ÉTENDUE ET LIMITES DU DROIT AU RECOURS JURIDICTIONNEL Georges Schmitter Presses
ÉTENDUE ET LIMITES DU DROIT AU RECOURS JURIDICTIONNEL Georges Schmitter Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2015/4 N° 104 | pages 935 à 952 ISSN 1151-2385 ISBN 9782130651338 DOI 10.3917/rfdc.104.0935 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2015-4-page-935.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) Revue française de Droit constitutionnel, 104, 2015 Étendue et limites du droit au recours juridictionnel georges schmitter* Le droit au recours qui, désormais, peut ne plus être seulement juri- dictionnel1 a fait l’objet, au cours de ces dernières années, d’une atten- tion toute particulière tant de la jurisprudence que de la doctrine2. Cette affirmation peut être notamment étayée historiquement par le rappel des propos d’un auteur comme Marcade qui, dans son explication théorique et pratique du code civil écrivait que « chez nous, la faculté de demander et d’obtenir jugement appartient à tous, et partout, et toujours, de la manière la plus illimitée, la plus absolue, sans exception ni restriction aucunes3 ». Parmi les auteurs contemporains, on ne saurait omettre d’évoquer les propos du Doyen Louis Favoreu, pour lequel : « […] que tout individu ait “droit au juge” en France semble évident et énoncer cette proposition peut même paraître inutile4 ». Or, contrairement à plusieurs de nos voisins, comme le prévoit la République fédérale allemande (article 19, alinéa 4) ou encore la Constitution italienne (article 24, alinéa 1er), aucune disposition formelle de l’actuelle Constitution ne reconnaît le bénéfice de tout un chacun au * Georges Schmitter, maître de conférences de droit public à l’université d’Aix-Marseille, ILF GERJC CNRS UMR7318. 1. On songe, bien évidemment, aux différents modes de règlements alternatifs des litiges. 2. Th. S. Renoux, « Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel français », mélanges offerts à M. Jacques Velu, Bruxelles, Bruylant, 1992, t. 1, pp. 311 sq. ; G. Cohen- Jonathan, « Le droit au juge », Mélanges en l’honneur de jean Waline, Dalloz, 2002, pp. 471 sq. ; Ph. Terneyre, « Le droit constitutionnel au juge », LPA, 4 décembre 1991, n° 145, pp. 4 sq. ; G. Schmitter, « La constitutionnalisation du droit processuel », thèse dactyl., 1994 Aix- en-Provence, pp. 40-87 ; M.-A. Frison Roche et J.-M. Coulon, « Le droit d’accès à la jus- tice », Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 2004, 10e éd., pp. 423 sq. ; R. Vandermeeren, « Permanence et actualité du droit au juge », AJDA, 2005, pp. 1102 sq. ; L. Favoreu, « résur- gence de la notion de déni de justice et droit au juge, », Mélanges en l’honneur de jean Waline, Dalloz, 2002, pp.513 et s. ; Les nouveaux cahiers du droit constitutionnel, n° 44, juin 2014. 3. M. Marcade, « Explication théorique et pratique du Code civil », 7e éd., 1873, t. I, p. 69. 4. L. Favoreu, Du déni de justice en droit public français, Paris, LGDJ, 1964, p. 550. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) 936 Georges Schmitter droit à un juge5. Cette carence textuelle n’a pourtant pas empêché le Conseil constitutionnel d’opérer la constitutionnalisation de ce principe6 avant de le rattacher formellement à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à l’occasion de la décision portant créa- tion d’une couverture maladie universelle du 23 juillet 19997. L’importance attachée à ce principe paraît désormais unanime. En droit interne, c’est le Conseil d’État qui lors de sa décision Ministre de l’agriculture contre Dame Lamotte va considérer que le droit à un recours juridictionnel constitue l’une des conséquences du principe de légalité8. Plus récemment, face au refus du Président de l’Ordre des avocats aux Conseils de désigner l’un de ses confrères dans une instance où le minis- tère d’avocat était obligatoire, le Conseil d’État a affirmé que ce refus « ne constitue pas, par [lui]-même, une méconnaissance du principe consti- tutionnel du droit pour les intéressés d’exercer un recours effectif devant une juridiction […]9 ». De son côté, est-il encore besoin de faire état des termes de la décision Belhomme10, où la Cour de cassation va considérer, en substance, que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère cons- titutionnel. Et d’ajouter que doit être assuré l’accès de chacun à un juge11. Quant aux juridictions européennes, la Cour européenne des droits de l’homme a tout d’abord consacré expressément le droit à un tribunal initialement dans l’arrêt Golder c/Royaume-Uni12, avant d’étendre ce droit à la matière pénale à travers l’arrêt Deweer contre Belgique13. S’agissant enfin de la Cour de justice de l’Union européenne, ce prin- cipe sera consacré dans l’arrêt Johnston du 15 mai 1986 qui va admettre que ce principe constitue « l’expression d’un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres14 ». 5. Sur un plan historique, on peut toutefois citer les termes de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’homme du projet de Constitution d’avril 1946 selon lesquels « la loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice et l’insuffisance des ressources ne saurait y faire obstacle ». 6. CC, décis. n° 93-325 DC du 13 août 1993 ; décis. n° 93-335 DC du 21 janvier 1994. 7. CC, décis. n° 99-416 DC du 28 juillet 1999. 8. CE, Ass., 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c. Dame Lamotte, Rec. 110 ; RDP 1951, p. 478, concl. J. Delvolvé, note M. Waline. 9. CE, Sect., 22 avril 2005, M. M. req. n° 257406, AJDA, 2005 ; CE, 17 décembre 2003, Meyet et autres, AJDA, 2004, p. 712, note J.-P. Markus. 10. Cour. Cass., Ass. Plén., 30 juin 1995, D, 1995, p. 515, concl. M. Jéol, note R. Drago. 11. Ces deux exemples sont particulièrement intéressants, dans la mesure où ils témoi- gnent de l’actualité du phénomène de constitutionnalisation des différentes branches du droit auquel Louis Favoreu était, comme chacun sait, très attaché. 12. CEDH, 21 février 1975, Série A, n° 18. 13. CEDH, 27 février 1980, Série A, n° 35. 14. CJCE, 15 mai 1986, Marguerite Johnston, aff. 222/84, rec. 1651. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) Étendue et limites du droit au recours juridictionnel 937 Pourtant, malgré les évolutions considérables qui se sont manifestées, au cours des dernières décennies, certaines limites plus ou moins for- melles continuent à exister. Pourrait-il d’ailleurs en être autrement sauf à faire preuve d’un opti- misme béat ? En effet, dire qu’un droit est fondamental, cela ne signifie nullement qu’il soit absolu. Par ailleurs, dans le cadre de son contrôle, le Conseil constitutionnel s’est souvent assuré que les dispositions concer- nées ne portaient pas d’atteintes substantielles au droit au recours15. La motivation adoptée par le Conseil offre aux pouvoirs publics une marge certaine d’appréciation, sauf à vider de sa substance le contenu de ce principe. Ainsi, la juridiction constitutionnelle a-t-elle pu juger que le recours pouvait être assujetti à l’acquittement d’une contribution finan- cière comme cela a pu être affirmé par le Conseil pour lequel « les dispo- sitions contestées qui excluent les droits de plaidoirie du champ de [l’aide juridictionnelle] ne méconnaissent pas, eu égard à leur faible montant, le droit au recours effectif devant une juridiction16 ». Au cours des dernières décennies, le renforcement de la protection du droit au recours s’est opéré de deux manières : tout d’abord, à tra- vers la progression constante du champ d’application de ce principe et ensuite au regard de l’encadrement des domaines où le recours à un juge n’aurait pu s’avérer qu’illusoire. Même si la préoccupation majeure qui a animé les différentes juridictions a toujours été de rendre les recours existants aussi effectifs que possible. L’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité n’a fait que renforcer ce sentiment. Ainsi, au cours de la seule année 2012, le Conseil constitutionnel a été conduit à invalider plusieurs dispositions pour avoir porté atteinte au droit à un recours effectif17. Pour bien démontrer, s’il en était, le fait que désormais l’article 16 de la Déclaration des droits constitue un principe uploads/S4/ rfdc-104-0935.pdf
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- Publié le Fev 02, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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