exercices pratiques DROIT DES BIENS Stéphane Benilsi Louis-Frédéric Pignarre 2e

exercices pratiques DROIT DES BIENS Stéphane Benilsi Louis-Frédéric Pignarre 2e édition exercices pratiques TRAVAUX DIRIGÉS PRÉPARATION À L’EXAMEN D’ENTRÉE AU CRFPA Thème 2 La distinction des immeubles et des meubles CAS PRATIQUE M. Gérard Mandelachance souhaite acquérir un château du xviiie siècle, sis à la campagne, dans le Limousin. Le bien convoité est accompagné de dix hectares de bois, cinquante hectares de terre et d’une carrière. La visite commence. Dans la salle à manger se trouvent des boise- ries Louis XV; un miroir de la même époque rattaché à ces boiseries, légèrement évidées pour le recevoir; un buste d’Aristide Briand placé sur la cheminée. Dans une niche est joliment présentée une sculpture en bronze. Accompagné par le maître de céans, M. Mandelachance poursuit sa visite. Dans le parc, certains arbres ont fait l’objet d’un marquage; quant à la carrière, elle est en pleine exploitation. La visite est terminée. M. Mandelachance et son hôte s’accordent rapidement sur un prix. En attendant la réitération devant notaire par acte authentique, un écrit est signé. M. Mandelachance reste sur place. Il y passe sa première nuit. De très bon matin, l’avertisseur d’un camion le réveille brutalement. Dépêchés par l’ancien propriétaire, des déménageurs s’adressent à M. Mandelachance, lequel ne sait pas trop ce qu’ils peuvent emporter. Dans l’après-midi, se présente un bûcheron qui entend abattre les arbres marqués et les enlever à la demande du vendeur. Le soir, une entreprise de pompes funèbres se présente à M. Mandelachance, les employés souhaitent prélever, dans la carrière, un bloc de marbre. Ils prétendent avoir l’autorisation du vendeur. Gérard Mandelachance vient vous consulter afin d’obtenir des précisions sur la qualification des différents biens. Le cas pratique est un exercice d’argumentation juridique. Vos raisonnements doivent être logiques et reposer sur des fondements cohérents. En fonction de l’approche retenue, il est possible que plusieurs solutions soient susceptibles de convenir. Ce qui importe, ce n’est pas tant la conclusion que le cheminement intellectuel, la démarche suivie. L’exercice proposé permettra de s’en convaincre. Les choses 26 Monsieur Mandelachance vient d’acquérir un château. Il s’interroge sur la qualifi- cation juridique du bien acquis et de ses dépendances ainsi que sur la nature des différentes choses qui ornent la demeure. En ce qui concerne la présentation de la copie, une courte introduction est la bienvenue. Celle-ci permet de préciser le domaine concerné par les questions posées dans le cas pratique. Les faits peuvent être résumés en une phrase ou deux afin que le lecteur ait déjà une idée de la situation que vous devez résoudre. Il est complètement inutile de recopier l’énoncé de l’exercice. Les différentes questions juridiques sont ensuite traitées successivement. Il y a autant de parties que de problèmes de droit. I. Premier problème: qualification du château, des terres, des bois et de la carrière A. Faits M. Gérard Mandelachance souhaite acquérir un château. Le bien convoité est accompagné de dix hectares de bois, cinquante hectares de terre et d’une carrière. Quelle est la nature juridique de ses biens? Vous pouvez (devez!) regrouper l’étude de ces différents biens car le raisonnement qui va conduire à leur qualification est systématiquement le même. B. Règles de droit Article 516 du Code civil: «Tous les biens sont meubles ou immeubles». Article 517 du Code civil: «Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent». Article 518 du Code civil: «Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature». La qualification d’immeuble est exclusive de celle de meuble. Qualification alternative. Ainsi les biens sont soit: – meubles, – immeubles. Au sein de cette dernière catégorie on distingue (qualification exclusive): – les immeubles par destination; – les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent; – les immeubles par nature. Sont immeubles par nature: – les fonds de terre; Thème 2 • La distinction des immeubles et des meubles 27 – les bâtiments. Le critère de l’immeuble par nature est la fixité, l’adhérence, la liaison, l’ancrage au sol de sorte que le bien ne puisse pas être déplacé sans altérer le fonds lui-même ou que le bien procède d’une incorporation naturelle ou humaine. Tout ce qui fait corps avec la terre et ce qui fait corps avec ce qui fait déjà corps avec la terre est, sous l’angle du droit, immeuble par nature. Il n’est pas nécessaire de détailler, à ce stade du cas pratique, les règles relatives aux meubles, aux immeubles par destination et aux immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent. De toute évidence, ces qualifications ne sauraient être retenues s’agissant des biens étudiés ici. Une telle étude serait pure perte de temps. C. Conclusion Les faits de l’espèce permettent de conclure sans doute possible que le château, les bois, les terres, la carrière sont des immeubles par nature. II. Deuxième problème: qualification des boiseries Louis XV, du miroir et de la sculpture A. Faits Dans la salle à manger se trouvent des boiseries Louis XV légèrement évidées pour recevoir un miroir ainsi qu’une sculpture située dans une niche prévue à cet effet. Quelle est la nature juridique de ces biens? B. Règles de droit Article 517 du Code civil: «Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent». Article 524 du Code civil: «Les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. ’:[…] Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure». Article 525 du Code civil: «Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou, lorsqu’ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés. Les glaces d’un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie. Il en est de même des tableaux et autres ornements. Quant aux statues, elles sont immeubles lorsqu’elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration». Les choses 28 Lors d’un examen ou d’un concours, lorsque les textes sont particulièrement longs (comme c’est le cas ici), vous pouvez vous contenter de donner le numéro de l’article. En revanche l’étude de ces textes est impérative. C’est ce qu’il convient de réaliser à présent. Il ressort de ces textes que pour que la qualification d’immeuble par destination soit retenue plusieurs conditions doivent être réunies cumulativement: – existence d’un bien meuble par nature et d’un bien immeuble par nature; – identité de propriétaire du meuble et de l’immeuble; – existence d’un rapport d’immobilisation entre ce meuble et l’immeuble ; cette dernière condition étant remplie s’il est établi de manière cumulative: – la volonté du propriétaire d’affecter le meuble à l’immeuble (élément subjectif); – l’existence d’un lien effectif entre le meuble et l’immeuble (élément objectif), étant précisé que ce lien peut être alternativement soit: – économique: le meuble est rattaché à l’exploitation d’un fonds. La jurispru- dence a précisé que ce rattachement devait non seulement être utile mais aussi nécessaire; – matériel: le meuble est attaché à perpétuelle demeure. Cela signifie qu’il ne peut pas être enlevé sans détérioration. La jurisprudence exige des faits matériels d’adhérence apparente et durable sauf exceptions légales (ex : statues). Attention, si l’attache matérielle doit être suffisamment caractérisée pour justifier l’immobilisation, elle se distingue néanmoins de l’incorporation qui a pour effet de transformer le meuble en immeuble par nature. Le critère de distinction entre l’attache à perpétuelle demeure et l’incorporation, c’est-à-dire les immeubles par destination et les immeubles par nature, tient à ce que l’immeuble par destination conserve son individualité malgré le lien qui l’unit à l’immeuble alors que l’incorporation a pour effet de transformer la nature tant physique que juridique du bien incorporé: celui-ci perd son individualité. Il se fond dans l’immeuble en en devenant une partie intégrante (un moellon incorporé au sein d’une construction en est une parfaite illustration). C. Conclusion Les deux premières conditions ne posent guère de difficultés. Envisagés de manière indépendante les boiseries, le miroir et la sculpture sont des biens meubles par nature. Quant au château, il s’agit, sans aucun doute, d’un immeuble par nature. L’identité de propriétaire est supposée. Plus complexe est la question du rapport d’immobilisation. Voyons successivement ce qu’il en est pour chacun des biens. – Les boiseries. on peut d’abord admettre la volonté du propriétaire d’affecter ces boiseries à la décoration du château. Concernant l’élément objectif, si rapport d’immobilisation il y a, celui-ci ne peut être que de nature matérielle. Le Thème 2 • La distinction des immeubles et des meubles 29 rattachement économique n’aurait pas de sens ici. Il convient alors de s’interroger sur l’existence d’une attache à perpétuelle demeure. Même si cela n’est pas aisé, il convient de faire la distinction entre l’attache à perpétuelle demeure et l’incorporation. uploads/S4/ partiels-2018-lextenso-etudiant-jour-4-l2-droit-des-biens-lgdj-exercices-pratiques.pdf

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  • Publié le Mar 25, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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