COURS Xavier Bioy collection COURS Droits fondamentaux et libertés publiques •
COURS Xavier Bioy collection COURS Droits fondamentaux et libertés publiques • Cours • Thèmes de travaux dirigés 5e édition Préface de Jean-Paul Costa Collection dirigée par Bernard Beignier LMD SÉANCE 1 La vie et la mort Dissertation « Faut-il réviser la loi Claeys-Leonetti ? » Marie Glinel, Doctorante droit public, Institut Maurice Hauriou Proposition de corrigé Introduction Accroche : « Laissez-les faire ! La loi doit exclure totalement la question des mineurs qui est un problème insoluble, elle ne doit pas s’immiscer dans la décision ». Ce sont les mots employés par un sénateur à l’occasion de la discussion relative à la proposition de loi Claeys-Leonetti. Est-il opportun d’occulter de la sorte une telle question, au motif qu’elle serait « insoluble » ? En tout état de cause, ce n’est pas la vocation du législateur. Ce dernier écrit la loi en épuisant la compé- tence que lui donne la Constitution, et cette intervention témoigne d’une décision souveraine de s’en écarter. Définitions : Le sujet invite à envisager la nécessité d’une révision. « Faut-il » n’équivaut pas « devoir » ou « pouvoir ». Sa différence tient à la nécessité, non à la possibilité ni à l’obligation. Ensuite, le verbe « réviser » invite quant à lui à penser une évolution de la loi, suggérant ainsi que celle qui est en vigueur actuellement connaîtrait des failles. Bien que la révision soit un mot fort, employé usuellement dans le cadre de la Constitution, il s’intègre ici pleinement en raison du sens figuré qu’il porte. La révision implique donc une prise de conscience préalable des failles du texte, révélée soit par la doctrine, soit par la pratique et le contentieux. La révision appelle une réécriture, et donc de nouveaux arbitrages, une rectification de ce qui avait été choisi auparavant. Enfin, « la loi Claeys-Leonetti » vise la loi du 2 février 2016 relative aux droits des malades et des patients en fin de vie (loi 2016-87), qui fait suite à la loi Leonetti de 2005 sur le même sujet. Cette loi est accompagnée de deux décrets d’application du 3 août 2016, qui font également l’objet de critiques. Bien que le sujet vise « la loi Claeys-Leonetti » il est permis de prendre également en 841 compte les décrets d’application qui lui sont liés, puisqu’ils tirent leur validité, comme leur cadu- cité, uniquement de cette loi. Contexte Par rapport à la loi de 2005, la loi de 2016 prétend apporter des garanties de principe dans la prise en compte de l’avis du patient. Mais en réalité, ces renforcements sont balayés au profit de la médicalisation de la décision. En effet, que ce soit dans l’exposé des motifs de la loi, ou bien dans les diverses communications du Gouvernement, cette loi envisage un changement présenté comme radical. Tout d’abord, la question de la garantie d’accès sur tout le territoire aux soins palliatifs, ainsi que les dispositifs renforcés de formation du personnel médical. Cette première idée, marque une réelle avancée, puisque l’égalité d’accès est inscrite dans la loi, bien qu’il manque encore le décret d’application. Ensuite, dans la lignée des arbitrages du Conseil d’État, la nutrition et l’hydratation font désormais partie des traitements, et non plus des suppléances vitales, ce qui constitue une requalification pour le moins radicale. En outre, les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue apparaissent très normées. En effet, une affection grave et incurable doit avoir été détectée, le pronostic vital doit être engagé à court terme, et la souffrance en cause doit être réfractaire aux traitements. Ces trois conditions ne sont pas, il est aisé de le constater, étudiées dans leur globalité à l’occasion des différents contentieux qui ont eu lieu. Aussi, le patient peut faire valoir sa volonté d’arrêter les traitements s’il est conscient ou par directives anticipées. La condition d’exercice de ce « droit » réside essentiellement dans l’exis- tence d’une situation de traitement inutile et disproportionné visant le maintien artificiel de la vie. Le cas du patient inconscient est strictement normé. Dans un premier temps, les directives anti- cipées du patient sont renforcées. En effet, le patient peut exprimer sa volonté de refuser, limiter ou arrêter les traitements ou enfin les poursuivre. Ces directives sont désormais révocables et révisables à tout moment, ce qui renforce leur emploi dans le temps. Elles sont écrites selon un modèle unique, pour faciliter leur compréhension. En revanche, si elles apparaissent « manifeste- ment inappropriées », les directives anticipées du patient, souverainement écrites et habilement « renforcées » par la loi, sont écartées au profit d’un avis collégial et de la personne de confiance qui sera consultée. Là encore, la question qui se pose est celle de la pondération entre l’avis de la personne de confiance et celui du médecin. Plus encore, la décision de refus d’application des directives anticipées est « estimée » par le médecin à l’issue d’une « procédure collégiale » qui sera définie par « voie réglementaire » ce qui constitue un autre point de cristallisation du conten- tieux. Enfin, et c’est le plus important, ces dispositions régissent uniquement la situation des majeurs. La notion juridique « mineur » n’apparaît jamais dans ce texte de loi. En oubliant de faire du mineur l’un des sujets de ces « nouveaux droits des malades et des patients en fin de vie », la loi de 2016 créée un vide que le contentieux tente de panser à partir de l’unique disposition présente dans le décret d’application relatif à la procédure collégiale. Depuis qu’elle est promulguée, la loi du 2 février 2016 a donné lieu à plusieurs contentieux, devant le juge administratif, le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. Les contentieux relatifs à cette loi et aux situations qu’elle régit sont liés globalement à l’imprécision des termes employés, des procédures choisies et des situations indéfinies. Intérêt du sujet : Cette loi prend les apparences d’une loi de consensus, puisqu’elle a été rapportée et portée par deux députés de bords différents, a été votée à une large majorité. Mais ce consensus apparent contraste avec les nombreux problèmes mis en évidence à l’occasion des divers contentieux. C’est en ce sens que ce sujet présente un grand intérêt : se poser la question de la révision d’une loi, implique d’avoir pris en compte au préalable les apories de cette dernière, DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS PUBLIQUES 842 son inadéquation aux situations concrètes qu’elle régit, les vides qu’elle laisse. Cela dit, il convient de distinguer l’origine du contentieux qui met en évidence des tensions ; et la solution du conten- tieux qui n’entend faire aucun procès à la loi, en la validant. C’est l’origine du contentieux qui nourrit les interrogations, et non ses solutions. Problématisation et problématique : A priori, l’objet de cette loi est la garantie des droits des malades en fin de vie. Donc la question de la garantie des droits et de la conquête de nouveaux droits peut être raisonnablement envisagée. Or, force est de constater que cette loi « remédica- lise » et ne « socialise » pas la décision sur la fin de vie (Pr. Bioy, AJDA, 2018, p. 578). Par consé- quent, la nécessité de la révision de cette loi, serait gouvernée par un rééquilibrage de l’alterna- tive entre la médicalisation et la socialisation de la décision, et aboutirait à approfondir la garantie des droits de la totalité des patients en fin de vie. Démonstration de la thèse retenue : L’intérêt d’une loi nommée « nouveaux droits en faveur des malades en fin de vie » consiste à accroître la base des droits. Cette conception, apparentée à une « socialisation » de la décision, accorde une importance majeure à la volonté du patient. Cette option a été reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme comme faisant consensus entre les États européens, alors que la question générale de la fin de vie n’y parvient pas (CEDH, 2014, Lambert). Or, en médicalisant la décision de poursuivre ou d’arrêter les traitements, l’acquisition de nouveaux droits ne s’opère pas sur le même terrain normatif. En effet, la loi n’est pas le même terrain normatif que le règlement et donc le code de déontologie médicale qui constitue le texte médical. Il reste à savoir qui détient la prérogative réelle et ultime d’opérer le choix, pour toutes les personnes. En effet, la question de la forme et de la procédure est tout aussi importante que la question des droits concrets reconnus aux patients en fin de vie. La question de la forme est en partie liée à la compétence du législateur, motif de censure possible de la loi par le Conseil, et invocable en l’espèce eu égard à l’imprécision des notions et le renvoi au pouvoir réglementaire. C’est en ce sens qu’il est important d’étudier à la fois la nécessité de rééquilibrer l’alternative entre médicali- sation et socialisation sur le plan formel des procédures et de la clarté des qualifications (I) tout en étudiant conjointement la nécessité de réécrire la loi au profit de situations matérielles de garantie uploads/S4/ partiels-blancs-semestre-2-2019-droits-fondamentaux-et-libertes-publiques-cours.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 08, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.3233MB