LA CONDITION DU MINEUR DELINQUANT : UN STATUT AUTONOME PROTECTEUR ? - Corrigé C
LA CONDITION DU MINEUR DELINQUANT : UN STATUT AUTONOME PROTECTEUR ? - Corrigé C. Garçon La délinquance des mineurs constitue certainement l’une des meilleures illustrations des difficultés qu’éprouve le législateur contemporain à adapter le droit pénal aux personnes dont le discernement est inexistant ou incomplet. Depuis son adoption, l’ordonnance du 2 février 1945, texte fondateur du droit pénal des mineurs, a été réformée à trente quatre reprises, tantôt afin de privilégier une réponse éducative, tantôt dans le but de favoriser une réponse répressive. Une trente cinquième réforme devrait bientôt intervenir. C’est du moins ce que préfigurent le rapport sur la refonte de la justice pénale des mineurs remis à la Chancellerie par la commission présidée par André Varinard le 3 décembre 2008, et l’avant-projet de Code de la justice pénale des mineurs publié le 30 mars 2009. La condition du mineur délinquant en droit pénal est actuellement entièrement régie par l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, à laquelle renvoie l’art. 122-8 du Code pénal. Inspiré des thèses subjectives développées par l’Ecole de la défense sociale nouvelle, ce texte confère au mineur délinquant un statut protecteur, autonome du droit pénal applicable aux majeurs. En effet, l’ordonnance de 1945 structure le droit pénal des mineurs autour de quatre grands principes irriguant aussi bien le droit pénal de fond que le droit pénal de forme. Ainsi, le droit pénal de fond se déploie autour des principes de primauté de l’action éducative, et d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge. La procédure pénale est quant à elle gouvernée par les principes de compétence de juridictions pénales spécialisées dans la protection de l’enfance, et de mise en œuvre de procédures appropriées à la personnalité du mineur. Le Conseil constitutionnel a érigé chacun de ces principes au rang de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans sa décision du 29 août 2002 relative à la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Face à la délinquance des mineurs, le choix de faire primer la réponse éducative sur la réponse répressive apparaît donc nettement établi, ce qui accrédite immanquablement l’idée selon laquelle le mineur délinquant bénéficierait, en droit pénal, d’un statut autonome protecteur. Cependant, désormais soucieux de lutter contre l’insécurité que génèrerait la délinquance juvénile, le législateur a récemment renforcé la sévérité du droit pénal à l’égard du mineur délinquant. En effet, les vives critiques formulées à l’encontre du dispositif éducatif mis en place par l’ordonnance de 1945, dénoncé comme inadapté aux nouvelles formes de la délinquance des mineurs, ont conduit à l’adoption de nombreuses lois tendant a rapprocher le droit pénal des mineurs du droit pénal des majeurs, et remettant en cause, par touches successives, le statut autonome protecteur du mineur délinquant. Ainsi, après la loi du 1er juillet 1996 dont les principales dispositions ont eu pour objet d’accélérer le jugement des mineurs délinquants, la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a mené à une réforme de plus grande ampleur du droit pénal des mineurs. Ce texte a non seulement renforcé la sévérité droit pénal de fond applicable au mineur en reformulant le principe de leur responsabilité pénale et en donnant naissance à la catégorie des sanctions éducatives, mais a aussi donné naissance à une procédure pénale placée sous le signe de l’efficacité plutôt que sous celui de la protection. Les lois du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et du 10 août 2007 instituant les peines planchers se sont ensuite tour à tour inscrites dans cette perspective d’atténuation du statut autonome protecteur du mineur délinquant, aussi bien s’agissant des sanctions encourues (notamment application des peines plancher aux mineurs récidivistes), que des procédures pénales applicables (application de la procédure de composition pénale aux mineurs de 13 ans par exemple). En dernier lieu, le rapport élaboré par la commission présidée par André Varinard, et l’avant projet de Code de Justice pénale des mineurs du 30 mars 2009 semblent vouloir achever cette évolution, puisqu’ils préconisent l’abandon de la catégorie des mesures éducatives mises en place par la l’ordonnance de 1945 pour articuler la répression du mineur autour des sanctions éducatives et des peines. Au terme des cette évolution, se pose immanquablement la question de la persistance du statut autonome protecteur du mineur délinquant. A cet égard, et de manière paradoxale, bien que les évolutions législatives les plus récentes accréditent l’idée d’un alignement du droit pénal des mineurs sur le droit pénal des majeurs (I), le statut du mineur délinquant demeure essentiellement, en droit positif, un statut autonome protecteur (II). I – La remise en cause apparente du statut autonome protecteur du mineur délinquant Le législateur contemporain, par plusieurs interventions successives, semble avoir remis en cause le statut protecteur, autonome du droit pénal des majeurs, dont bénéficiait depuis près d’un siècle le mineur délinquant. Cette évolution se vérifie aussi bien en droit pénal de fond (A) qu’en droit pénal de forme (B). A) Remise en cause du statut autonome protecteur en droit pénal de fond Plusieurs interventions législatives récentes ont amoindri la spécificité du droit pénal de fond applicable au mineur délinquant. Le législateur a ainsi rapproché le statut pénal du mineur de celui du majeur, d’une part, en consacrant le principe de la responsabilité pénale des mineurs (1), et, d’autre part, en renforçant les sanctions applicables (2). 1) La consécration du principe de la responsabilité pénale des mineurs Ni l’ordonnance du 2 février 1945, ni l’article 122-8 du Code pénal de 1994, ne mentionnaient l’existence d’une responsabilité pénale des mineurs, et une partie de la doctrine évoquait encore, jusqu’à ces dernières années, une présomption d’irresponsabilité pénale des mineurs. Cette idée reposait sur le fait que, inspiré par les systèmes de défense sociale, le système en place depuis 1945 visait essentiellement à rééduquer le mineur délinquant, et non à le réprimer. La loi du 9 septembre 2002 a mis un terme à ces suppositions en proclamant nettement à l’art. 122-8 CP le principe de la responsabilité pénale des mineurs. Ce texte énonce en effet la règle selon laquelle « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnus coupables (…) ». Il n'y a donc plus lieu de faire référence à une présomption d'irresponsabilité pénale des mineurs, puisque, même si la primauté de l’action éducative reste de principe (sur ce point, v.II), la loi considère désormais clairement l’enfant comme pénalement responsable. Tout en proclamant la responsabilité pénale de principe pour les mineurs délinquants, le législateur du 9 septembre 2002 fait clairement du discernement une condition de la mise en œuvre de cette responsabilité pénale. Elle donne ainsi sa consécration légale à la solution qu’avait dégagée la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son célèbre arrêt Laboube du 13 décembre 1956. La position du droit pénal quant aux conditions d’engagement de la responsabilité pénale est donc désormais uniforme s’agissant des mineurs et des majeurs : le défaut de discernement constitue une cause de non imputabilité faisant obstacle à la caractérisation de l’élément moral de l’infraction, peu importe qu’il trouve son origine dans l’extrême jeunesse ou dans le trouble psychique ou neuropsychique. Seule la preuve de l’absence de discernement diffère selon que l’on a affaire à un prévenu majeur atteint d’un trouble mental ou à un prévenu mineur. En effet, « toute personne est présumée discernante, sauf si elle établit son trouble mental au moment des faits ; si elle est mineure, la preuve de l’absence de discernement sera tellement aisée chez un petit enfant que l’on peut considérer la présomption comme inverse, et comme se renversant au fur et à mesure qu’elle grandit, sans qu’un âge puisse être fixé » (J. Pouyanne). Mais il demeure que, pour le mineur comme pour le majeur, l’absence de discernement fait obstacle à la constitution de l’infraction, tandis que l’existence du discernement fonde l’engagement de la responsabilité pénale. Le traditionnel statut autonome protecteur du mineur délinquant se trouve ainsi amoindri. C’est cette même évolution qu’accrédite le renforcement récent des sanctions pénales applicables au mineur. 2) Le renforcement des sanctions pénales applicables au mineur Le principe de leur responsabilité pénale affirmé, les mineurs dotés de discernement sont susceptibles d’être pénalement réprimés. Alors que, jusqu’à présent, ils encouraient en principe les mesures éducatives de l’ordonnance de 1945, et à tire exceptionnel pour les mineurs de 13 à 18 ans, des peines atténuées, le législateur est récemment venu renforcer ce dispositif répressif. L’instauration des sanctions éducatives et le renforcement du régime des peines apparaissent particulièrement significatifs de cette sévérité nouvelle. En instituant les sanctions éducatives, la loi du 9 septembre 2002 a bouleversé l’architecture des sanctions applicables au mineur délinquant. Plus sévères que les mesures éducatives de l’ordonnance de 1945, et plus clémentes que les peines, les sanctions éducatives peuvent désormais être prononcées à l’encontre des mineurs de plus de 10 ans. Quant à leur contenu, ces uploads/S4/ mineur-et-droit-penal.pdf
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- Publié le Nov 26, 2022
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