COURS Emmanuel Dreyer Olivier Mouysset collection COURS Procédure pénale cours

COURS Emmanuel Dreyer Olivier Mouysset collection COURS Procédure pénale cours & TD LMD 1er exercice Dissertation : La preuve en matière pénale Emmanuel Dreyer La preuve en matière pénale consiste à démontrer l’existence d’un fait qui doit être impu- table à son auteur, qui révèle son état d’esprit (intention et parfois imprudence ou négli- gence) et le mode de participation à l’infraction constituée (action, coaction, complicité). En principe, le droit ne se prouve pas : une présomption de connaissance de la loi s’applique qu’il est difficile de combattre (erreur sur le droit). Le contenu de la loi étran- gère servant à la définition de la condition préalable de certaines infractions est tout au plus assimilé à un élément de fait qui doit être prouvé par celui qui l’invoque. L’hypothèse est marginale et renforce l’idée selon laquelle l’objet de la preuve pénale tient exclusive- ment aux faits largement entendus. Or, la preuve du fait en question (entendu aussi bien comme une action qu’une abstention, produisant éventuellement un résultat) incombe principalement au ministère public, car il est demandeur à l’action publique, qui est l’action principale dans le cadre du procès pénal. Sous cet aspect, il n’est donc pas dérogé à la règle actori incumbit probatio (la preuve incombe au demandeur) qui a pour elle l’avantage de la logique et domine l’ensemble du droit processuel. Elle se trouve tout au plus renforcée par un autre principe essentiel en matière pénale : la présomption d’innocence. Tant que la preuve de la culpa- bilité n’a pas été rapportée, la personne poursuivie ne peut être traitée comme si elle était déjà coupable. Le doute doit lui profiter et, à ce titre, le plus d’égards possible lui sont dus, nonobstant le souci de l’autorité de poursuite d’établir la vérité des faits. Il s’agit là de principes constants, mais qui ne disent rien sur la façon dont les preuves sont reçues devant la juridiction répressive. Malgré l’importance de la question, le Code de procédure pénale ne contient pas de disposition générale à ce sujet. Tout au plus, il se déduit d’un ensemble de dispositions éparses que la preuve est libre en matière pénale et que le juge se détermine, après débat contradictoire, selon son intime convic- tion. Évoquons à la suite ces deux points. I. La liberté de la preuve en matière pénale Dire que la preuve est libre signifie que la loi n’introduit pas de hiérarchie entre les diffé- rents modes de preuve, en écartant les uns et exigeant les autres. En d’autres termes, une infraction peut être prouvée par tout moyen alors que, dans un système de preuve légale, seuls certains moyens de preuve sont recevables et lient, parfois, le juge quant aux conséquences à en tirer. Dans un système gouverné par la liberté de la preuve, le juge peut donc se déterminer sur la base d’indices, témoignages prêtés sous serment et dépositions, écrits, rapports d’expertise, etc. Il apprécie la force probante de chacun d’eux sans être lié par l’importance que la loi leur attache. Ainsi, l’aveu de la personne pour- suivie n’est-il qu’une preuve parmi d’autres (CPP, art. 428). À lui seul, il ne saurait déter- miner la conviction du juge. En pratique, sa crédibilité suppose qu’il soit corroboré par d’autres éléments. PROCÉDURE PÉNALE 434 Le droit français a clairement opté pour cette liberté de la preuve en matière de crimes et délits. Cela résulte de l’article 353 du Code de procédure pénale faisant obligation au président de la cour d’assises de rappeler aux jurés que la loi « ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve » et de l’article 427, alinéa 1 du même code disposant, en matière correction- nelle, que « les infractions peuvent être établies par tout moyen de preuve ». Toutefois, ces moyens de preuve ne pourront avoir été collectés de n’importe quelle manière. L’absence de preuve légale ne signifie pas que la preuve de l’infraction peut être rapportée sans garantie : elle doit être loyale et respectueuse des droits d’autrui. A. Une preuve respectueuse du principe de loyauté De nombreuses règles de procédure pénale encadrent la façon dont l’enquête puis l’ins- truction peuvent être menées. Pour préserver les libertés et droits les plus essentiels, la garde à vue, les perquisitions et saisies, ainsi que les écoutes téléphoniques obéissent ainsi à des conditions très strictes. Mais cette réglementation minutieuse n’empêche pas la Haute juridiction de considérer qu’une preuve doit être écartée quand l’autorité de pour- suite l’a obtenue par fraude ou au moyen d’un stratagème qui a déterminé l’infraction : elle est, en toute hypothèse, tenue à une obligation de loyauté dans la recherche de la vérité. La même exigence ne s’applique pas aux parties privées. Une distinction s’impose donc. 1. La preuve rapportée par l’autorité de poursuite Par l’autorité de poursuite, la preuve doit être recueillie de manière passive : l’infraction ne doit pas avoir été provoquée aux seuls fins d’en démontrer l’existence. Il y a provoca- tion si l’infraction n’avait pas été commise sans l’action du policier qui la constate. Dans une telle hypothèse, elle ne peut être reprochée à son auteur et les procès-verbaux établis à cette occasion méritent d’être annulés. Le principe est entendu largement : « porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provo- cation à la commission d’une infraction par un agent public, fût-elle réalisée à l’étranger par un agent public étranger, ou par son intermédiaire », sachant « que la déloyauté d’un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus » (Cass. crim., 7 févr. 2007 : Bull. crim., nº 37). Sont le plus souvent en cause les agissements d’officiers de police judiciaire sous le contrôle d’un procureur de la République au cours d’une enquête. Mais la même exigence s’impose à ces agents intervenant sur commission roga- toire d’un juge d’instruction. La difficulté en la matière tient au fait que, pour autant, on ne peut écarter toute preuve d’une infraction à laquelle un policier aurait participé dès lors qu’il ne l’a pas suscitée. Ainsi, le seul fait d’avoir utilisé un faux nom ne saurait être reproché à un officier de police judiciaire, qui s’est fait passer auprès d’un receleur pour un acheteur potentiel de marchandises volées22. Pour autant, la distinction entre provocation (déloyale) à l’infraction et provocation (légitime) à la preuve s’avère délicate. Il en va notamment ainsi à l’occasion d’opérations d’infiltration. L’infiltration est l’une des rares techniques permettant à la 22. Cass. crim., 15 déc. 2015, nº 14-87935, Bull. crim., à paraître ; Gaz. Pal., 26 avr. 2016, p. 66, obs. F. FOURMENT. Travaux dirigés 435 police de démanteler des réseaux très fermés. La jurisprudence admet qu’en l’absence de toute autre « machination », le procès-verbal dressé par le policier qui relate les infractions auxquels il a pris part peut servir de preuve à l’encontre de ses coauteurs ou complices. La solution a été consacrée par le législateur, s’agissant du trafic de produits stupéfiants, à l’article 706-32 du Code de procédure pénale. Ce texte fixe néanmoins une limite infran- chissable : « les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infrac- tion ». La même solution a été consacrée à l’article 706-81 précisant les objectifs d’une infiltration policière en matière criminalité organisée. Il est désormais possible de provo- quer à la preuve mais toujours pas à l’infraction. 2. La preuve rapportée par les parties privées La même exigence ne s’impose pas aux parties privées. Depuis le début des années 1990, la Haute juridiction considère « qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu’il leur appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante » (Cass. crim., 15 juin 1993 : Bull. crim., nº 210). Elle ajoute parfois qu’il ne s’agit pas là d’actes ou de pièces de l’information judiciaire pouvant être « annulés » (Cass. crim., 27 nov. 2013 : Bull. crim., nº 238). Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle admis qu’une société exploitant un supermarché peut placer une caméra de surveillance dans une bouche d’aération afin d’établir la preuve de vols commis par certains de ses salariés (Cass. crim., 23 juill. 1992 : Bull. crim., nº 274). Elle a admis de même qu’un individu accusé de violences peut enregistrer les propos du témoin qui l’accable reconnaissant au téléphone avoir fait une fausse attestation (Cass. crim., 31 janv. 2007 : Bull. crim., nº 108). En 2003, la Haute juridiction est même allée jusqu’à admettre qu’une partie privée – en l’occurrence une association – pouvait recourir au testing, qui équivaut pourtant à une provocation à l’infraction. La solution est désormais consacrée à l’article 225-3-1 du Code pénal. À l’égard des éléments de preuve produits par les parties, seul le principe du contradictoire, découlant du respect des droits de la défense, doit donc être respecté. Il uploads/S4/ procedure-penale-corrige-pdf 1 .pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jul 30, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3411MB