F EV RIER 2 O 1 8 Par Camille Potier et Gaspard Koenig. N O TE Prisons ouvertes

F EV RIER 2 O 1 8 Par Camille Potier et Gaspard Koenig. N O TE Prisons ouvertes Une réponse à la situation carcérale française et à la récidive. P RIS O N S O U V ERTES CA M IL L E P O TIER Avocat au Barreau de Paris, spécialisée en droit pénal des affaires. Membre du Conseil de l’Ordre des avocats. GA S P A RD KO EN IG Philosophe, écrivain et Président du think tank GenerationLibre. PAR Cette publication est le fruit d’un partenariat engagé entre le Think tank GenerationLibre et le Barreau de Paris représenté en la personne de Maître Camille Potier, avocat pénaliste, membre du Conseil de l’Ordre. 4 5 S O M M A IRE Se repérer dans la note. 02 Propos liminaires 01 L’essentiel Eléments de contexte philosophiques. 2.1. Les fondements d’un système basé sur la sécurité 2.2. La politique carcérale : un enjeu politique et d’acceptabilité sociale 2.3. La difficile réforme des politiques pénitentiaires 03 Partie 1 p.12 Le système pénitentiaire français 04 Partie 2 p.16 3.1. Les prémices des prisons ouvertes 3.2. Une recommandation suivie différemment selon les pays Les prisons ouvertes : un outil au service de la réinsertion 05 Partie 3 p.22 Propositions concrètes pour l’introduction de prisons ouvertes en France 06 Propositions p.34 p.6 p.8 08 Les partenaires 07 Les auteurs p.36 p.38 6 Les travaux en un coup d'oeil. L 'ES S EN TIEL Constat & analyse. Régulièrement pointé du doigt, le système carcéral français est à bout de souffle. Surpopulation carcérale, conditions de détention indignes, taux de récidive élevé… les maux qui accablent notre système sont bien connus. Les chantiers de la Justice lancés par le gouvernement actuel permettent d’envisager une réflexion sur le sens de la peine et des propositions ambitieuses pour refondre notre modèle carcéral. Cette note fait suite à un voyage d’étude dans une « open prison » finlandaise et propose des éléments d’ordre philosophique et pratique afin d’envisager l’ouverture de prisons ouvertes en France. 1. Engager dès 2018 une expérimentation de terrain avec l’ouverture de prisons ouvertes dans plusieurs régions pilotes. 2. Créer 5 000 places en centres de détention ouverts d’ici la fin du mandat. Propositions. 01 7 Les 3 chiffres à retenir. CHIF F RES CL ÉS 1764 Parution Des délits et des peines de Cesare Beccaria qui inaugura la doctrine moderne du droit pénal en posant le principe de la présomption d’innocence ou de la proportionnalité des délits et des peines. 70% C’est le pourcentage d’établissements ayant recours au modèle dit « ouvert » en Norvège (contre 1% en France). 116€ C’est le « coût » d’un déte- nu en prison ouverte par jour en Finlande (contre 200 euros pour un détenu en prison fermée). 8 Une alternative à la situation carcérale française et à la récidive A lors que la population carcérale française n’a jamais été aussi élevée1, dans des établissements pénitentiaires aux conditions indignes, il est temps de mener une réflexion de fond sur la politique carcérale hexagonale. Les chantiers de la Justice ont été lancés par le gouvernement, le cinquième chantier concerne l’amélioration de l’efficacité des peines et permet d’envisager une réflexion sur le sens et la hiérarchie des peines. C’est également l’occasion de faire aboutir les nombreux travaux sur les conditions d’incarcération et la politique de réinsertion, seuls outils efficaces de la lutte contre la récidive. Si un nombre important de créations de nouvelles places de prison a été annoncé2, l’expérience montre que l’augmentation des places de prison s’accompagne dans la majorité des cas d’une augmentation du nombre d’incarcérations. Ainsi, augmenter le nombre de places de prison ne permet pas de les désengorger. La surpopulation carcérale et les conditions de détentions sont telles, que des requêtes en condamnation de la France pour « mauvaises conditions de détentions de plusieurs établissements pénitentiaires » ont été déposées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le système carcéral semble en effet avoir depuis longtemps montré ses P RO P O S L IM IN A IRES 02 [1] 69 714 détenus au 1er décembre 2017 et 79 999 détenus au 1er novembre 2017. Le rapport de l’ONU de 2008 sur le système pénitentiaire relevait en introduction que « les études réalisées dans certains pays ont montré que l’augmentation de la population carcérale n’est pas imputable à une augmentation avérée de la criminalité. Ce sont plutôt les juges qui condamnent un plus grand nombre de délinquants, et ce pour de plus longues périodes ». [2]  15 000 nouvelles places sont ainsi annoncées. 9 limites. Ce constat ouvre la porte à une réflexion sur de nouveaux modes d’incarcération. Le groupe pénal du Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris et GenerationLibre ont souhaité s’associer afin de concevoir ensemble une feuille de route relative aux prisons ouvertes à l’attention du Parlement et du gouvernement. Nous partageons un constat simple : le système carcéral actuel ne fonctionne pas et les détenus ne sont pas uniquement privés de leur liberté, mais aussi de nombre de leurs droits fondamentaux. Gaspard Koenig, président de GenerationLibre, a effectué un voyage d’études en Finlande en octobre 2017, afin d’observer le fonctionnement des « open prisons » - ces prisons où les barreaux ne sont pas matérialisés physiquement mais n’en demeurent pas moins présents dans l’esprit des détenus. Au vu des conclusions positives de cette enquête et de la nécessité de mener une réflexion réelle sur les projets alternatifs à l’incarcération traditionnelle, le concept des prisons ouvertes semble aujourd’hui une piste particulièrement pertinente. Le système carcéral actuel ne fonctionne pas et les détenus ne sont pas uniquement privés de leur liberté, mais aussi de nombre de leurs droits fondamentaux. Il semble que du côté politique, la réflexion soit elle aussi amorcée. Le 31 octobre dernier, le Président de la République a déclaré que « la France ne peut être fière des conditions dont certains sont détenus sur son territoire, avec un taux d’occupation d’en moyenne 139% et 1300 matelas au sol ». Il a également annoncé la création d’une agence nationale sur le travail d’intérêt général (TIG) chargée de développer et d’encadrer les TIG. Le système de la prison hors les murs pourrait ainsi faire son chemin dans l’opinion politique. 1 0 De même, la Présidente de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet a récemment annoncé vouloir encourager la construction de nouveaux types de prisons, évoquant des « établissements à sécurité modérée » ce qui semble notamment pouvoir correspondre à des prisons ouvertes . La députée a ainsi annoncé le 8 janvier dernier, la création de 4 groupes de travail au sein de la Commission des Lois dont l’un spécifiquement consacré à l’étude d’établissements à sécurité modérée. Une prise de conscience politique de la nécessité de faire évoluer notre modèle carcéral pourrait ainsi être amorcée. Dans ce contexte, le Barreau de Paris et GenerationLibre ont choisi d’apporter leur contribution à ce débat par le biais de cette note commune qui présente des éléments de contexte philosophiques, l’état des lieux du système pénitentiaire actuel puis décrit le système alternatif des prisons ouvertes. Pour conclure, cette note propose des pistes concrètes afin d’ouvrir, avant la fin du mandat actuel, un nombre déterminé de places en centres de détention ouverts. 1 1 Dans cette note commune, le Barreau de Paris et GenerationLibre présentent des éléments de contexte philosophiques, l’état des lieux du système pénitentiaire actuel puis décrivent le système alternatif des prisons ouvertes. 1 2 P A RTIE 1 Eléments de contexte philosophiques. 03 1 3 Tournons-nous un moment vers les fondements du libéralisme pénal avec Cesare Beccaria, un juriste italien dont le traité Des délits et des peines (1764) avait créé une immense polémique lors de sa publication, inspirant jusqu’à Thomas Jefferson, et qui fait toujours référence aujourd’hui. Fondements du libéralisme pénal. Beccaria proposait d’en finir avec la logique discrétionnaire du châtiment public pour établir l’automaticité de la règle de droit ainsi qu’une stricte proportionnalité entre les délits et les peines. La radicalité de ses principes a encore de quoi nous surprendre. Tout d’abord, la mesure d’un crime se fonde entièrement sur le tort qu’il cause à la société et non sur l’intention de son auteur : peu importent les mobiles ; la justice ne doit pas traiter des causes psychologiques mais seulement des actes constatés. Par voie de conséquence, la peine n’est plus envisagée comme une punition, mais purement et simplement comme une mesure de prévention, protégeant la société d’un individu nuisible et décourageant ses imitateurs potentiels. « Le but des peines n’est ni de tourmenter ou d’affliger un être sensible, ni d’empêcher qu’un crime déjà commis ne le soit effectivement. […] Le but des châtiments n’est autre que d’empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables. » La question de la pénitence et de la rédemption ne concerne que le coupable, face à Dieu ou à sa conscience. La société, quant à elle, doit se satisfaire de ce qui lui est uploads/S4/ prisons-ouvertes.pdf

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  • Publié le Jul 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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