconnexion Section II – Les dispositifs envisageables Section III – Essai de définition du droit à la déconnexion PARTIE II – QUEL POUVOIR CONTRAIGNANT DU DROIT À LA DÉCONNEXION ? CHAPITRE I – LE DROIT À LA DÉCONNEXION COMPLÉTÉ PAR UN DEVOIR DE DÉCONNEXION ? Section I – Droit et devoir de déconnexion du salarié Section II – Devoir de déconnexion de l’employeur Section III – La déconnexion : coresponsabilité du salarié et de l’employeur Section IV – Les seuls outils juridiques insuffisants à garantir le droit à la déconnexion CHAPITRE II – UN DISPOSITIF CONTRAIGNANT DE MANIÈRE INDIRECTE Section I – Le respect des obligations générales relatives à l’exécution du contrat de travail Section II – La rupture du contrat à l’initiative du salarié Section III – Les conséquences sur la santé du salarié Section IV – Les conséquences sur la durée du travail Section V – Une action en dommages et intérêts fondée directement sur le droit à la déconnexion ? 3 ABRÉVIATIONS CE : Comité d’Entreprise CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme CFDT : Confédération Française Démocratique du Travail CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail CPC : Code de Procédure Civile CRRMP : Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles DP : Délégué du Personnel DRH : Directeur des Ressources Humaines GPEC : Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences Ibid. : Ibidem, Dans le même ouvrage, déjà cité JO : Journal Officiel NAO : Négociation Annuelle Obligatoire OIT : Organisation Internationale du Travail QVT : Qualité de Vie au Travail RPS : Risques PsychoSociaux SMS : Short Message Service TIC : Technologies de l’Information et de la Communication 4 INTRODUCTION « La révolution numérique était en train de bâtir brique par brique le rêve millénaire de toutes les dictatures : des citoyens sans vie privée, qui renonçaient d'eux-mêmes à leur liberté. »1 Cette citation constate les effets néfastes que peut avoir le numérique qui fait aujourd’hui preuve d’une réelle omniprésence.2 Face à ce phénomène, l’avènement du droit à la déconnexion ne peut être qu’apprécié (Section I), et cette innovation unique a d’ailleurs été plutôt félicitée à l’international (Section II). Section I – L’avènement du droit à la déconnexion Le numérique a bouleversé les relations de travail. S’il apporte des aspects positifs, d’importantes dérives ont pu être constatées, en effet « tout ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable (§I). »3 Face à ces dérives qu’il était nécessaire d’encadrer, le droit à la déconnexion s’est peu à peu imposé comme bouclier face aux impacts du numérique (§II). §I – Les impacts du numérique sur les relations de travail La force de l’Homme, c’est sa technique. Travail et technique nouent d’ailleurs une alliance qui remonte à la création des premiers outils agricoles, puis des premières machines industrielles. Ces objets présentaient à la fois un gain important de temps et de productivité dans la récolte des terres pour les premiers, et dans la production de biens pour les seconds. La contrepartie était un danger physique, nombreux étaient les accidents causés par l’utilisation de ces machines. 1 B. MINIER 2 R. CARELLO « Les coups de fils du pape François » : notre Pape actuel s’est mis à la page, il règle beaucoup de litiges en utilisant son smartphone. 3 J.-E. RAY « De la sub/ordination à la sub/organisation », Dr. Soc. 2002, p.5 5 Le dernier outil créé grâce à la technique de l’Homme, ce sont les TIC, qui sont définies4 comme « l’ensemble des techniques et des équipements informatiques permettant de communiquer à distance par voie électronique ». Cette innovation a entraîné un bouleversement des méthodes de travail riche en paradoxes puisque se développe des techniques de surveillance des plus intrusives, concomitamment à l’affirmation d’un droit irréductible à la vie privée dans l’entreprise.5 Autre conséquence, ce n’est donc plus seulement la santé physique du salarié qui doit être protégée par l’employeur, mais également sa santé mentale. L’intrusion de ces nouvelles technologies pouvant être source de troubles psychiques à l’image du Burn-out qui a récemment été reconnu comme maladie professionnelle. Nous savons aujourd’hui que le stress professionnel peut tuer, aussi sûrement que l’explosion d’une machine.6 Cette constatation n’est pas sans rappeler la vague de suicides dont a été victime7 France Telecom il y a quelques années… Dès 1992, le Professeur Jean-Emmanuel Ray constatait que 38% des salariés déclaraient consacrer au moins trois heures par jour de travail à leur ordinateur, contre seulement 30% en 1987.8 Ce constat s’est développé de manière prononcée non-seulement en pourcentage de salariés utilisant des TIC de manière professionnelle, mais surtout en nombre d’heures passées dessus. Car nombreux sont les cadres qui passent la grande majorité de leurs temps de travail sur leur ordinateur et téléphone professionnel. Mais cela concerne également d’autres travailleurs, par exemple les avocats salariés. Ils sont, pour la majeure partie de leurs temps, soit au téléphone avec un client, ou un confrère, soit derrière leur ordinateur à rédiger des notes ou des conclusions. Cette transformation numérique ne correspond pas à l’archétype de l’entité industrielle sur laquelle s’est construit le droit du travail.9 Nous entrons ainsi dans l’ère de l’ubiquité, dans 4 Définition du dictionnaire Larousse 5 H. BOUCHET « A l’épreuve des nouvelles technologies : le travail et le salarié » Dr. Soc. 2002, p.78 6 C. RADE « Nouvelles technologies de l’information et de la communication et nouvelles formes de subordination », Dr. Soc. 2002, p.26 7 Ou alors responsable ? 8 J.-E. RAY « Nouvelles technologies et nouvelles formes de subordination » Dr. Soc. 1992, p.5 9 J.-E. RAY « De la sub/ordination à la sub/organisation », Dr. Soc. 2002, p.5 6 laquelle se développera le travail 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, puisque désormais lorsque nous souhaitons10 travailler, nous le pouvons.11 Mais, comme nous l’évoquions, le numérique est riche de paradoxes. En effet, si certains sont prisonniers de leur téléphone mobile professionnel, ils ne peuvent malgré tout pas s’en passer. C’est ainsi que le Professeur Jean-Emmanuel RAY ironisait en imaginant que le Code pénal prévoie comme peine alternative à la prison12 une terrible sanction : le retrait du téléphone mobile. §II – L’émergence de la nécessité d’un droit à la déconnexion Si l’idée d’un droit à la déconnexion est présente depuis plus de quinze ans en jurisprudence (A) et en doctrine (B), il aura fallu attendre la Loi Travail pour qu’elle soit consacrée légalement (C). A – Une solution jurisprudentielle bien ancrée En 2001, la Cour de Cassation par l’arrêt dit « Zürich Assurances »13 précisait que « le salarié n'est ni tenu d'accepter de travailler à son domicile, ni obligé d'y transporter ses dossiers et ses instruments de travail ». Cet arrêt était judicieux et permettait d’affirmer clairement que si nous pouvons désormais travailler n’importe où, le domicile n’est justement pas un lieu comme les autres, mais plutôt le sanctuaire de l’intimité et de la vie privée.14 Il est donc nécessaire pour une telle demande de requérir l’accord exprès de la personne concernée, cette dernière ne pouvant donc pas être imposée unilatéralement. Cet arrêt était prévisible puisque la Cour de Cassation cherchait à endiguer cette « opération grignotage »15 de la vie privée commencée quinze ans auparavant par la démocratisation des astreintes. 10 Si nous le souhaitons réellement, car il s’avère qu’en réalité les connexions hors temps de travail le sont souvent sous l’effet de la contrainte, dans l’angoisse de ne pas finir à temps une mission. 11 Ces affirmations uploads/S4/ memoire-le-droit-a-la-deconnexion.pdf

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  • Publié le Nov 19, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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