1 CAPAVOCAT PROCEDURE CIVILE CORRECTION DU DST n°3 DU LUNDI 16 août 2010 SUJET

1 CAPAVOCAT PROCEDURE CIVILE CORRECTION DU DST n°3 DU LUNDI 16 août 2010 SUJET N O 1 : Dissertation : Le principe de loyauté Le principe de loyauté est connu depuis longtemps dans le droit français des contrats, notamment à travers la notion de bonne foi que l’on trouve à l’article 1134 du Code civil. Son apparition en procédure civile est beaucoup plus récente, du moins en droit français. En effet, les pays anglo- saxons ont développé depuis de nombreuses années le concept du due process of law, et c’est sans doute par l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui compte parmi ses membres des juristes de common law que le principe de loyauté en procédure civile a fait son chemin dans notre système. D’abord limité au droit de la preuve, le principe de loyauté semble aujourd’hui consacré par la Cour de cassation comme un principe directeur du procès gouvernant ainsi les débats judiciaires. Si la loyauté peut apparaître comme une notion floue et imprécise, sa proclamation en la matière peut être ressentie comme nécessaire, en ce que le procès civil, quoique accusatoire, ne doit pas être une arène où tous les coups seraient permis : il n’est pas inutile qu’un principe de loyauté vienne surplomber en tant que norme juridique les devoirs déontologiques pesant sur les professionnels de la justice. Suggéré et conceptualisé par une partie de la doctrine, un principe de loyauté des débats, pesant tout à la fois sur le juge et les parties, a très clairement été consacré par un arrêt du 7 juin 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation. Principe relevant de la morale, le principe de loyauté apparaît doté d’une portée ambiguë, et même superflu en tant qu’il investirait une part de la fonction traditionnellement dévolue à des principes préexistants, comme le principe de la légalité de la preuve ou le principe du contradictoire. A cet égard, une part de la doctrine n’est guère favorable à sa proclamation. Le principe de loyauté serait ainsi inutile, mais également inopportun en ce qu’il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité à laquelle doivent aspirer pourtant tous les principes de procédure civile. Certes, le principe de loyauté des débats devrait permettre de corriger ce défaut en favorisant la manifestation de la vérité ; mais d’une part cela révèle l’incohérence du principe de loyauté (les résultats obtenus étant contradictoires) et d’autre part, l’impossibilité pratique de contrôler la loyauté des débats atténue fortement l’utilité d’un tel principe. Alors que la jurisprudence semble avoir consacré le principe de loyauté et que le rapport Magendie I a proposé d’en faire un principe directeur du procès en l’introduisant à l’article 2 CPC, on peut se demander s’il ne devrait pas rester une simple règle de morale sans pouvoir servir de fondement aux juges. S’il est indéniable que le principe de loyauté est un principe émergent en procédure civile (I), il n’en demeure pas moins un principe critiquable (II). 2 I. Le principe de loyauté : un principe émergent Le principe de loyauté a d’abord été appliqué par la jurisprudence à l’administration de la preuve (A). Ce n’est que par la suite que la Cour de cassation l’a étendu au déroulement des débats (B). A. La loyauté de la preuve Si le principe de la loyauté de la preuve n’est pas explicitement énoncé d’une manière générale par le Code de procédure civile, plusieurs textes la sous-tendent, et notamment les articles 9 et 10, qui soumettent le droit de la preuve à une exigence générale de légalité (art. 9 : « conformément à la loi » ; art. 10 : « mesures légalement admissibles »). Cette obligation procédurale est du reste affirmée dans certaines situations particulières. Ainsi l'article 259-1 C.civ., en sa rédaction applicable au 1er janvier 2005, consacre implicitement une obligation de loyauté probatoire entre les époux au cours du divorce. On peut également souligner qu’en tant qu’il permet la production forcée des pièces détenues par une partie, l’article 142 CPC présuppose que cette production spontanée devrait être la règle, en tant qu’exigence de loyauté. Enfin, l’illicéité des modes de preuve se mesure en réalité à l’aune de leur déloyauté. Toutefois, par le passé, la Cour de cassation ne s’en remettait pas au principe de loyauté, mais invoquait les "moyens frauduleux" ou "l'illicéité de la preuve" (Voir pour la filature, par un détective privé, d'un salarié à la demande de son employeur, Soc.., 22 mai 1995). Les arrêts les plus récents font appel plus directement au principe de loyauté, visant non seulement l’article 9 CPC, mais aussi l'article 6-1 CEDH qui affirme le droit à un procès équitable. C'est ainsi que l'enregistrement d'une conversation téléphonique, effectué et conservé à l'insu de son auteur, est « un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » (Civ. 2e, 7 octobre 2004). Le lien entre la loyauté dans l'administration de la preuve et le procès équitable au sens de l'article 6-1 CEDH n'apparaît pas immédiatement. Pour l'établir, il convient de considérer une de ses composantes : le principe d'égalité des armes. Celui-ci n'est respecté dans la présentation des preuves que si les plaideurs sont soumis à une obligation de loyauté dans leurs recherches et si, corrélativement, le juge a l'obligation de vérifier leur caractère loyal. En effet, si le juge accepte une preuve obtenue par fraude ou par un comportement déloyal, le plaideur qui ne respecterait pas la loyauté serait avantagé par rapport à l'autre. En ce qu'il assure l'égalité des armes entre les plaideurs, le principe de loyauté de l'administration de la preuve constitue un élément à part entière du procès équitable. La généralité du principe invoqué (et de son fondement) devrait ainsi permettre au juge d'étendre considérablement son entreprise de moralisation de la preuve. B. La loyauté des débats D’abord appliqué à l’administration de la preuve, le principe de loyauté a glissé de plus en plus vers le déroulement des débats, notamment comme critère d’appréciation du respect du principe du contradictoire. En effet, plusieurs décisions sont progressivement venues explicitement affirmer l’existence d’une obligation de loyauté, en ce qui concerne l’attitude des intervenants du procès lors des débats. Ainsi, un arrêt de la 2e chambre civile du 23 octobre 2003 a permis à la Cour de cassation d’affirmer que le dépôt tardif (à huit jours de la date de l’ordonnance de clôture) de conclusions récapitulatives par un plaideur constitue un « comportement contraire à la loyauté des débats ». Pour sanctionner le dépôt tardif de conclusions, la jurisprudence tend du reste à privilégier progressivement le fondement de l’exigence de loyauté des débats à celui du principe du contradictoire et de l’article 15 CPC (Civ. 2e, 4 mars 2004 ; 8 juillet 2004 ; 10 février 2005 ; 7 juillet 2005 ; 6 octobre 2005 ; 11 janvier 2006). Cette mise en œuvre de la loyauté des débats est sans doute à l’origine de l’arrêt très important du 3 février 2006 de la chambre mixte de la Cour de cassation qui retient que l’appréciation du respect du principe du contradictoire relève du pouvoir souverain des juges du fond. Par cette décision, la Cour de cassation semble affirmer que le respect d’un tel principe est une question de comportement des parties et non pas de contenu des pièces qui sont communiquées tardivement, de sorte que son appréciation ne peut être contrôlé par la Haute Cour. Cette évolution de la jurisprudence interne a été influencée par le droit international et notamment le droit européen. Comme l’illustrait déjà l’arrêt Golder c/ R.-U. du 21 février 1975, usant à cet égard de la locution de « bonne foi » (§ 34), la Cour européenne des droits de l’homme entend elle 3 aussi prendre en considération l’attitude générale des parties. C’est aussi sur un plan international et plus précisément en droit du commerce international que le principe d’estoppel, c’est-à-dire l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, a progressivement été consacré. Ce principe d’origine anglo-saxonne, qui traduit en somme l’exigence d’une loyauté de chaque plaideur dans la conduite de son argumentation, tend lui-même à être consacré avec une clarté de plus en plus grande en droit français. Ainsi, plusieurs décisions ont pu rejeter la prétention des plaideurs à remettre en cause devant les tribunaux des situations qu’ils avaient eux-mêmes provoquées, sans pour autant – là est l’originalité de la solution – s’appuyer sur des règles traditionnelles telles que la fraude à la loi, la règle nemo auditur, ou la fraude au jugement (V. à cet égard par exemple Com. 27 mars 1990 ; Civ. 1re, 19 novembre 1991). Et si cette exigence est depuis longtemps reçue avec clarté dans le domaine de l’arbitrage, il convient de souligner que cette matière a offert à la Cour de cassation la possibilité de viser explicitement « la règle de l’estoppel » (Civ. 1re, 6 juillet 2005 et surtout AP, 27 février 2009). Si l’on adjoint à cette consécration progressive de l’estoppel la solution retenue dans l’arrêt du 7 juin uploads/S4/ procedure-civile-dst-3-corriges 1 .pdf

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  • Publié le Jan 15, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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